La maternité de substitution, n’a pas sa place dans le féminisme, qu’elle soit commerciale ou présentée comme, « altruiste », « éthique », « solidaire », …

Commerciale, altruiste, éthique réglementée, intrafamiliale ou solidaire, décryptage de ces concepts hypocrites destinés à rendre la GPA socialement acceptable

 

 

La maternité de substitution est une pratique sociale organisée pour des personnes qui souhaitent obtenir un enfant, et dans laquelle une femme est amenée à signer un contrat par lequel elle accepte de porter un ou plusieurs enfants, conçus ou non avec ses propres ovocytes, afin de le ou les remettre à des personnes, les commanditaires (les clients) , qui souhaitent être désignés comme « parents » de ce, ou ces enfants.

 

COMMERCIALE

La plus utilisée est la pratique commerciale, le bébé est obtenu par contrat, en échange d’une rémunération. Plusieurs acteurs y interviennent (cliniques, laboratoires, professionnels de la santé et du droit, agences intermédiaires, etc.). Elle est la règle en Ukraine, aux États-Unis, en Géorgie et en Russie. Pour la Rapporteure spéciale des Nations unies sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants[1],. la gestation pour autrui relève de la vente d’enfants dès lors que la mère porteuse ou une tierce partie reçoit une rémunération ou out autre avantage en contrepartie du transfert d’un enfant ». De façon analogue le Parlement européen, en son article 60 du rapport annuel pour 2021 sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde …, « condamne la pratique commerciale de la gestation pour autrui, un phénomène mondial qui expose les femmes du monde entier à l’exploitation et à la traite des êtres humains tout en ciblant particulièrement les femmes vulnérables sur le plan financier et social »[2].

ALTRUISTE

La maternité de substitution dite « altruiste » veut se démarquer de la maternité de substitution commerciale, donc de la «vente d’enfants». Agences, cliniques et autres intermédiaires continuent à fonctionner sur un mode commercial, jamais remis en cause, tandis que des restrictions financières sont imposées à la seule mère porteuse. Elle ne recevra pas de rémunération, mais seulement une « compensation » pour couvrir les coûts de la grossesse, comme c’est le cas de Royaume-Uni et Portugal. On exige de la seule mère porteuse des motivations altruistes. De son plein gré, sans être contrainte ou menacée, et de manière désintéressée, elle est supposée s’offrir à une ou plusieurs personnes qui ont exprimé leur désir d’avoir un enfant par cette méthode, pour subir une fécondation in vitro, poursuivre une grossesse, accoucher et leur donner l’être humain qu’elle mettra au monde. Cette notion, totalement hypocrite, fonctionne surtout comme un habillage de la pratique, destiné à rassurer les clients potentiels et calmer leur éventuelle mauvaise conscience. Pour autant, elle ne protège aucunement la mère porteuse des risques physiques et psychiques encourus.

ÉTHIQUE

Avec la maternité de substitution dite éthique, l’accent est mis sur la recherche impossible d’équilibre entre les commanditaires (clients), la mère porteuse et l’enfant à naitre, en reconnaissant toutefois le rôle de la mère porteuse[3]. Il y a là une tentative absurde et manipulatrice d’organiser un type de gestation pour autrui qui ne violerait pas les droits humains des femmes et des enfants traités comme des objets et non comme des sujets de droit.  Cette formulation est souvent utilisée pour vanter la GPA telle qu’elle est organisée dans les pays du nord, en condamnant la pratique jugée inhumaine des pays du Sud (Indes, Asie…) dans une conception des rapports nord/sud très arrogante.

SOLIDAIRE

Le terme de maternité de substitution solidaire, est expressément utilisé dans le projet de nouveau code cubain de la famille dans sa quatrième section « De la maternité de substitution solidaire », articles 279 à 283[4].

« L’accès à maternité à des personnes de substitution doit y être organisé entre personnes unies par des liens familiaux ou affectueusement proches, au bénéfice de femmes qui ne peuvent pas procréer en raison d’une pathologies ou de stérilité, de couples d’hommes ou d’hommes seuls. L’accord entre les parties est sanctionné par une décision judiciaire. »

Voilà la concept le plus abject de la collection de termes utilisés pour euphémiser la gestation pour autrui, et en même temps, il en est le plus révélateur. Dans ce texte, la filiation relève de la volonté de procréer des « clients » et la femme est réduite à un simple rôle de « porteuse de gestation ». Le concept de solidarité est perverti, puisque c’est de la mère porteuse qu’on exige une solidarité avec les clients, autrement dit du plus faible avec le plus fort. Plus que de solidarité, c’est en fait de sacrifice au profit des plus aisés dont il s’agit ici.

INTRAFAMILIALE

Parmi les nombreux concepts, figure également celui de GPA intrafamiliale où, présentée comme exceptionnelle, elle est limitée à des cas où un lien affectif et familial réunit mères porteuses et clients. Cette version de la GPA été mise en avant par un candidat vert à la dernière l’élection présidentielle en France (2022)  dans une totale ignorance de la réalité de la pratique. Elle a été proposée comme une alternative à l’interdiction totale de la GPA dans les projets de réglementation au Portugal et en Inde. Elle serait en quelque sorte la version vertueuse de la pratique, celle qu’il faudrait maintenir à tout prix au nom de la « famille » en mettant les femmes au service de la reproduction de la lignée, soit volontairement, soit par pression ou coercition. Belle résurgence de l’appropriation clanique des femmes à des fins de reproduction en système patriarcal ! Par ailleurs, chaque fois que cette restriction familiale a été introduite dans un texte de loi, elle a rapidement été balayée (Inde), ce qui montre bien que cette formule agit comme cheval de Troie pour préparer le terrain à une ouverture ultérieure plus large à la GPA.

ENCADRÉE

La GPA réglementée ou encore dite encadrée fait référence à une approche restrictive de la GPA où la législation nationale autorise la GPA, en définit les conditions d’accès, de transfert de filiation, de dédommagement des mères porteuses. La notion de GPA réglementée est souvent synonyme de GPA altruiste ou de GPA éthique. Mais quelles que soient les aménagements apportés par la loi, il est inadmissible que ce soit la loi qui organise la réification des enfants et l’accès au corps des femmes. Elle devient alors complice de l’exploitation procréative des femmes. Et tôt ou tard, ces restrictions sont balayées sous la pression du marché (Pays Bas, Royaume Uni…).

TRANSFRONTIÈRE

Enfin, quel que soit le mode de GPA organisé à l’échelon local, la GPA transfrontière vient bouleverser tous les systèmes mis en place à l’échelon local

Un rapport de Silvia Blanco indique que la maternité de substitution commerciale représente 98 % de tous les cas de GPA dans le monde, et sa version limitée sous couvert d’altruisme, d‘éthique ou de tout autre motif restrictif ; seulement les 2 % restants[5].  La GPA transfrontière permet de contourner, et donc de rendre inopérantes, toutes les interdictions ou restrictions mises en place par les États dans un souci de protection des femmes et des enfants. Elle crée un droit à l’enfant et organise mondialement un système d’exploitation des femmes qui porte atteinte à notre humanité commune.

CONCLUSION

En définitive, la maternité de substitution, quelles qu’en soit les modalités, franchit toutes les frontières morales et éthiques, piétine les droits humains et instrumentalise la solidarité humaine, réduisant à l’état d’objet les femmes et les enfants au profit d’un marché mondialisé de plusieurs milliards de dollars.

 

[1] https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G18/007/72/PDF/G1800772.pdf?OpenElement

[2] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2022-0041_FR.html

[3] https://www.lamaisondesmaternelles.fr/article/qu-est-ce-qu-une-gpa-ethique

[4] Projet du nouveau code de la famille cubain.  Quatrième section, page 23. Arts (279-283). https://www.gacetaoficial.gob.cu/sites/default/files/goc-2022-ex4.pdf

[5] Blanco, S. (2017): « Gestación subrogada, el dilema de gestar al hijo de otros », in EL PAIS, 19/2/2017. https://elpais.com/politica/2017/02/17/actualidad/1487346402_358963.html

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