Ouganda

L’Ouganda deviendra-t-il une destination prisée pour la pratique de la gestation pour autrui (GPA) ?

LE CADRE LÉGAL DE LA GPA EN OUGANDA

 

Le cadre légal ougandais ne réglemente pas explicitement la GPA, ce qui signifie qu’elle n’est ni illégale ni explicitement autorisée. Elle y est cependant pratiquée de manière informelle. Les mouvements pro-GPA réclament sa réglementation au prétexte que la situation actuelle n’offre pas de protection adéquate aux mères porteuses et aux « parents d’intention », c’est-à-dire aux commanditaires.

Comparaison avec le Cadre Légal en Afrique du Sud

Un exemple utilisé comme référence en Ouganda est le cadre légal sud-africain applicable à la de maternité de substitution  (Chapter 19 of the Children’s Act – 2005). “Une  confirmation judiciaire des conventions de maternité de substitution est organisée avant le début de la grossesse de la mère porteuse. Si cette confirmation est accordée, les actions entreprises dans le cadre de l’exécution de la convention de maternité de substitution sont légales et la convention elle-même est exécutoire. En particulier, dans le cas d’une maternité de substitution « complète », c’est-à-dire lorsque la mère porteuse n’a pas de lien génétique avec l’enfant né de la maternité de substitution, l’enfant est légalement considéré comme l’enfant des parents commanditaires à partir du moment de sa naissance”[1].

Projet de Loi sur la GPA en Ouganda

Récemment, le gouvernement ougandais a exprimé son intention de réglementer la GPA. Un texte de loi, lancé en 2021, est en cours d’élaboration et devrait être présenté au Parlement en 2023.Ce projet de loi vise à créer un cadre juridique spécifique pour la GPA. Il est porté par la députée ougandaise Sarah Opendi, plusieurs fois ministre. Elle justifie la nécessité de cette loi par l’augmentation de l’infertilité et la nécessité pour certaines femmes de recourir à la GPA, faute de temps pour porter elle même un enfant[2]. Elle rejoint en cela les propos de deux gynécologues à la tête de cliniques d’infertilité qui citent 3 raisons principales de recourir à la GPA : L’infertilité féminine, l’absence ou la perte d’utérus et le souci pour les stars et les sportives de se protéger des inconvénients et des effets secondaires de la grossesse.[3]

 

La GPA serait pratiquée en Ouganda depuis 2006

Un article fait remonter les premiers cas de mères porteuses à 2006 organisée par la première clinique créée à Kampala. De 2006 à 2012, elle dénombrait 50 cas au rythme d’en moyenne de  5 demandes de clients par an.[4]  7 ans plus tard, en 2019, dans un reportage de “New Vison TV”[5], elle  annonce 600 GPA réalisées depuis le début de son activité, démontrant une progression rapide de la demande.  Ce même reportage décompte alors 6 cliniques pratiquant la GPA sur le territoire. Une autre clinique, fondée en 2013, en a déjà réalisé 40 à la date de ce  reportage.

 

 

Que sait-on des mères porteuses ?

Très peu de choses, toutefois le reportage précédemment cité donne des informations clefs sur la façon dont les cliniques de fertilité les traitent.

L’une, par exemple,  exige qu’elles aient déjà eu un enfant et qu’elles n’aient pas d’activité sexuelle pendant leur grossesse, pour, dit-on, éviter qu’elles soient contaminées par des maladies sexuellement transmissibles.

L’autre recrute des femmes qui ont déjà eu 3 enfants. Pour l’accouchement, la césarienne est systématique sous anesthésie générale ou sédation puissante “afin que la mère porteuse n’entende pas les pleurs du bébé qu’elle a mis au monde”. L’une des employée de l’hôpital évoque le traumatisme de ces femmes empéchées de voir le bébé qui est immédiatement transmis à la femme du couple client.

Les mères porteuses en Ouganda font souvent face à la stigmatisation sociale, comme l’explique cette mère porteuse qui a confié ses enfants à un internat et a quitté son domicile pour éviter le regard  des voisins dès que sa grossesse a été décelable[6].

 

Les moteurs de recherche avec le mot clef “sur la gestation pour autrui en Ouganda”, semblent présenter les mères porteuses comme si elles étaient des objets ou des produits pouvant être facilement sélectionnés ou acquis.  Les propos de cette personnalité du show bizz d’Afrique du Sud, originaire d’Ouganda est symptomatique. Pour elle, Ouganda, Afrique du Sud ou Tanzanie sont des pays où la GPA est accessible [7]et, tout y est possible en la matière si on y met le prix.[8]

“I’m going to get married soon and my man has one child only. But if it turns out that I don’t want to give birth, there are always other ways. I can use a surrogate. Money can buy anything these days… I would love to have twins; maybe a boy and girl,”4

 

Que sait-on des clients ?

Peu de choses également. En revanche, dans le reportage précédemment cité, l’un des gynécologues évoque la nécessité de préparer les clientes. On leur propose des ventres artificiels afin qu’elles puissent simuler une grossesse et éviter les questions ou critiques de leur entourage. On leur recommande un traitement pour provoquer  la production de lait maternel  et allaiter l’enfant.

En 2019, le coût d’une GPA, selon la même source,  se décompose de la façon suivante,

 

Sommes versées à la mère porteuse en millions de Shilling ougandais Women’ Hospital International Bethany women’s hopital
Dédommagement mensuel Sh10.5M De Sh7,2M à Sh13.5M
Somme versée à la naissance Sh6M 1 enfants

Sh8M 2 enfants

Sh 10M 3 enfants

Sh7M 1 enfants

Sh9M 2 enfants ou +

 

Les clients doivent régler à la clinique les frais de FIV, de 18 à 20 millions de Shillings ainsi que les frais d’accouchement.

En 2023, le salaire minimum est de 130 000 shilling[9] par mois soit, 1.56M par an

 

 

Des scandals relevés dans la presse

Traite de femmes comme mères porteuses en direction de la Chine

 

En 2019, Interpol et le CID Polices Criminal Investigations  Directorate (Ouganda) ont démantelé un réseau constitué de Chinois et d’ougandais qui recrutait des femmes comme mères porteuses pour la Chine, la police  a manifesté des inquiétudes quant au sort des  femmes déjà envoyées en Chine[10]

Le projet  ‘HOST MOMS UGANDA’

Le projet ‘Host Moms Uganda’[11], dirigé par une ancienne mère porteuse, s’adresse à des clients occidentaux, en vantant, sur son site, les qualités des femmes ougandaises “réputées pour leur fertilité et pour leur facilité à accoucher”. Les douze premiers clients viennent du Canada, des Etats Unis, du Royaume Uni et d’Australie.  Host Moms Uganda propose aux femmes qu’elle recrute comme mères porteuses de leur fournir des services essentiels : l’éducation, les soins de santé et le soutien émotionnel, une formation à un métier. Pour accéder à ces avantages, les femmes doivent s’engager à mener une grossesse à terme en tant que mères porteuses[12].

 

Trafic d’adoption en Ouganda

En 2020, un cas d’adoption frauduleuses a été mis à jour[13].  Au cœur de ces allégations se trouve une avocate ougandaise, accusée d’avoir utilisé des intermédiaires pour contacter des familles vulnérables vivant dans des villages reculés d’Ouganda. Ces familles, souvent confrontées à des difficultés socio-économiques, auraient été persuadées de confier leurs enfants, dans l’espoir qu’ils bénéficieraient d’une meilleure éducation ou d’autres avantages à Kampala, la capitale. Parfois, ces avantages incluent des promesses de programmes spéciaux aux États-Unis. Le réseau aurait falsifié des documents officiels, exploitant le manque d’alphabétisation de certains parents pour les contraindre à signer des documents équivalant à un abandon d’enfants. Les enfanst ougandais, mais aussi des enfanst polonais étaient ensuite adoptés aux Etats-Unis[14].
Quatre ougandais ont été condamnés dont deux  juges, une avocate  et son associé.

Cas Dominic Ongwen et et l’accusation de grossesse forcée

Dominic Ongwen était un ancien commandant de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), un groupe rebelle notoire en Ouganda. Il a été arrêté en 2015 et transféré à la Cour pénale internationale (CPI) pour faire face à des accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Les crimes qui lui étaient reprochés comprenaient des meurtres, des enlèvements, des viols, et d’autres actes de violence commis pendant son temps en tant que commandant de la LRA.

 

Le procès de Dominic Ongwen revêt une importance particulière, car il a marqué un tournant majeur dans l’histoire de la Cour pénale internationale (CPI). Pour la première fois, la CPI a prononcé un verdict de culpabilité pour le crime de grossesse forcée. Cette décision est hautement significative à plusieurs égards. Tout d’abord, la reconnaissance et la condamnation de ce crime  par la CPI représente une avancée majeure dans la lutte contre l’impunité pour des actes graves commis en temps de conflit. La grossesse forcée est une violation des droits fondamentaux des femmes, qui sont souvent victimes de violences sexuelles systématiques en période de conflit armé.

Cependant, il est à noter que la reconnaissance du crime de grossesse forcée n’a pas été sans controverse. Plusieurs pays et organisations, dont le Vatican, l’Arabie Saoudite et l’Iran, se sont opposés à la criminalisation de la grossesse forcée en tant que telle. Leurs objections sont souvent basées sur des motifs religieux ou culturels, et ils estiment que cela pourrait interférer avec leurs normes et valeurs traditionnelles. La reconnaissance formelle de ce crime renforce la protection des femmes en temps de guerre en érigeant un obstacle juridique clair contre cette pratique abominable [15].

 

Conclusion, un marché local de la GPA, maintenant convoité par les occidentaux

L’interview des deux responsables qui pratiquent la GPA en Ouganda montre que l’activité s’est d’abord développée en faveur d’une demande locale liée à la fois à l’infertilité, qualifiée de grandissante, à l’injonction à la reproduction qui pèse très fortement sur les femmes et à l’exigence culturelle d’obtenir un enfant mâle. L’un de ces dirigeants évoque cependant la production d’enfants blancs avec des femmes ougandaises car, dit le commentaire, “ la GPA n’affecte pas les gènes” ce qui laisse peut-être supposer  une demande émergente de la part de clients occidentaux. La technicité acquise localement dans la pratique de la fécondation in vitro a donné lieu à la création de filiales dans les pays voisins et de développements similaires de la GPA :  Tanzanie, Zambie. Plus récemment, le projet “Hits Moms Uganda” cible clairement les clients étrangers intéressés par ces régions du globe à la recherche de solutions low cost. Les acteurs politiques se préoccupent avant tout de légiférer pour éviter un développement anarchique de la pratique. Pour l’instant, s’il existe des voix critiques de la pratique, elles ne sont pas entendues et il ne semble pas que les organisations en faveur des droits humains se préoccupent du sort des mères porteuses et des enfants nés de cette pratique.

 

 

 

***

[1] Performing IVF for surrogacy before confirmation of the surrogacy agreement by the court: a critical analysis of recent case law in South Africa – Donrich Thaldar. https://www.nature.com/articles/s41599-022-01492-y

[2] NTV Ouganda – https://www.facebook.com/watch/?v=2028315707291168

[3]  New Vision TV  Special Report: Childless mothers embracing surrogacy in Uganda”

[4] New Vision “ Born from a surrogate” https://www.newvision.co.ug/news/1311947/born-surrogate-mother

[5] New Vision TV  Special Report: Childless mothers embracing surrogacy in Uganda”

[6] New Vision “ Born from a surrogate” https://www.newvision.co.ug/news/1311947/born-surrogate-mother

[7] Nairobi News – “Millions Diamond and Zari would have paid someone to carry their baby” https://nairobinews.nation.africa/millions-diamond-and-zari-would-have-paid-someone-to-carry-their-baby/

[8] The Standard “ In search of twins: Zari reveals she is open to using a surrogate”

https://www.standardmedia.co.ke/entertainment/african-news/article/2001324590/in-search-of-twins-zari-reveals-she-is-open-to-using-a-surrogate

[9] Wage indicator – “ Minimum wage in Uganda” https://wageindicator.org/salary/minimum-wage/uganda

[10] New Vision “Ugandan women sold to China” https://www.newvision.co.ug/new_vision/news/1510175/ugandan-women-sold-china

[11] Haos Mom Uganda  “An Affordable and Ethical Surrogacy Option” https://hostmomsuganda.com/

[12] Heyreprotect – “Is Africa next?”https://www.heyreprotech.com/p/is-africa-next-/

[13] Nile Post “US government slaps sanctions against two Ugandan judges over child adoption scam” https://nilepost.co.ug/2020/08/18/us-government-slaps-sanctions-against-two-ugandan-judges-over-child-adoption-scam/

[14] Office of public affairs. U.S. departement of justice  “Texas Woman Pleads Guilty to Schemes to Procure Adoptions from Uganda and Poland through Bribery and Fraud”

https://www.justice.gov/opa/pr/texas-woman-pleads-guilty-schemes-procure-adoptions-uganda-and-poland-through-bribery-and

[15] Franceinfo – “Dominic Ongwen, l’ex-enfant soldat que la justice internationale n’exonère pas”

https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/ouganda/dominic-ongwen-l-ex-enfant-soldat-que-la-justice-internationale-n-exonere-pas_4283591.html

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