Colombie

[Étude mise à jour en 2023]


  • Cadre juridique en Colombie :

Il n’existe aucune réglementation propre à la gestation pour autrui en Colombie. Au cours des 25 dernières années, 16 projets de loi ont été rejetés. Si en 2009 une décision de la Cour Constitutionnelle a autorisé la GPA “sans la réguler”, elle ne donne aucun cadre quant à la “façon dont peut s’établir le contrat entre les différentes parties, la filiation, les obligations médicales et financières envers la mère porteuse”[1]. Cette décision, issue d’un précédent juridique, exprime que dans le système juridique colombien, il n’y a pas d’interdiction express pour la réalisation de ce type d’accord. Cependant, s’agissant des techniques de procréations assistées, au sein desquelles se situe la maternité de substitution, la doctrine a considéré qu’elles sont juridiquement légitimées en vertu de l’article 42-6[2] de la Constitution, qui dispose que “les enfants nés dans le mariage ou en dehors de celui-ci, adoptés ou procréés naturellement ou avec assistance scientifique, ont des droits et des devoirs égaux”[3].

Le 24 février 2023[4], un projet de loi a été présenté aux députés, porté par le gouvernement de Gustavo Petro (gauche). Le texte prévoit l’obligation pour la mère porteuse d’être âgée entre 25 et 34 ans et d’être déjà mère. De plus, “les couples hétérosexuels devront avoir épuisé toutes les voies médicales d’aide à la procréation”. Cela viendrait alors réglementer la GPA sur les individus mobilisés, à savoir les conditions pour être mères porteuses et les conditions pour en bénéficier.

La constitution colombienne n’autorise pas la discrimination, de sorte que tous les célibataires, couples hétérosexuels ou de même sexe peuvent participer au processus de maternité de substitution, tant qu’il existe un lien génétique avec le bébé. L’égalité des droits s’étend aux étrangers dans l’article 100[5] de la Constitution, accordant aux étrangers les mêmes droits qu’aux citoyens y compris pour la maternité de substitution internationale. En ce qui concerne la filiation, la mère porteuse ne doit pas être reliée génétiquement avec l’enfant. Mais la législation ne statue ni sur les rétributions envers les mères porteuses ni sur l’établissement des contrats.

  • Ce qu’il en est dans la pratique :

En Colombie il existe environ 35 cliniques de fertilité, “parmis celles-ci, plus de 60% se sont aventurées dans (la) pratique”[6] de la GPA, cherchant à ouvrir de plus en plus la pratique. Le vide juridique sur la pratique laisse le champ libre aux agences pour dicter les critères de recrutement des mères porteuses, les conditions fixées par les contrats et les paiements. Si la GPA est bel et bien pratiquée en Colombie, les mères porteuses sont soumises à des contrats de confidentialité qui les empêchent de parler du processus. Il est donc très difficile d’obtenir des cas de mères porteuses qui souhaitent évoquer leur expérience ou simplement témoigner.

Ce journal[7] (La presse) a réussi à obtenir le discours d’une mère porteuse sous nom d’emprunt. Elle explique être infirmière et avoir été mère porteuse, elle connaît donc bien les rouages de la maternité de substitution en Colombie, où des centaines de femmes se “proposent” comme mères porteuses. Le recrutement de celles-ci se fait majoritairement par les réseaux sociaux – nouvelle plateforme de recrutement et publicitaire – et propose un large choix d’offres et de demandes. Les offres sur les réseaux sociaux tels que facebook réfèrent de nombreuses annonces appelant des “loueuses de ventre”, de particulier à particulier avec des prix extrêmement bas.

Les cas de mères porteuses en Colombie sont très différents les uns des autres car les offres et demandes sur les réseaux sociaux varient beaucoup, aussi, les contrats signés par les mères porteuses sont principalement à destination des clients et pour la plupart elles ne bénéficient pas d’un suivi juridique garantissant leurs droits et sécurité. La chercheuse Angelica Bernal, diplômée de l’Université Javeriana, explique – après avoir effectué une enquête – qu’elle a parlé “avec des mères porteuses qu’on a payé 10 millions de pesos, soit environ 2000$, pour l’ensemble du processus. L’une d’entre elles n’a pas été payée et il y a d’autres femmes qui ont fait le processus jusqu’à six fois”.[8] L’absence de réglementation et de cadre juridique propre aux mères porteuses réduit alors leur gestation à un coût de seulement 2000$ (pour les cas où les femmes sont payées) comprenant l’ensemble des risques connus de la maternité de substitution : pré-éclampsie, diabète gestationnelle, perte d’utérus, perte de potentiel de capacité reproductive avec le recours à la césarienne demandé par les commanditaire ou imposé par les agences, mort… mais aussi l’ensemble du processus, à savoir : le recrutement, la signature du contrat, la ou les FIV (fécondation in vitro renouvelée en cas d’échec), l’encadrement psychologique pour qu’elle se dissocie de sa grossesse, le suivi médicalisé de la grossesse (monitoring), l’accouchement, la remise de l’enfant au client, la renonciation à sa filiation avec l’enfant qu’elle a porté, le post partum et tous les risques associés à la grossesse.

Lorsque les femmes pratiquent des GPA jusqu’à six fois, c’est qu’elles sont dans un réel besoin d’argent au prix de leur propre santé et pour les besoins d’autrui : “ce sont des femmes avec de faibles revenus, beaucoup deviennent mères porteuses pour payer des dettes, leurs études ou subvenir aux besoins de leurs enfants”[9]. Et lorsqu’elles ne sont parfois même pas payées, leurs droits en tant que femmes sont complètement bafoués.

L’absence de réglementation ou d’interdiction formelle de la GPA contribue au développement de trafics illégaux. Si la mère porteuse doit normalement figurer sur le registre de naissance à l’accouchement conformément “à la réglementation sur les soins périnatals et maternels”[10], se développent désormais des cas de corruption du personnel médical. Les mères porteuses et les agences vont jusqu’à payer un notaire ou un des médecins accouchant pour inscrire “les (commanditaires…) en tant que parents sur le certificat de naissance”[11]. Cela permet de reconnaître directement le lien de filiation et de ne pas passer par des procédures d’adoption, en effaçant la mère porteuse du processus.

Soumises au tourisme procréatif, de nombreux clients espagnols notamment (puisque la pratique est illégale dans leur pays) viennent chercher des mères porteuses en Colombie, et parfois les ramènent dans le pays d’origine des clients pour l’accouchement afin de simplifier la filiation. Les quelques mesures législatives qui existent sur la GPA ne sont pas toujours respectées et de plus en plus de cas illégaux ont été signalés. Si le prix moyen d’un enfant pour une gestation pour autrui est de 4000 dollars[12], ce montant ne reflète pas toujours les coûts réels impliqués dans la procédure. La Colombie est devenue un  pays très attractif pour les commanditaires et est une destination rentable en raison des coûts relativement bas par rapport à d’autres pays où la gestation pour autrui est légale, comme les Etats-Unis. En plus du trafic de femmes et d’enfants que cela engendre, la demande des pays occidentaux en Colombie, perçut comme une destination “low cost” de GPA, créée une offre sur le territoire et de nombreuses Vénézuéliennes réfugiées en Colombie pour fuir leur pays d’origine proposent leurs services de mères porteuses.

Les agences qui proposent des programmes de GPA vers la Colombie offrent des prestations allant de 50 000$ à 105 000$[13]. Comme susmentionné, les mères porteuses ne touchent que quelques milliers de dollars sur l’ensemble de ce que les clients vont verser. Ce système marchand offre donc aux agences, avocats, laboratoires, médecins, publicitaires, et autres, une pratique plus que lucrative pour le sacrifice d’une femme.


[1]https://www.genethique.org/colombie-les-ventres-a-louer-se-multiplient/#:~:text=En%202009%20une%20d%C3%A9cision%20de,financi%C3%A8res%20envers%20la%20m%C3%A8re%20porteuse%20%C2%BB.

[2] https://www.constituteproject.org/constitution/Colombia_2015

[3] https://surrogacycolombia.com/surrogacy-law/

[4] https://www.la-croix.com/Monde/En-Colombie-GPA-hors-controle-2023-03-06-1201257944

[5]https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/le-traitement-jurisprudentiel-du-principe-d-egalite-au-sein-des-cours-hispanophones#:~:text=%3A%20Colombie%2C%20art.,exercice%20de%20certains%20droits%20civils.

[6]https://www.asuntoslegales.com.co/actualidad/gestacion-subrogada-en-colombia-cual-es-la-situacion-legal-actualmente-en-el-pais-3565525

[7]https://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/2023-03-27/la-colombie-et-les-meres-porteuses/un-debat-politique-sans-fin.php#:~:text=En%20Colombie%2C%20des%20femmes%20sont,colombien%20de%20r%C3%A9glementer%20cette%20pratique.

[8]https://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/2023-03-27/la-colombie-et-les-meres-porteuses/un-debat-politique-sans-fin.php#:~:text=En%20Colombie%2C%20des%20femmes%20sont,colombien%20de%20r%C3%A9glementer%20cette%20pratique.

[9]https://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/2023-03-27/la-colombie-et-les-meres-porteuses/un-debat-politique-sans-fin.php#:~:text=En%20Colombie%2C%20des%20femmes%20sont,colombien%20de%20r%C3%A9glementer%20cette%20pratique.

[10] https://www.bbc.com/afrique/monde-64399279

[11] https://english.elpais.com/international/2023-01-04/colombias-surrogacy-market-buying-a-baby-for-4000.html

[12]https://elpais.com/america-colombia/2023-01-03/el-mercado-de-los-vientres-de-alquiler-en-colombia-un-bebe-a-4000-dolares.html

[13] https://www.nordicsurrogacy.se/fr/gestation-pour-autrui-gpa-en-colombie/

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