GPA : une violence invisibilisée qui mine les droits des femmes

Article de Ana-Luana Stoicea Deram paru dans la « REVUE DES DEUX MONDES » en juin 202.
https://www.revuedesdeuxmondes.fr/gpa-violence-qui-mine-les-droits-des-femmes/

 

La gestation pour autrui (GPA) est toujours présentée comme un moyen à travers lequel des personnes peuvent devenir parents, et en être heureuses. Les images et les déclarations de ce bonheur justifieraient ce moyen ayant pour raison d’être la satisfaction de ceux et celles qui veulent s’en servir. À l’opposé de ces discours promotionnels, l’analyse féministe universaliste de la GPA est centrée sur la femme qui devient mère, et aborde cette pratique comme une expérience globale de vie, spécifiquement féminine. Considérée dans la globalité du vécu et des relations de la femme mère « porteuse », la GPA se révèle être un cumul de violences. Cette réalité est cependant structurellement et délibérément invisibilisée, en raison de son caractère sexo-spécifique. Accepter la normalisation de cette violence mine les droits des femmes ; de toutes les femmes.

Définir pour comprendre

Les Nations unies ont défini, dès 1993, la violence à l’égard des femmes comme : « tout acte de violence dirigé contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou la vie privée ».

Afin de prévenir et combattre ces violences, le Conseil de l’Europe promeut lui aussi un instrument international. Il s’agit de la Convention d’Istanbul, qui précise : « Le terme “violence à l’égard des femmes” doit être compris comme une violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes, et désigne tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner, pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée. »

Ces deux textes donnent à comprendre la violence à l’égard des femmes comme des actes commis spécifiquement à leur égard, qui leur causent ou peuvent leur causer des dommages, des préjudices ou des souffrances de différentes natures : physique, sexuelle, psychologique ou économique. Confrontée à ces définitions, la description de la GPA fait ressortir sa dimension intrinsèquement violente.

La GPA est une pratique sociale par laquelle une femme qui n’a pas de désir d’enfant devient enceinte et porte une grossesse à la demande d’une ou de plusieurs personnes, dans le but de leur remettre, dès la naissance, l’enfant (ou les enfants) qui en résulte(nt). L’enfant peut être issu des ovocytes de la mère ou non ; tout comme il peut avoir ou non un lien génétique avec les personnes qui demandent sa mise au monde. La mère peut être payée pour donner la vie à l’enfant et pour le remettre aux commanditaires, ou ne pas recevoir d’argent. Selon les pays (1), la pratique est légale, tolérée ou interdite.

« Légaux ou non, ces actes sont exercés à bon escient, et leurs auteurs savent qu’ils risquent de porter préjudice à la femme, de lui causer des dommages irréversibles, voire sa mort. »

En prenant appui sur les définitions internationales, les violences sont entendues ici comme des actes qui produisent des préjudices, des dommages, des souffrances physiques, psychologiques, économiques, ou conduisent à la mort d’une femme mère « porteuse ». Légaux ou non, ces actes sont exercés à bon escient, et leurs auteurs savent qu’ils risquent de porter préjudice à la femme, de lui causer des dommages irréversibles, voire sa mort. Les dommages, préjudices ou souffrances causées par la GPA à la mère sont de nature médicale, psychologique, juridique et économique.

Il s’agit tout d’abord d’une violence médicale. Le fait qu’une femme en bonne santé et sans désir d’enfant reçoive un traitement hormonal puissant pour devenir enceinte est en soi une violence médicale, puisque ces traitements peuvent avoir des conséquences néfastes à court et moyen terme sur la santé de celle qui les reçoit. Les médecins les connaissent, savent que la femme n’a pas de désir d’enfant, mais lui administrent des médicaments sans justification médicale. Avant et pendant la grossesse, la femme subit des actes obstétricaux intrusifs (échographies obstétricales, contrôles répétés), souvent non nécessaires, mais voulus par les commanditaires. Le nombre d’embryons inséminés est décidé par ceux-ci, ainsi que le nombre de fœtus à garder, en cas de grossesse multiple. Des études médicales montrent que ces grossesses génèrent deux fois plus de cas d’hypertension que les grossesses normales, deux à quatre fois plus d’hémorragies post-partum, cinq fois plus de déclenchements de l’accouchement ; elles entraînent plus de complications obstétricales (diabète gestationnel, amniocentèse, placenta prævia, administration d’antibiotiques pendant le travail, césarienne) (2).

L’anxiété ou la dépression éprouvées pendant les grossesses GPA génèrent des préjudices aussi bien pour la mère que pour sa famille. Des mères témoignent de cette souffrance psychologique, révélée aussi par des études : « Les mères porteuses présentaient des niveaux de dépression plus élevés pendant la grossesse et après l’accouchement, affichaient un lien émotionnel plus faible avec le bébé à naître et se souciaient davantage de la croissance saine du fœtus que les mères du groupe témoin. […] : la suite sur la revue des deux mondes 

1 Sur les différentes législations, voir Jens M. Scherpe, Claire Fenton-Glynn, Terry Kaan (dir.), Eastern and Western Perspectives on Surrogacy, Intersentia, 2019.
2 Irene Woo & al., « Perinatal outcome after natural conception versus in vitro fertilization (IVF) in ges-tational surrogates: a model to evaluate IVF treatment versus maternal effects », Fertility and Sterility, volume 108, décembre 2017, p. 993-998.

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.