La fin du principe d’égalité
Ana-Luana Stoicea-Deram[1]
Les sociétés démocratiques modernes se sont bâties sur la reconnaissance de la personne comme étant libre et égale aux autres–« […] l’égalité théorique de valeur des vies s’est imposée comme l’un des principes idéologiques les plus fondamentaux sur lesquels nos sociétés croient pouvoir reposer »[2]. Sujets de droit, tous les individus qui composent une société démocratique sont égaux en droits. Le principe de l’égalité des personnes nourrit non seulement les législations des régimes démocratiques, mais également les textes internationaux qui promeuvent les droits humains, que ce soit dans leur généralité, ou en abordant une perspective spécifique : droits des femmes, droits des enfants, droits des personnes en situation de handicap, etc. La reconnaissance de l’égale dignité des personnes semble être, au XXIème siècle, un principe fondamental des États de droit démocratiques, ainsi que des textes visant à garantir sur le plan international le respect des droits humains. Jusqu’à présent, la dynamique démocratique s’est appuyée sur le principe d’égalité pour faire reconnaître les mêmes droits à toutes les personnes. A la fin du XXème siècle, sous l’impulsion d’une « tentation de l’illimité »[3] analysée par Dominique Schnapper, l’exigence d’égalité a dépassé les dimensions de la vie sociale, pour toucher des aspects très personnels, et prendre la forme d’une « démocratie de l’intime ».
Aujourd’hui, une pratique sociale particulière représente à elle seule le risque d’en finir avec l’égalité : il s’agit de la maternité de substitution, dite aussi gestation pour autrui (GPA). Car la GPA est à la fois la cristallisation de nombreuses inégalités existantes depuis longtemps, et la consécration de la rupture du principe d’égalité en train de s’instaurer.
La GPA se nourrit des inégalités entre les femmes et les hommes
La GPA cristallise les inégalités entre les femmes et les hommes : elle s’en nourrit, s’appuie sur ces inégalités et les prolonge. Si la GPA est possible, si elle est admise, réglementée, promue dans plusieurs pays, sur plusieurs continents, c’est parce qu’elle est basée sur l’utilisation de femmes, pour obtenir des enfants qu’elles abandonnent au profit des personnes qui ont demandé à avoir ces enfants-là (précisément, et non pas d’autres). Or, les femmes mettent au monde des enfants depuis que le monde est monde ; les femmes sont utilisées par leurs familles et leurs communautés dans des buts reproductifs depuis des millénaires ; les femmes sont effacées de la maternité et de la filiation selon le bon vouloir des hommes, depuis toujours. Aujourd’hui, celles qui deviennent mères porteuses affirment le faire volontairement, et cela paraît à certains et à certaines normal que des femmes utilisent leur capacité reproductive à la demande, sur contrat, et surtout sans désir de maternité (puisque les enfants ainsi nés doivent être remis à leurs commanditaires). Mais si des femmes le font, c’est en raison des inégalités entre les femmes et les hommes, qu’elles ont pleinement intégrées dans leur vision d’elles-mêmes et leur raisonnement sur les relations entre les sexes.
Dans les pays où les femmes ont les mêmes droits que les hommes, l’éducation et les pratiques sociales font que les femmes ne perçoivent pas (ou semblent ne pas percevoir) la domination qu’elles subissent. Telle femme américaine[4] se compare à son mari : lui, il a ses propres revenus, que lui apporte son entreprise ; elle n’a rien, si ce n’est son corps. Alors, elle utilise son corps comme une entreprise, pour en tirer des revenus – c’est ainsi qu’elle choisit de devenir mère porteuse. Telle autre américaine dit le faire parce qu’elle aime « ça » (« we definitely do it for love »)[5] et se définit elle-même comme un fabuleux incubateur qui parle et marche (« a walking, talking fabulous incubator »). Dans un pays européen où la pratique est légale, les médecins eux-mêmes reconnaissent qu’elle est possible en raison des inégalités économiques. Dimitri Papanikolau, réputée médecin dans une clinique grecque attirant beaucoup de clients internationaux, dit dans un reportage que « La GPA est un très bel acte médical qui réunit les besoins d’une femme qui a des problèmes de fertilité et les besoins d’une femme qui a des problèmes d’argent »[6].
En revanche, dans les pays où l’accès des femmes aux droits et aux ressources économiques est très restreint, ce qu’elles peuvent faire (le plus immédiatement et avec le moins de risques) c’est ce qu’elles font déjà : mettre au monde des enfants. C’est le moyen à leur portée pour payer les dettes de la famille, nourrir les enfants, leur payer des études[7].
La matérialisation la plus évidente de la cristallisation des inégalités dans la pratique de GPA est cependant le contrat, que les promoteurs de cette pratique présentent comme une garantie de la protection de toutes les parties impliquées. En réalité, les seuls protégés sont les personnes commanditaires (désignées comme parents d’intention). La formulation des contrats montre [8] le statut d’objet qui est donné à la femme et à l’enfant. Depuis la confidentialité des informations médicales concernant la mère porteuse, en passant par son régime alimentaire (qui peut être imposé en totalité), et jusqu’à l’interdiction des soins capillaires, les commanditaires peuvent tout acheter par contrat : nombre d’embryons à implanter, réduction embryonnaire, avortement, modalité et date de l’accouchement – tout se fait uniquement selon leur volonté. Quant à l’enfant, puisque c’est l’intention des personnes commanditaires qui a impulsé la démarche de sa fabrication, quand cette intention n’existe plus, son existence même est difficile à faire reconnaître[9].
Enfin, la GPA prolonge et accroît les inégalités : les mères porteuses sont mieux payées à partir de la deuxième grossesse réalisée par GPA. L’expérience paie ! Dans une société où le monde du travail demande de plus en plus des compétences en termes de créativité, de souplesse, de mobilité, des capacités de se former tout au long de la vie, la GPA apporte aux femmes des revenus en les encourageant à utiliser leur corps et leur famille, à porter des grossesses et à mettre au monde des enfants, sans en avoir le désir, sans avoir l’intention ni de les revoir ni de s’en occuper. Payer plus à partir de la deuxième grossesse, c’est s’assurer que la femme (qui a déjà fait ses preuves, en remettant l’enfant une première fois) y trouve une motivation en se sentant valorisée (les discours marketing à ce sujet sont redoutables).
Une consécration de l’inégalité entre les êtres humains
La consécration de la rupture du principe d’égalité part de cette cristallisation des inégalités entre les femmes et les hommes, pour s’ouvrir sur une dimension anthropologique. La GPA consacre ainsi l’inégalité entre les êtres humains.
Premièrement, en raison du fait que certaines personnes sont censées se transformer en objets à la demande d’autres personnes. Les personnes qui se transforment en objets sont exclusivement des femmes. Quel sera le statut d’une femme qui se transforme, volontairement, en « incubateur qui marche et parle » ? Comment reconnaître l’humanité commune chez quelqu’un qui se définit – parce qu’elle est encouragée à le faire – comme un objet ? Et qui est encore plus encouragée à réitérer cette transformation ?
Deuxièmement, le principe d’égalité cessera de fonctionner pour les êtres humains en raison de leur naissance : il y aura les humains nés par contrat, façonnés par les personnes qui ont payées différents services (médicaux, techniques, humains) pour les obtenir ; et il y aura les êtres humains qui seront conçus et nés sans contrat. Étant donné l’ensemble des sélections eugénistes comprises dans la démarche contractuelle (QI des vendeurs de sperme et vendeuses d’ovocytes, leurs bilans santé ainsi que celui de leurs ascendants afin d’éviter les maladies, les mensurations et autres caractéristiques physiques les concernant ; sélection embryonnaire, réduction embryonnaire, éventuel avortement), il est à supposer que les êtres humains nés par contrat présenteront moins de difficultés (de santé, intellectuelles, sociales – en raison des capitaux social et culturel que leurs commanditaires sont censés posséder, comme le montrent les enquêtes qualitatives sur les parents d’enfants nés de GPA) que les autres.
Même entre les personnes nées par contrat, il y aura d’emblée une inégalité, définitive, ineffaçable, celle du prix qui a été payé pour les faire naître, comme on le voit dans le témoignage de ce père de quatre enfants, qui compare[10] les expériences des deux grossesses et les conditions de choix des mères porteuses : pour les deux premiers jumeaux, la situation financière du couple était bonne, une mère porteuse américaine a été choisie, avec laquelle la famille garde le contact, que les enfants voient en photo, dont ils connaissent le nom. En revanche, le choix de la seconde mère porteuse a inclus la nécessité d’avoir des frais moindres. C’est une indienne qui a porté les enfants, parce qu’elle avait besoin d’argent ; avec elle, ni la famille ni les enfants n’ont aucun contact. Les prix sont présentés de manière comparative, sur deux colonnes, avec des estimations sur les avantages et les inconvénients des deux démarches (du point de vue exclusivement des parents commanditaires).
L’inéluctable et la réglementation : une stratégie de propagande
Les interrogations sur les rapports inégalitaires (du point de vue économique, social et culturel) entre les personnes commanditaires et les mères porteuses, sont le plus souvent absentes, en France, des discours qui abordent la pratique de maternité de substitution. Dans leur très grandes majorité, ces discours ont vocation à défendre cette pratique, voire à la promouvoir. Deux arguments sont utilisés par les promoteurs de la maternité de substitution. Le premier, c’est la réduction à l’inéluctable : cette pratique est possible, elle est réalisée dans de nombreux pays, les personnes qui souhaitent se procurer un enfant en y ayant recours, le font de toute manière, il faut donc l’accepter. Le second argument, qui complète le premier, consiste à affirmer que dans la mesure où elle est réglementée, la maternité de substitution est nécessairement éthique, donc acceptable.
Vouloir réglementer parce que la pratique serait inéluctable, c’est refuser de s’interroger sur la nature même de cette pratique, sur ce qu’elle suppose concernant, d’une part, les relations humaines, à savoir le fait que certains êtres humains peuvent être transformés en moyens, au service d’autres ; et d’autre part, concernant les relations entre les femmes et les hommes, puisque les femmes seraient susceptibles de se considérer comme des objets (four, incubateur, cosse etc.) pour la satisfaction d’autres personnes – qui se trouvent être, dans leur très grande majorité, des hommes (le footballeur Cristiano Ronaldo, qui a trois enfants nés de mères porteuses, est un exemple en ce sens). Or, ce type de rapports s’apparente à l’esclavage, qui est « l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux » (Convention sur l’esclavage).
Dans Surrogacy. A Human Rights Violation (2017), la chercheuse australienne Renate Klein montre que la démarche réglementariste consiste à récuser l’approche globale portant sur la nature du problème, et à imposer une approche partielle, questionnant tel ou tel aspect de la GPA, pour savoir si et comment il peut être encadré. En reprenant les paroles de la féministe américaine Robin Morgan, Klein rappelle qu’il s’agit de l’essence même du patriarcat, à savoir la capacité à institutionnaliser la déconnexion. En effet, la GPA est basée sur une représentation fragmentée, déconnectée, émiettée des femmes et de leur corps. C’est ce que la philosophe Sylviane Agacinski désigne comme des Corps en miettes, soumis à une impossible séparation des ordres biologique et biographique :
« En confiant à ce corps une tâche biologique qui n’a d’importance que pour d’autres, la mère de substitution doit se désolidariser de lui, elle doit déconnecter son propre temps biologique de son temps biographique, donc de son histoire personnelle. Cette déconnexion implique une formidable dépossession de soi »[11].
Réglementer ou légiférer revient ainsi à accepter la pratique, et à croire que l’on peut en limiter les éventuelles conséquences néfastes. On s’aperçoit néanmoins que le problème est le cadre lui-même : l’existence d’une limite est insupportable à celles et ceux qui veulent obtenir des enfants d’une mère porteuse.
En outre, réglementer la GPA ne concerne en rien l’émancipation et l’autonomie des femmes. Là où elles peuvent avoir accès à des activités professionnelles correctement rémunérées et pratiquées dans des conditions de sécurité, les femmes ne deviennent pas mères porteuses. Des femmes indiennes disent clairement que c’est un sacrifice qu’elles font, parce qu’elles n’ont pas d’autres moyens de gagner correctement leur vie et surtout, celle de leurs enfants ; et que ce serait pour elles un échec si leurs filles devenaient aussi des mères porteuses[12].
La demande de réglementation émane principalement soit de personnes qui ont obtenu des enfants par une mère porteuse, agissant selon une logique du fait accompli et d’une réglementation a posteriori (ce qui pose la question de la valeur de la loi pour ces personnes) ; soit des différentes parties qui ont des intérêts financiers et professionnels pour que la pratique se développe : les agences d’intermédiation, les cliniques, les avocats.
Le loi qui admet la GPA ne protège ni la mère ni l’enfant
Le rôle des différentes lois ou réglementations en vigueur aujourd’hui consiste à poser une norme qui a un double but, à savoir de protéger les différentes parties prenantes à la pratique (la mère porteuse, les personnes commanditaires, les enfants), comme c’est le cas en Grande-Bretagne, en Ukraine, en Grèce etc., et de garantir le respect d’un contrat, comme dans les États américains qui ont légiféré en la matière.
Mais la loi ne garantit en rien la satisfaction de la demande. Jusqu’à présent, la loi britannique considère la femme qui accouche comme mère de l’enfant, et c’est après l’accouchement qu’elle doit donner son accord définitif pour que les commanditaires puissent être reconnus comme parents. Par ailleurs, elle n’est pas censée être rémunérée, mais dédommagée des frais (plafonnés) occasionnés par la grossesse. Cette loi ne donne pas satisfaction. En Grande-Bretagne il n’y a pas assez de mères porteuses pour répondre aux demandes des Britanniques (comme le montre la presse d’outre-Manche[13]). Cela a conduit dans un premier temps au développement d’un tourisme procréatif, amenant les Britanniques à chercher des services de GPA ailleurs, notamment pour avoir accès à des prestations non prévues en Grande-Bretagne. Un membre de l’aristocratie, Lord Weymouth explique que sa femme et lui (déjà parents d’un petit garçon) ont eu recours à une mère porteuse en Californie pour que la mère n’apparaisse pas sur l’acte de naissance[14].
Là où la législation sur la GPA existe et lui impose un cadre limitant la prestation à ce qui est présenté comme une pratique dite altruiste parce que non commerciale, cela conduit à exiger sa commercialisation. C’est le cas aujourd’hui en Grande-Bretagne, où des associations demandent, depuis 2016, la légalisation de la commercialisation de la maternité de substitution ainsi que la limitation des droits des mères de naissance. Un projet de loi est en préparation, qui prévoit à ce que la mère ne figure plus sur l’acte de naissance, que les personnes commanditaires y figurent en tant que parents, et que la publicité des agences d’intermédiation soit légale[15].
Le contrat sert toujours ceux qui paient
Pour ce qui concerne le contrat, son fonctionnement est caractérisé par une certaine obscurité, et cela sur plusieurs points. L’une des premières questions qui se posent, quand on signe un contrat, est de connaître les conditions de sa réversibilité (par exemple un contrat d’achat, de prestation de service, de mariage, etc). Pour la GPA on s’aperçoit qu’il est presque impossible d’appréhender la réversibilité du contrat. Toujours cités en exemple, les contrats américains ne protègent en rien la mère porteuse. Pour n’en donner qu’un exemple, la situation de cette femme américaine, devenue mère porteuse pour un couple de cinquantenaires américains (déjà parents et grand-parents), atteste de cette absence de protection de la mère ; une fois enceinte, elle est harcelée par les commanditaires, subit des insultes racistes de leur part, s’en détourne, et décide de ne plus se séparer de l’enfant. Elle en est néanmoins séparée, car il est issu du sperme du commanditaire[16].
Le contrat suppose que les parties sont égales. Or, les enquêtes sociologiques montrent que les parties sont le plus souvent inégales. Les profils des « surrogates » américaines attestent clairement des rapports inégaux (économiques, sociaux, culturels, symboliques) dans lesquels elles se trouvent avec les commanditaires[17]. Le contrat suppose que l’on puisse saisir la justice pour faire respecter ses termes, en cas de non respect par l’une des parties : c’est le rôle de la loi. Cependant, pour saisir la justice, pour faire respecter la loi, il faut en avoir les moyens. Or, les avocats des mères porteuses, ce sont les commanditaires qui les paient, au début de la relation, pour un semblant de correction. Les mères porteuses américaines qui témoignent dans le film Breeders. A Subclass of Women, expliquent comment elles ont été trompées et exploitées, par contrat. Kelly Martinez, une jeune femme américaine qui a été mère porteuse trois fois, prend courageusement la parole dans #Big Fertility. It’s all about the money[18]. Elle y raconte, elle aussi, comment un couple de Français lui a menti, comment elle a été forcée, le lendemain d’une césarienne, de quitter le lit et de faire plusieurs centaines de kilomètres, pour accompagner les personnes commanditaires au consulat français, où on lui a demandé de mentir encore, et de dire qu’elle a eu l’enfant suite à une relation extra-conjugale, et qu’elle accepte de renoncer à l’enfant. Rien de tout cela n’était prévu dans le contrat.
Le contrat est en l’espèce la porte ouverte à tous les abus, dans la mesure où des choses illégales peuvent être demandées aux mères porteuses, avec chez les « parents d’intention » la conviction qu’elles vont les accepter, pour ne pas perdre le contrat ; par exemple le fait de renoncer à la confidentialité entre la mère porteuse et le médecin, ou d’accepter que les commanditaires soient les seuls à décider d’une réduction embryonnaire, d’un avortement ou encore des modalités d’accouchement.
Le contrat transforme les enfants en biens, dans la mesure où, en Californie par exemple, la loi sur la GPA s’inspire de la législation sur la propriété intellectuelle pour établir la filiation : c’est la personne qui a eu l’idée d’avoir l’enfant qui en est le parent. Les enfants sont ainsi assimilés à des biens – comme les idées.
Quand bien même on admettrait qu’une réglementation de la GPA pourrait en améliorer la pratique, force est de constater que les points litigieux perdureraient. Qui est la mère ? Sur quels critères est-elle désignée ? Comment sont mis en lien les commanditaires et les femmes souhaitant devenir mères porteuses (agences à but lucratif, organisme public, avec quel financement) ? Qui s’en charge, dans quelles conditions, selon quels critères ? Peut-on sélectionner (les mères, les commanditaires) ? Au nom de quoi ? Et les enfants ? Que prévoir pour leur accès à leurs origines ? Comment le leur garantir ? Muriel Fabre-Magnan présente clairement les enjeux de toutes ces questions dans La gestation pour autrui. Fictions et réalité (2013).
Quelles qu’en soient les modalités, réglementer la GPA reviendrait à reconnaître le droit, pour tous, de se servir de femmes mères porteuses, et de récupérer les enfants qu’elles mettraient au monde sur la base d’un contrat. Non seulement la GPA se nourrit des inégalités entre les femmes et les hommes, en rendant les femmes corvéables à porter des enfants pour toute personne qui souhaite se les procurer de la sorte ; elle consacre aussi la fin du principe d’égalité entre les êtres humains, selon qu’ils sont conçus et nés par contrat ou non, et en fonction aussi du prix payé pour les obtenir. La GPA, c’est la fin de l’égalité. Et si le principe d’égalité est mis à mal, la liberté aussi sera attaquée, puisque les deux sont intimement liées, car il ne peut y avoir de liberté, ni de libération, lorsque les seuls alternatives dans la vie sont bâties sur l’inégalité[19].
[1] Formatrice en politiques sociales et familiales – présidente du CoRP
[2] Frédérique Leichter-Flack, 2015, Qui vivra qui mourra. Quand on ne peut pas sauver tout le monde, Albin Michel, Introduction.
[3] Dominique Schnapper, 2014, L’Esprit démocratique de lois, NRF Gallimard, p. 33.
[4] Comme l’explique l’anthropologue Delphine Lance dans l’émission Les Nouvelles vagues (« Le ventre. Un point international sur la GPA »), diffusée sur France culture, le 7 mars 2016.
[5] Crystal Henry, « The untold truth about surrogacy (according to a surrogate) », publié s.d. sur http://www.thelist.com
[6] Legrand, Salomé, le 5 octobre 2014, “En Grèce, les petits arrangements du business des mères porteuses”, FranceTVInfo
[7] Ainsi qu’en témoignent les mères porteuses indiennes rencontrées par Sheela Saravanan pendant plusieurs années. « Humanitarian tresholds of the Fundamental Feminist ideologies : evidence from Surrogacy in India », dans Analize Journal of Gender and Feminist Studies, Issue No. 6(20), 2016, consultable en ligne http://www.analize-journal.ro
[8] Jennifer Lahl, novembre 2017, « Contract Pregnancies Exposed : Surrogacy Contracts Don’t Protect Surrogate Mthers and Their Children », The Public Discourse http://www.thepublicdiscourse.com
[9] L’actrice américaine Sherri Shepherd, déjà mère d’un garçon de 14 ans, souhaite avoir un enfant avec son nouveau compagnon. Ensemble, ils signent un contrat avec une jeune femme, étudiante ayant besoin d’argent, qui devient mère porteuse pour cette raison. Mais S. Shepherd change d’avis, et ne veut plus de l’enfant commandé. Pendant un an, celle-ci a dû en prendre soin et assumer tous les frais, ainsi que des frais d’avocat pour faire valoir ses droits. « Sherri Shepherd Can’t get out of surrogacy contract », le 25 novembre 2015, https://www.cbsnews.com.
[10] Témoignage publié le 14 août 2013 sur le blog rockandledge.com et intitulé « Domestic vs International Surrogacy »
[11] Sylviane Agacinski, 2013 [2009], Corps en miettes, Flammarion, p. 93.
[12] Ces affirmations apparaissent aussi bien dans l’enquête de Rozée Virginie & al., 2016, « La gestation pour autrui en Inde », Population & sociétés, no. 537, INED, que dans celles de Saravanan S., 2015, « Global justice, capabilities approach and commercial surrogacy in India », Men Health Care Philosophy, pp. 295-307, 18 (3).
[13] Nicole Mowbray, le 27 sept. 2017, « To Have and To Hold : The Rise of Surrogacy in Britain », Vogue.
[14] Virginia Blackburn, le 9 janvier 2017, « Royal IVF baby : Viscountess Weymouth reveals her pride and joy surrogate son », The Express.
[15] Le 13e programme de réforme législative a été lancé en décembre 2017. La Surrogacy est l’un des quatorze sujets abordés. Une consultation sur ce sujet, sur la base du document intitulé « Building families through surrogacy: a new law » a été ouverte et sera clôturée en octobre 2019.
[16] Mike Kilen, le 5 septembre 2017, « Who is Baby H’s parent ? Iowa legal battle pits surrogate against couple who hired her », Des Moines Register.
[17] Jacobson, H., 2016, Labor of love. Gestational surrogacy and the work of making babies, Rutgers University Press
[18] Les deux documentaires sont réalisés par CBC Network et peuvent être visionnés en ligne.
[19] “(…) there can be no freedom, no liberation, when the available choices are only constructed on the basis of gross inequity. More ‘choice’, or even a greater ability to choose, does not necessarily mean greater freedom. Kiraly, M., Tyler, M., 2015, Freedom Fallacy. The Limits of Liberal Feminism, Connor Court Publishing, Ballart, p. xii