Très peu d’études sont menées sur l’impact du recours à la GPA ( Grossesse Pour Autrui) sur les enfants qui en sont nés. Nous avons donc exploré les sites et blogs qui relatent la parole d’enfants nés de GPA. L’analyse de ces témoignages nous conduit à identifier plusieurs thématiques communes .
Sentiment de rejet
En premier lieu, c’est le sentiment de rejet qui ressort des témoignages d’enfants nés de don de sperme, d’ovocytes ou par le biais de Grossesses Pour Autrui (GPA), en particulier dans les cas où les donneurs expriment leur souhait de ne rien avoir à faire avec les enfants, d’où le sentiment d’abandon et de rejet par le père ou la mère génétique (différent de la famille actuelle). À ce rejet, s’ajoutent les situations où les dossiers consultés ne permettent pas de retrouver les donneurs. Quand l’enfant entame cette recherche des origines c’est principalement parce qu’il souhaite connaître sa généalogie notamment pour “voir quelqu’un qui lui ressemble”. Cette perte d’espoir dans les cas où ce n’est pas possible peut alors entraîner des dépressions.
Dans leur recherche de patrimoine génétique, les enfants expriment aussi le sentiments de « ne pas être entiers »
Il est aussi relaté des situations où les enfants souhaitent connaître leur généalogie pour s’assurer de l’absence de lien génétique avec leur futur-e conjoint-e.
Situation socialement complexe
La crainte de blesser leurs parents adoptifs en demandant des informations sur leurs origines auprès des donneur-es, est souvent exprimées avec la phrase « je ne voudrais pas que mes parents pensent qu’ils ne suffisent pas »[1]. Pour cette même raison, la recherche est effectuée dans le plus grand secret. Si les parents biologiques sont retrouvés, nait la crainte d’exprimer qu’ils ne souhaitent pas pour autant faire partie de leur vie pour ne pas les effrayer et les perdre à nouveau.
Pratique marchande cachée
Dans les cas où le recours à la GPA a été caché par les parents adoptifs des situations de malaise ressortent, ce qui entraîne parfois l’éclatement de la famille.
Les enfants sont conscients (dans les témoignages) des circonstances de leur conception et expriment dès lors des sentiments de colère et de tristesse. Ils sont tout aussi conscients du côté marchand de cette pratique qui « créé » un enfant comme produit de marché, alors que des préférences sont exprimées pour l’adoption d’une enfant « déjà là » : « que pensez-vous que nous ressentons à l’idée d’être créés spécifiquement pour être donnés ? »[2].
Des enfants plus malades[3]
Enfin, sur le plan médical, il semble qu’il y ait un lien fait entre GPA et troubles infantiles[4]. Les bébés issus de GPA seraient plus malades que leurs pairs car ils ressentent la séparation d’avec leur mère. Puisque les bébés ne peuvent parler du manque, ils pleurent souvent et sont donc diagnostiqués comme malades : coliques etc. Le système immunitaire a un lien direct avec le stress et les bébés stressés tombent malades. Les enfants adoptés souffrent des mêmes trauma[5] (cf Catherine Lynch. Pour les enfants plus âgés, il semble que l’on retrouve des problèmes émotionnels lors de l’adolescence.
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Les sentiments qui reviennent le plus souvent sont ceux du bonheur lors de la rencontre avec la mère porteuse, à l’inverse ceux de la colère dans les cas où la GPA est cachée et envers les mères porteuses qui « acceptent de l’argent pour les abandonner »[6], l’émotion et le questionnement de ne pas savoir ou de ne pas disposer d’informations sur sa mère/son père biologique : sur son physique, sa situation sociale ou professionnelle, ses goûts, sa généalogie, ses maladies, etc.
Lorsque les enfants recherchent les donneurs, cela se fait d’abord dans la volonté de connaître : 1) l’apparence physique, les liens familiaux (frères et sœurs) et les antécédents (généalogie et génétique) ; 2) les comportements similaires, les professions exercées… ; 3) le fait de pouvoir être en relation quelconque avec une personne du même lien génétique.
Dans la plupart des cas, les enfants en colère sont ceux à qui on a caché le fait d’être nés sous PMA ou GPA jusqu’à un point de non-retour pouvant aller à l’explosion du cercle familial.
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Contrairement à cet avis que nous avons recensé, Susan Golombok a dirigé une étude sur les “Familles créées par gestation pour autrui : relations mère-enfant et adaptation psychologique des enfants à 7 ans”[7] . Elle a examiné l’impact de la maternité de substitution par des évaluations de la positivité maternelle, de la négativité maternelle, de l’interaction mère-enfant et de l’adaptation de l’enfant. L’auteure conclut qu’il n’y a aucune différence trouvée pour la négativité maternelle, la positivité maternelle ou l’adaptation de l’enfant, en notant toutefois que les familles qui ont eu recours à la GPA font preuve d’une interaction mère-enfant moins positive que dans le cas de conception naturelle.
Certaines critiques peuvent être émises à l’encontre de cette étude? D’une part l’étude se concentre exclusivement sur la figure de la mère commanditaire “adoptive” mais ni sur la mère porteuse ou sur le père commanditaire qui font partie intégrante du contexte parental de l’enfant. Sont donc omises les relations entre les pères et les enfants, et les relations entre la parentèle élargie et les enfants. D’autre part, l’auteure n’a sélectionné que des cas de familles restées stables après avoir eu recours à la GPA et n’a pas inclus les cas d’enfants abandonnés à la naissance ou remis à l’adoption après avoir été pris en charge par les commanditaires, ce qui jouerait directement sur le résultat.
Enfin, ne sont pas analysées les séquelles et les conséquences de cette pratique sur les enfants de la mère porteuse elle-même. L’un des critères de sélection des mères porteuses est le fait d’avoir eu déjà un ou plusieurs enfants, or ces enfants peuvent eux-mêmes subir des traumatismes comme croire qu’eux-mêmes peuvent être vendus ou grandissent en pensant pouvoir racheter le bébé né de GPA par leurs mères.
[1] https://anonymousus.org/i-found-my-bio-mom-and-couldnt-be-happier/
[2] Sons of surrogate
[3] “Aussi avec les enfants que j’ai interviewés, j’ai constaté qu’ils étaient soit malades – plus malades que leurs pairs – en tant que bébés ou souffrant de coliques. Le système immunitaire a beaucoup à voir avec le stress et les bébés stressés tombent malades. Seulement 2 sur 10 semblaient n’avoir eu aucun problème lorsqu’ils étaient bébés mais avaient beaucoup de problèmes une fois qu’ils avaient atteint 12 ou 13 ans. Des problèmes émotionnels.
[4] Sons of surrogate”, URL : https://sonofasurrogate.tripod.com/, consulté le 10 juillet 2023
[5] “Ce que l’adoption peut nous apprendre” Par Catherine Lynch (Australie) in “Ventres à louer, une critique féministe de la GPA; Paris L’Echapée 2022
Réflexion éthique sur la GPA du point de vue de l’enfant, ignoré parce qu’il n’a pas de « voix », créé pour être retiré à sa mère et donné aux parents commanditaires. Les études montrent que cette séparation à la naissance est néfaste pour la santé de l’enfant. Outre son impact neurologique, elle influe sur le comportement et la santé des individus à long terme.
[6] http://theothersideofsurrogacy.blogspot.com/