Le Viêt Nam est le premier pays de la région de l’Asie du Sud Est à proposer une législation encadrant la GPA. L’approche vietnamienne de la maternité de substitution est réglementée, n’autorisant que la maternité de substitution intrafamiliale et interdisant les pratiques commerciales. Comme dans tous les pays où la GPA est altruiste et encadrée, on observe des déviations aux règles avec des personnes souhaitant contourner la régulation pour du profit.
Les lois en vigueur au Viêt Nam interdisent la maternité de substitution à des fins commerciales et depuis 2015, elles limitent la GPA à des circonstances intrafamiliales. Même si la maternité de substitution n’est que intrafamiliale, cela n’enlève rien au fait qu’elle devrait être interdite. Il s’agit d’une procédure dans laquelle la mère porteuse et son nouveau-né courent un risque psychologique et physique.
GPA réglementée, exploitation persistante
En 2003, la maternité de substitution était totalement illégale dans tous les cas au Viêt Nam, en grande partie à cause des croyances profondément ancrées dans la société vietnamienne.[1] La relation mère-enfant qui se développe pendant la grossesse est profondément appréciée, ce qui entraîne une forte opposition à la pratique de la maternité de substitution. En outre, l’exploitation potentielle des femmes porteuses suscitait de vives inquiétudes à l’époque. Bien que la gestation pour autrui ait été interdite au Vietnam durant cette période, plusieurs agences proposaient illégalement des services de don reproductif à des fins commerciales.[2]
Depuis 2015, la maternité de substitution intrafamiliale entre proches parents est devenue légale au Viêt Nam, à la suite de la révision de la loi sur le mariage et la famille, amendée l’année précédente. Pour être éligible, un couple marié a le droit de demander la gestation pour autrui d’une personne s’il remplit les conditions suivantes :
- La femme a été évaluée par une entité sanitaire compétente et il a été déterminé qu’elle n’est pas en mesure de mener une grossesse ou de donner naissance, même avec l’aide d’une technologie de reproduction assistée
- le couple n’a pas de progéniture commune
- les deux partenaires ont reçu des conseils médicaux, juridiques et psychologiques.
D’autre part, la mère porteuse doit répondre aux critères suivants :
- Elle doit être un parent proche du mari ou de la femme qui demande la maternité de substitution,
- elle doit avoir déjà accouché et n’est autorisée à participer à la maternité de substitution qu’une seule fois,
- elle doit avoir l’âge requis et avoir été jugée apte à la maternité de substitution par une entité sanitaire compétente,
- si elle est mariée, elle doit obtenir le consentement écrit de son mari,
- elle doit avoir reçu des conseils médicaux, juridiques et psychologiques avant de participer à la procédure de maternité de substitution.[3]
Il est important de noter que malgré l’illégalité de la maternité de substitution commerciale, cette pratique n’a toujours pas disparu au Viêt Nam. En effet, de nombreux couples sans enfants sont stigmatisés dans la société vietnamienne et cherchent désespérément à accéder à cette option pour fonder une famille.
***
La pression culturelle au Viêt Nam concernant la maternité et l’importance d’avoir des enfants peut créer un environnement hostile pour les couples qui ne parviennent pas à concevoir. Cette stigmatisation peut créer une profonde détresse émotionnelle et sociale pour ceux qui souhaitent fonder une famille mais qui rencontrent des difficultés à le faire. De plus, cette pression peut conduire certains couples à recourir à des solutions extrêmes, comme la gestation pour autrui, pour répondre aux attentes de la société et de la famille.[4]
La stigmatisation des couples sans enfant peut également perpétuer l’idée que la valeur d’une femme est liée uniquement à sa capacité de reproduction, ce qui est profondément imitatif et patriarcal.
En raison du poids des représentations culturelles, le recours à la GPA intrafamiliale reste minoritaire face au recours à la FIV au Viêt Nam. Pour environ 50 000 FIV par an, le médecin vietnamien Dr Tuong M. Ho déclare seulement une dizaine de cas de GPA par an dans son hôpital[5]. De même, en 2023 la FIV était pratiquée dans 50 établissements médicaux du pays, contrairement à 6 pour la GPA.[6]
***
En résumé, la réglementation de la maternité de substitution au Viêt Nam reflète une interaction complexe entre des considérations éthiques, sociales et juridiques. Bien que l’approche du pays penche en faveur de la maternité de substitution intrafamiliale, avec des restrictions spécifiques et un cadre juridique détaillé, des défis importants subsistent.
Les risques d’exploitation, tant pour les mères porteuses que pour les nouveau-nés, soulèvent des préoccupations fondamentales quant à la pratique de la maternité de substitution, même sous sa forme intrafamiliale. La stigmatisation des couples sans enfant dans la société vietnamienne alimente la demande de mères porteuses, soulignant la nécessité de s’attaquer aux normes culturelles bien ancrées qui contribuent à cette pression.
Il est important d’analyser la contradiction apparente entre la position initiale du Viêt Nam sur la maternité de substitution en 2003 et son changement législatif en 2015. En 2003, la maternité de substitution était strictement interdite dans le pays en raison de la croyance profondément ancrée dans l’importance de la relation mère-enfant, en particulier le lien formé pendant la grossesse. Cette croyance était largement répandue dans la société vietnamienne, ce qui a engendré une forte résistance à la pratique de la maternité de substitution.
Toutefois, en 2015, un changement important est intervenu avec la légalisation de la maternité de substitution, mais uniquement sous sa forme intrafamiliale et à une condition importante : la mère porteuse doit avoir un lien de parenté avec les parents d’intention. Cette mesure reflète le souci de préserver le lien affectif entre la mère porteuse et l’enfant, fondé sur la croyance en la force des liens familiaux. De ce point de vue, on estime que la relation entre la mère porteuse et l’enfant sera plus forte que la relation entre la mère biologique et l’enfant conçu à partir d’un ovule de donneuse.
Comme dans tous les pays où la GPA est altruiste et encadrée, on observe des déviations aux règles avec des personnes souhaitant contourner la régulation pour du profit. La presse rapporte régulièrement l’existence de réseaux illégaux de gestation pour autrui au Viêt Nam, exploitant des femmes vulnérables, souvent issues de minorités.[7] Le trafic de femmes vietnamiennes vers la Chine et la traite d’enfants y sont également répandus.
En 2024, le directeur du Département de la santé maternelle et infantile auprès du ministère de la Santé, Dinh Van Tuan, a confirmé l’existence d’activités illégales, y compris le commerce de sperme, d’ovules et de services de gestation pour autrui, dans un contexte d’utilisation croissante de la fécondation in vitro au Viêt Nam.[8]
.
[1] Hibino, Y. (2018). Non-commercial surrogacy among close relatives in Vietnam : policy and ethical implications. Human Fertility, 22(4), 273‑276. https://doi.org/10.1080/14647273.2018.1461936
[2] Hibino, Y. (2014). Implications of the legalization of non-commercial surrogacy for local kinship and motherhood in Vietnamese society. Reproductive BioMedicine Online, 30(2), 113‑114. https://doi.org/10.1016/j.rbmo.2014.10.015
[3]https://thuvienphapluat.vn/van-ban/EN/The-thao-Y-te/Decree-No-10-2015-ND-CP-on-giving-birth-through-in-vitro-fertilization/273500/tieng-anh.aspx
[4]https://www.ncronline.org/news/world/married-childless-women-vietnam-carry-burdens-prejudices-church-law
[5] https://lepetitjournal.com/ho-chi-minh/sante/pratique-fecondation-vitro-fiv-vietnam-361786
[6] ibid.
[7]https://vietnamnews.vn/society/570680/ethnic-minority-people-vulnerable-to-illegal-surrogacy-trade.html
[8]https://vietnamnet.vn/en/health-official-confirms-illegal-trade-in-eggs-sperm-and-surrogacy-in-vietnam-2320741.html