BELGIQUE

“Ce que prévoit cette proposition, c’est de rédiger une convention “détaillée” qui stipule les droits et les obligations de chaque partie. Quand on commence à creuser les droits et les obligations de la mère porteuse, ils sont très lourds, puisque notamment la convention prévoirait que la femme enceinte n’a pas le droit de prendre le moindre médicament sans une prescription médicale. De plus, si elle ne respecte pas un des points de la convention, elle ne doit pas seulement remettre l’enfant, mais tous les frais liés à la grossesse sont à sa charge. Cela signifie que si elle a mal de tête, elle doit prendre rendez-vous chez un médecin pour obtenir un simple médicament, sinon potentiellement elle doit payer tous les frais, et les parents d’intention ont quand même le droit de garder l’enfant à la fin.” – Myriam Ben Jattou, (Juriste et présidente de Femmes de Droit ASBL), sur le projet de loi visant à réglementer la GPA en Belgique

 

Accès intégral à l’intervention de Myriam dans notre séminaire  « Critique de la GPA sous l’angle juridique » (1)

 

La GPA en Belgique, l’un des pays les plus libéraux: 

La législation belge, mise en œuvre en 2007, est peu restrictive, déléguant la décision et l’application des techniques de reproduction à l’examen du corps médical du pays dans divers centres de procréation qui, comme nous le savons, considèrent la GPA comme une question purement médicale sans tenir compte ou même sans avoir de compétence suffisante pour traiter la GPA comme elle est réellement : une pratique sociale.

Ainsi, en Belgique, l’accès aux techniques de reproduction est large en raison de l’absence de critères restrictifs établis par la loi pour leur utilisation, que ce soit pour la Procréation Médicalement Assistée (PMA) ou la gestation pour autrui, qui, comme souligné, n’est actuellement pas réglementée. Cela signifie que les centres de reproduction ont l’autonomie pour définir leurs propres critères d’accès.

 

“on s’en fou, légal ou pas on le fait”

  (discours contenu dans la vidéo romancée sur la réalisation de la GPA à l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles selon ses propres critères)

 

Cela fait de la Belgique un acteur sur la scène européenne en matière de GPA, encore peu développé car les 5 hôpitaux qui la pratiquent s’en tiennent à des approches restrictives : GPA intrafamiliale, infertilité féminine prouvée. d Le don de gamètes est volontaire et non rémunéré, et peut rester anonyme. A notre connaissance, il n’existe aucune donnée sur les GPA réalisées, ni dans les 4 autres cliniques,  ni à l’étranger pour des commanditaires belges.

En attendant une éventuelle intervention législative, les tribunaux agissent par le biais de différents subterfuges juridiques pour « résoudre » les problèmes nés de GPA menées à terme liés à l’établissement de la filiation, l’adoption et la reconnaissance d’actes ou de décisions judiciaires étrangères.

 

Une étude publiée par la revue PÉRINATALITÉ (2) en 2022 présente les GPA prises en charge par l’Hôpital Saint Pierre de Bruxelles :

C’ est un hôpital connu pour la réalisation de la GPA en Belgique, il se présente d’ailleurs comme tel . De 1997 à 2020, l’hôpital a reçu au moins 231 demandes de GPA dont au moins 77 ont été acceptées. Seules 50 demandes ont été refusées en raison de « risques psychosociaux pour la mère porteuse ». Les Français représentent au moins 50 % des demandeurs de GPA en Belgique, ce qui renforce le rôle du pays dans la GPA transfrontalière, aujourd’hui limité aux pays limitrophes . Tous les bébés produits et nés à l’hôpital sont pris en charge directement par les commanditaires indépendamment du résultat des procédures judiciaires qui décident de la parentalité de chaque cas.

L’hôpital Saint-Pierre n’a pas de critères fixes pour la réalisation de la GPA, chaque cas est délibéré individuellement. Bien qu’étant une entité hospitalière, ils qualifient eux-mêmes la grossesse menée à terme par la mère porteuse de « grossesse partagée ». Depuis 2015, selon leur propre compréhension, l’équipe hospitalière a commencé à réaliser des procédures incluant le don d’ovocytes pour satisfaire les couples d’hommes dans les demandes de l’hôpital.

En 2015, le Parlement belge, en raison de la disparité des pratiques, a demandé l’élaboration d’un rapport informatif sur les possibilités de définir un cadre légal pour la gestation pour autrui. En conséquence, le Sénat belge a produit un rapport de synthèse dans lequel chaque parti politique belge représenté à l’assemblée a exprimé son point de vue sur la nécessité d’une législation concernant la GPA, y compris la définition des conditions d’accès à celle-ci.

 

À PROPOS DE LA FILIATION:  

En Belgique, le droit commun de filiation biologique prévaut, ce qui signifie que si la GPA se déroule dans le pays et que la femme accouchant est belge, elle sera considérée comme la mère de l’enfant selon la législation en vigueur, créant ainsi automatiquement le lien de filiation légal avec la femme mentionnée dans l’acte de naissance. 

Cependant, actuellement, il n’existe aucune loi régissant la GPA en Belgique, tant en termes d’accès qu’en ce qui concerne l’établissement du lien de filiation avec les parents commanditaires. Par conséquent, la mère porteuse, qu’elle ait fourni ou non ses ovocytes, est désignée comme la mère légale de l’enfant, et tout “père d’intention” peut reconnaître l’enfant avec le consentement de la mère porteuse.

La “femmes du couple commanditaire” (ou les deux “parents d’intention”, si le père d’intention ne reconnaît pas l’enfant) peut adopter l’enfant avec le consentement de la mère porteuse. Pour les couples de même sexe, le deuxième “père intentionnel” peut également adopter l’enfant. Cela nous montre que l’adoption est l’un des principaux moyens d’accéder aux enfants nés par GPA en Belgique, et l’argument invoqué est celui de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». 

Afin d’annuler le droit de rétractation de la mère porteuse, lors des discussions au Sénat en 2015, une réforme du droit belge a été proposée pour permettre l’établissement automatique de la filiation entre les commanditaires et l’enfant, sans que la mère porteuse soit considérée comme la mère légale de l’enfant.

L’ ACCÈS:  

En ce qui concerne l’accès, les opinions législatives sont divergentes, bien que la majorité semble croire en l’exigence selon laquelle au moins l’un des “parents intentionnels” doit fournir son matériel génétique et que la mère porteuse n’ait aucun lien génétique avec l’enfant, Alors que la plupart des partis défendant une réglementation législative sont disposés à permettre l’accès aux célibataires et à tous types de couples (de même sexe ou de sexes opposés), certains souhaitent limiter l’accés à la GPA aux seuls citoyens belges ou résidents sur le territoire belge pendant une certaine période (par exemple, deux ans) ; certains envisagent également d’imposer des conditions de résidence en Belgique pour la mère porteuse. L’exigence de résidence se retrouve dans des législations telles que celle de l’Argentine, qui prévoit 5 ans de résidence dans le pays afin de ne pas faire de celui-ci un épicentre du marché de la GPA comme c’est actuellement le cas en Colombie.

Bien que datant de plus de 8 ans, le rapport atteste qu’il y a un débat ouvert sur la possibilité de réglementer l’accès à la GPA en Belgique (3)

Les seules restrictions d’accès à la PMA concernent l’âge de la femme : les résidentes belges sont couvertes jusqu’à 42 ans, avec un maximum de six cycles remboursés. De plus, la procédure doit être réalisée chez les femmes de moins de 45 ans pour la collecte d’ovocytes et jusqu’à 47 ans pour le transfert d’embryons. Il n’y a pas de restrictions d’âge pour les hommes impliqués dans le processus de reproduction ou pour les donneurs de sperme, et les législateurs ne voient pas comme problématique la possibilité de réaliser une insémination ou un transfert d’embryons après le décès d’un des parents(!), à condition que cela ait été convenu préalablement et dans un délai spécifique après le décès.

 

L ‘AVIS Nº86:

Le 17 avril 2023, le Comité de Bioéthique de Belgique a publié l’Avis n°86 concernant la réglementation légale de la gestation pour autrui (GPA), actualisant ainsi l’Avis n°30 du 5 juillet 2004. Cette publication a été sollicitée par le Ministre des Affaires Sociales et de la Santé Publique, Frank Vandenbroucke, afin de réviser la politique concernant la maternité de substitution. 

 

La Belgique évoleura-t-elle vers une GOPA réglementée ?

 

En somme, dans l’Avis n°86, le Comité considère la GPA comme éthiquement acceptable et recommande vivement qu’elle soit réglementée par la législation sur l’adoption. Leur intention est de faciliter le processus pour les commanditaires en leur garantissant des droits parentaux exclusifs dès la naissance de l’enfant grâce à un accord préalable entre les commanditaires et la mère porteuse.

Signez ici la pétition de la CIAMS contre l’Avis nº86.

Prenez ici connaissance du rapport argumentatif de la CIAMS contre l’Avis .

 

Conclusion: 

On peut dire que l’accès à la GPA est plus large en Belgique que dans d’autres pays, en partie parce que la loi ne définit pas de critères restrictifs pour l’accès et la mise en œuvre des techniques de PMA, et, parce qu’elle n’interdit pas effectivement la pratique. Cela a pour conséquence de laisser aux centres médicaux une totale liberté pour définir leurs propres critères d’accès. Dans un cadre juridique et social tendant vers la permissivité, que ce soit par des actions concrètes ou par omission, les tribunaux recourent à des détours juridiques pour établir les liens de filiation de l’enfant avec les parents intentionnels, créant un contexte d’incertitude où l’argument de la réglementation, qui prévoit une ouverture au marché, trouve de la place plutôt que ce qui devrait réellement être mis en œuvre, à savoir l’interdiction dans tous les cas.

 

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