La gauche portugaise a trahi les droits humains et les classes populaires en libérant le trafic des ventres et des enfants – Huffingtonpost

  Par Ana-Luana Stoicea-Deram, Jocelyne Fildard

Avec le soutien actif d’une partie de la gauche portugaise, le 13 mai 2016, le Parlement portugais vient de légaliser les mères porteuses, qu’il rend accessible aux femmes qui ne peuvent engendrer pour des raisons de stérilité. Cette maternité de substitution, qu’on appelle « Gestation pour autrui » GPA est un trafic d’enfants aux dépens des femmes. Rappelons l’idée, et surtout les faits: une femme, réduite à la notion de « gestatrice », porte un enfant pour le compte d’autrui. Alors que la pratique a partout conduit à la même exploitation économique et psychologique de femmes pauvres par des gens favorisés, hétérosexuels aussi bien qu’homosexuels, beaucoup à gauche sont tentés de voir, dans cette extension du domaine de l’aliénation des êtres humains par les lois du marché, un « progrès ».

A Lisbonne, l’honneur est sauf: le législateur portugais impose que la maternité de substitution sera obligatoirement « éthique ». La mère porteuse ne doit pas être payée. Par ailleurs, cette loi ouvre le droit à la PMA pour toutes les femmes- acheteurs de bébés et cause lesbienne dans le même sac- on est donc dans l’ouverture aux droits des homosexuel.les, tout va très bien Madame la Marquise. La loi a été portée par les partis de gauche, là aussi, tout va très bien: on reste dans le camp du progrès.

Rassemblant un collectif d’associations féministes de gauche, nous tenons cette loi pour une erreur de jugement, grave de conséquences. Nous sommes stupéfait.es que la prétendue « gauche » porte ce genre de programme, parfaite ouverture vers de nouvelles aliénations des femmes. Nous sommes atterré.es qu’on puisse prétendre que la maternité de substitution soit un progrès. « Ils l’ont fait » (Libération, 14 et 15 mai 2016), comme si c’était un progrès, une conquête, un exploit! Et il faudrait adhérer à l’idée que le Portugal a « osé » et que la France reste « à la traîne » – il serait « réac » de ne pas faire comme eux!

Le vote portugais illustre l’abandon lamentable et de plus en plus généralisé des classes populaires par la gauche. Sinistre cynisme, quand on sait que rien dans toutes les prétendues limites à la maternité de substitution ne sera respecté: qui vérifiera que la femme riche qui s’est fait établir un certificat d’infertilité par un médecin complice ne contourne pas la loi ? Qui sanctionnera quand telle femme pauvre recevra de l’argent, comme cela se pratique couramment au Royaume-Uni où la loi était aussi censée bannir la rémunération? Et qui sanctionnera que la « compensation », qui atteint là-bas souvent l’équivalent de notre salaire minimum, ne revient pas rigoureusement au même qu’un marché, à savoir la location pure et simple d’un être humain qui n’a plus les moyens économiques de résister, et la vente pure et simple d’un autre être humain qui n’a pas plus son mot à dire ? Qui a pensé, en votant cette loi, aux risques que prennent les femmes qui se laissent happer par le terrible « jeu » de la maternité pour d’autres – de l’hyperstimulation ovarienne potentiellement cancérigène aux risques de la grossesse et de l’accouchement, à l’aliénation de sa liberté et au sentiment d’avoir abandonné un enfant  qu’elle aura mis au monde dans le but de s’en séparer?

Le plus révoltant, c’est qu’une partie de la gauche portugaise a prêté ses voix à cette loi délétère. Des années d’observation du phénomène croissant des mères porteuses le montrent: il est évident que les femmes portugaises qui porteront les enfants des autres seront, dans leur écrasante majorité, des pauvres. Avec les contournements habituels qui ne tarderont pas à se généraliser, malgré les Tartuffes qui se réjouissent que l’argent soit banni de ces échanges. Au Portugal, l’explosion de la pauvreté entraînée par la crise économique ne pourra que multiplier « l’armée de réserve » de femmes à la merci des acheteurs de mères porteuses.

Il est temps de réfléchir à ce que la GPA représente dans tous ces aspects, exploitation du corps de l’autre, asservissement des femmes, marché humain international des femmes et des enfants, dérives juridiques à partir de contrats commerciaux, déni de la santé des femmes. Et d’en exiger l’abolition!

Il faudra se battre: on note depuis peu en Europe des glissements progressifs pour faire accepter le principe de la GPA: suppression de la notion de rémunération (trop visiblement critiquable…) puis de la notion de  » compensation » (l’argent !…), puis de la notion « éthique ». Nous en sommes à la notion de GPA « familiale », « amicale »; et au Portugal, GPA « exceptionnelle » et « gratuite » pour les femmes stériles, l’objectif étant de faire reconnaître le principe de la GPA. Le danger est bien là: qui fait accepter une forme de reconnaissance de la GPA cautionne le principe et la pratique de la GPA, quelles que soient ses formes.

Dans la confusion croissante entre la gauche et la droite, si souvent dénoncée ces dernières années, il n’est pas rare que la seule différence entre l’approche de gauche et celle de droite, dans un même oubli des plus faibles, soit la bonne conscience avec laquelle on assume cet oubli quand on se dit de gauche.  La gauche européenne traverse une terrible crise. En voilà encore un signe redoutable. Si la gauche ne se ressaisit pas, si elle ne comprend pas qu’un projet sociétal d’émancipation des femmes ne passe pas par la mise à disposition de leur corps, que l’égalité réelle entre les femmes et les hommes doit combattre les stéréotypes de genre, et non pas les renforcer, si la gauche ne porte pas le projet d’abolition universelle du trafic des mères et des enfants, qui y parviendra ?

https://www.huffingtonpost.fr/analuana-stoiceaderam/la-gauche-portugaise-trafic-ventre-enfants_b_10106270.html

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