Fiche Thématique : GPA et Prostitution

Si la maternité de substitution et la prostitution sont deux domaines distincts et complexes, sans omettre toutefois des  différences significatives, ils présentent des points communs qui sont explorés ci-dessous : des mécanismes, des acteurs, des bénéficiaires, des enjeux, des approches législatives …

La maternité de substitution est une violence à l’égard des femmes du fait de leur exploitation reproductive. Cette catégorie de violence inclut aussi la commercialisation des ovocytes, la stérilisation forcée, l’avortement forcé et l’absence d’accés légal à l’avortement.

La prostitution, au même titre que la pornographie constitue aussi une violence à l’encontre des femmes en raison de leur exploitation sexuelle.

Deux systèmes d’exploitation similaires

Nous avons montré à de nombreuses reprises en quoi la maternité de substitution est une pratique d’exploitation d’autrui, et principalement du corps des femmes (http://abolition-ms.org/actualites/sept-points-contre-la-maternite-de-substitution/). La prostitution s’inscrit elle aussi dans ce système. Dès lors qu’une femme est conduite, pour le compte d’autrui, à s’engager dans un projet d’enfantement qui n’est pas le sien ou dans des rapports sexuels qui ne résultent pas de son propre désir sexuel, il est logique de parler d’exploitation.

  • Banalisation de l’exploitation sexuelle et reproductive des femmes

L’industrie a mis sur le marché et transformé en produit la reproduction humaine et les actes sexuels. Pour les rendre socialement acceptables et exonérer les clients de tout risque de mauvaise conscience, la terminologie choisie pour les décrire et les commercialiser est celle du “care” avec l’introduction des notions de “service” sexuel et de “service” gestationnel, mises sur le même plan que le service à la personne. Or, dans la GPA et la prostitution ça n’est pas un service qui est offert, c’est l’accés au corps d’une femme en échange d’une compensation financière. Le prétendu “service” évoqué doit être requalifié en exploitation : soit reproductive, soit sexuelle.

  • Transaction financière

Dans la maternité de substitution, les mères porteuses perçoivent l’argent pour porter une grossesse et livrer un enfant à des clients. Les acteurs impliqués dans cette pratique, intermédiaires, agences, cliniques, hôpitaux… se rémunèrent pour organiser leur exploitation. Dans les cas où la GPA est réglementée, abusivement qualifiée d’altruiste ou d’éthique, la somme perçue par la mère porteuse est qualifiée de compensation, car limitée à une liste de frais autorisés qui peut varier considérablement d’un pays à l’autre. En revanche les émoluments perçus par l’ensemble des protagonistes ne font l’objet d’aucune limitation.

Dans la prostitution, se sont des actes sexuels qui sont fournis en contrepartie d’une rémunération partagée ensuite entre différents acteurs qui en retirent profit : proxénètes, hébergeur, plateforme internet.….

  • Commercialisation / marchandisation du corps

L’argument libéral largement utilisé selon lequel tout peut se vendre et s’acheter et que la liberté de disposer de son corps prime sur le respect de l’individu réduit finalement la liberté de certaines femmes au profit de tiers. Ces transactions commerciales pour des pratiques relevant du domaine de l’intime, portent atteinte à l’intégrité et à la dignité de la personne réduite à l’état d’objet. La  mise sur le marché du corps des femmes et des filles concerne l’ensemble des femmes qui, potentiellement, peuvent un jour être, à leur tour, mises sur le marché. Une transaction où le corps d’une personne est utilisé comme un bien ou un service porte directement atteinte à l’ensemble de l’humanité.

  • Bénéficiaires

Dans les deux systèmes, les bénéficiaires sont majoritairement des hommes. Dans la maternité de substitution, la demande, pour une grande partie, est fondée sur l’exigence du lien génétique spermatique entre l’enfant à naître et l’un des clients. Cette exigence interroge à plus d’un titre. Le lien génétique issu du sperme est considéré comme fondamental tandis que le lien génétique ovocytaire est ignoré et totalement invisibilité, de même que la mère porteuse, ressuscitant le mythe patriarcal selon lequel le sperme ferait l’enfant et la femme ne serait qu’un contenant. Dans cette exigence se retrouve aussi la préoccupation de la reproduction de la lignée patriarcale, du “lien du sang”, ces notions qui ont conduit, et conduisent encore à hiérarchiser, nos sociétés en castes.

La quasi totalité des clients prostitueurs sont des hommes tandis que plus de 85% des victimes sont des femmes ou des filles. Les hommes en tant que client profitent d’un « droit d’accès aux femmes pour du sexe » et en tant que proxénetes du produit de l’exploitation sexuelle de ces femmes.

  • Situation de vulnérabilité

La vulnérabilité sociale et économique est le terreau de recrutement privilégié de la GPA et de la prostitution. Les femmes qui sont exploitées dans ces deux industries ne sont jamais dans une situation sociale et économique “confortable”. En matière de maternité de substitution, la dissymétrie économique entre clients et mères porteuses est flagrante. L’argent obtenu est souvent consacré aux besoins de la famille de la mère porteuse, pour le logement et l’éducation de ses enfants, et rarement à ses propres besoins et de plus ne lui permettent pas réellement de sortir de sa condition.

  • Trafics et réseaux mafieux

En Europe, “96% des victimes du trafic sexuel sont des femmes et des filles” [1]. Dans la maternité de substitution, la GPA transfrontière avec le tourisme procréatif est en voie de banalisation comme moyen de reproduction comme un autre. Or la GPA, au sens du “Protocole de Palerme” [2] ou de la Convention de Varsovie, relève de la traite humaine. Les agences se chargent de recruter et sélectionner les mères porteuses, et dans certains pays les mafias investissent déjà ce nouveau champ d’activité lucratif.

Défenseurs et opposants

Les arguments du marché prennent de plus en plus de place dans l’espace public et politique et cela vient banaliser des pratiques d’exploitation comme la prostitution et la maternité de substitution. Voyons ici qui sont les acteurs qui défendent ou condamnent ces pratiques (souvent les mêmes, même s’ il existe de nombreuses différences entre tous ces acteurs).

  • Il existe de nombreuses similitudes entre les personnes et groupes d’acteurs qui défendent la prostitution, et ceux qui promeuvent la GPA. En reprenant les arguments du marché sur la libéralisation des corps et l’autonomie individuelle, ces acteurs justifient ces pratiques comme relevant d’un droit à décider de l’utilisation de son propre corps et de sa propre capacité à offrir des services rémunérés. Ils détournent à leur profit les principes féministes qui, sous le slogan “ notre corps, nous même” ou “notre corps, nous appartient” , montrent que le corps et la personne ne font qu’un. Accéder au corps d’une femme, c’est accéder à sa personne et donc disposer d’un être humain; or nul ne peut disposer d’un être humain, un principe d’égalité fondamental.
  • Les opposants à la GPA et à la prostitution se retrouvent dans des arguments éthiques. Ils dénoncent les atteintes à la dignité humaine de ces pratiques qui transforment le corps humain en une marchandise, réduisent la personne à un objet (femme mais aussi enfant dans la PA) ou à“un soit disant service”, considérant que la mise sur le marché du corps d’autrui est une exploitation et une atteinte aux droits fondamentaux des individus.

Les institutions au service de l’exploitation reproductive.

Entre prostitution et maternité de substitution les similitudes sont nombreuses, toutefois la maternité de substitution a aussi pour caractéristique de mobiliser fortement les institutions en sa faveur. Y sont impliqués des acteurs du système de santé qu’on aimerait voir gérer les problèmes de santé de l’ensemble de la population et non, comme le soulignait une journaliste à propos de l’Afrique du Sud se consacrer à développer des secteurs médicaux de pointes à l’usage de franges aisées de la société  “pouvons-nous continuer à légitimer les investissements dans les technologies de pointe et les cliniques de fertilité de luxe cinq étoiles, alors que notre secteur de la santé reproductive est criblé d’inégalités systémiques ? Pouvons-nous justifier les technologies de procréation assistée comme étant essentielles, si elles continuent à ne servir qu’un petit nombre de privilégiés ?”[3]

Y sont impliqués des juristes pour élaborer les contrats de maternité de substitution ou contribuer à l’élaboration de textes réglementaires ouvrant à la GPA, bien loin des questions de justice sociale.
Y sont impliqués des États, des instances de régulation nationales, des élus qu’on aimerait au service du peuple et non au service de ces marchés.

L’ensemble de ces institutions porte une lourde responsabilité dans le développement de cette pratique contraire aux droits humains. Elles seront peut-être un jour amenées à rendre des comptes.

[1] www.brusselscall.eu

[2] http://abolition-ms.org/nos-actions-fr/contexte-gpa/oui-la-gpa-transfrontiere-releve-de-la-traite-humaine-et-du-trafic-denfants/

[3] https://mg.co.za/coronavirus-essentials/2020-05-22-ivf-surrogacy-south-africa-race-class/?fbclid=IwAR0Edv1KOJFNXchxoJEHrnLTw7AMHS3sHnGBmtlFFqeqIjhX2NrkWcTr2po

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.