Exploitation reproductive, la honte en Ukraine

ARTICLE DE EVA GUTIÉRREZ OLIVARES, MEMBRE DE LA CIAMS

Eva Gutiérrez Olivares

 

Ces derniers jours, nous avons été témoins de nombreuses choses que nous aurions préféré ne pas voir ou commenter, nous avons reçu des informations biaisées et de la désinformation, nous avons vu la censure s’exercer dans les médias, mais ce qui ne cesse de nous surprendre, même si ce n’est pas la première fois que nous le voyons, c’est le sans-gêne de ceux qui ont recours aux mères porteuses.

Et nous ne sommes pas surprises car nous en avons assez de dénoncer leur façon de tenter de blanchir cette ignominie dans les médias, de voir des interviews sur les « histoires précieuses » derrière l’enfant « haut de gamme » du moment. On ne compte plus le nombre de fois où les institutions ont été interpellées par les réseaux sociaux ou par des organisations telles que la CIAMS, pour éliminer les pièges malhonnêtes qui permettent à des hommes et des femmes sans scrupules de commander un être humain à la carte, comme ceux qui sélectionnent des options lors de l’achat d’une voiture,  en choisissant la couleur de leurs yeux et de leurs cheveux.

 

Les hauts fonctionnaires de ce gouvernement espagnol, en particulier le ministère de l’égalité, sont bien conscients de nos demandes, tout comme le ministère de la justice. Dans le pacte du gouvernement le plus féministe de l’histoire, au point 7.7, il était question de poursuivre les agences de GPA qui proposent d’effectuer les formalités en Espagne et de délocaliser le processus de GPA dans un autre pays parce que c’est un crime en Espagne Rien n’a été fait.

 

Mais l’impudeur d’une femme [acheteuse] qui se dit mère sans l’être, qui pleure dans les médias, et qui traite la mère porteuse de « femme enceinte » [1] [lui niant sa qualité de mère], dans ce contexte de guerre et de désespoir, c’est déjà trop.

 

Cette « femme enceinte », cette mère [porteuse], qui a été séparée de sa famille, des enfants qu’elle a déjà et qui  passe par ce processus déshumanisant et cruel de tenter de se convaincre qu’elle ne porte pas son propre enfant mais celui d’un autre et d’une autre. Elle ne sait pas si elle s’en sortira vivante. Elle ne sait pas si elle sortira vivante de la clinique, si elle retrouvera sa famille. Pour remplir un contrat, elle a peut-être manqué l’occasion de traverser la frontière pour se réfugier dans un autre pays. Elle est prise au piège dans cet hôpital qui peut être bombardé avec le risque élevé d’accouchement prématuré du au stress, d’hémorragie post-partum, ou de prééclampsie lié du processus de fécondation (FIV) et à la surmédicalisation ( hormones, antibiotiques …) qu’il implique

 

Mais les médias mettent le micro devant la « mère », le « père », c’est-à-dire devant les acteurs et les acheteuses et diffusent le discours selon lequel cette femme ukrainienne est un utérus, un « four à pain », une fée, un ange, mais surtout quelque chose de jetable et d’insignifiant.

 

Et alors que nous sommes encore en train de nous indigner que des journalistes donnent leur voix à un discours aussi atroce, nous constatons que la Fundación Madrina offre un hébergement aux « femmes en processus de maternité de substitution » jusqu’à ce qu’elles accouchent. Et ensuite, que leur arrivera-t-il ? Les bébés seront-ils remis aux acheteurs en vertu d’un contrat nul et non avenu en Espagne selon la loi 14/2006 de la HRT ? Devons-nous vraiment continuer à supporter l’inaction des autorités face à cette violation de la loi en vigueur ?

 

L’Ukraine est le pays le plus pauvre d’Europe. C’est le ventre de l’Europe. Les femmes ukrainiennes sont exploitées en louant leur utérus et en vendant leurs ovules. Les conditions sont terribles, ne soyez pas dupes, derrière le sourire aux clients il y a l’isolement, les complications médicales, l’abandon des bébés qui ont des problèmes, des femmes transférées dans d’autres pays à la demande du client.

 

Cela fait des semaines que nous avons des nouvelles du bébé de Natalka, abandonné par ses « parents » dans un hôpital parce qu’il est né avec des problèmes. Nous savons qu’il y en a d’autres comme lui. Cette information ne nous parviendra pas, car il n’est pas intéressant de savoir combien de bébés sont rejetés parce qu’ils ne sont pas parfaits ou combien ne surmontent pas leurs problèmes, parce que leurs vraies mères ont perdu leurs droits par contrat, et qu’elles ne disposent pas d’un canapé confortable d’où se connecter pour garder le contact par vidéoconférence.

 

Et nous continuerons à crier cette vérité que les médias cachent, parce que cet enfer, ce n’est pas seulement en Ukraine, il se produit dans tous les pays où cette attaque contre les droits humains est légalisée, mais ces femmes, en ce moment, sont tellement en danger et ont tellement peur, que nous recevons petit à petit le témoignage de leur enfer.

 

Les États-Unis, la Russie, l’Albanie, la Géorgie, la Grèce, le Kazakhstan, la République tchèque, sont quelques-uns des pays qui rejoignent l’Ukraine dans cette liste de la honte, et au moins deux d’entre eux, l’Albanie et la République tchèque, utilisent des femmes ukrainiennes dans leurs programmes.

 

Le féminisme a une responsabilité envers tous les pays où notre capacité de reproduction est mise au service d’autrui, que ce soit à des fins commerciales ou altruistes. Nous n’avons jamais revendiqué le droit d’abandonner nos enfants, la GPA, quel que soir le nom que vous voulez donner au fait d’utiliser le corps d’une femme pour obtenir un bébé et satisfaire le désir d’autrui. La question de la maternité se concentre sur la garantie des meilleures conditions pour être mère, pour protéger cette maternité, lorsque c’est notre volonté d’être mère, et pour être en mesure de ‘être ou non. Mais à aucun moment le féminisme n’a revendiqué l’exploitation d’autres femmes ou l’exploitation à cette fin.

[1]  https://www.elconfidencial.com/mundo/2022-03-02/ucrania-vientres-alquiler-guerra-parejas-espanolas_3384168/

Article initialement publié le 4 mars 2022 sur https://www.lahoradigital.com/noticia/34587/opinion/explotacion-y-verguenza-en-ucrania.aspx

 

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