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OBSERVATIONS DE LA COALITION INTERNATIONALE POUR L’ABOLITION DE LA MATERNITÉ DE SUBSTITUTION (CIAMS)

Suite à l’appel à contribution lancé par la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants, la CIAMS a l’honneur d’exposer les observations qui suivent, concernant les aspects de la pratique de maternité de substitution (dite aussi « gestation pour autrui », GPA) qui nous amènent à demander son abolition universelle.

1. La GPA est intrinsèquement contraire aux droits humains.

L’enfant, dans ce processus, est traité comme une chose dont on peut disposer dans le commerce. A la lecture des contrats, on constate qu’il s’agit non seulement d’un abandon programmé, mais bien d’abandon forcé.

Cette pratique, qui génère désormais des milliards de dollars reposant sur l’exploitation, est contraire à de nombreux instruments internationaux de protection des droits de l’homme :

Convention sur l’adoption internationale : pour éviter les trafics et l’achat de capacités reproductives, l’article 4 stipule que le consentement des parents de naissance, et en particulier celui de la mère, doit avoir été recueilli après la naissance de l’enfant (interdiction des arrangements préalables et de toute « programmation » de l’abandon de l’enfant), et ne pas avoir été obtenu moyennant paiement ou contrepartie d’aucune sorte. L’existence d’arrangements préalables et de contreparties financières est au principe même de la GPA. Il y a là une incompatibilité flagrante.

Convention internationale des droits de l’enfant : l’article 7 garantit à l’enfant le droit de connaître dans la mesure du possible ses parents et d’être élevé par eux. Or la femme qui accouche est la mère. On ne peut donc organiser par avance un abandon. L’article 9 prévoit que « Les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré », sauf exceptions non concernées ici. Or partout y compris au Royaume-Uni la mère porteuse qui change d’avis se voit tout de même retirer l’enfant.

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : son article 3 demande aux États d’assurer le plein développement et le progrès des femmes sur la base de l’égalité avec les hommes. Or la GPA consiste à s’approprier de manière spécifique les capacités reproductives des femmes, avec mise en danger physique et psychique. Comment peut-on prétendre respecter un enfant, alors que l’on exploite la mère ?

Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants : la vente d’enfants y est définie (art. 2) comme « tout acte ou toute transaction en vertu desquels un enfant est remis par toute personne ou tout groupe de personnes à une autre personne ou un autre groupe contre rémunération ou tout autre avantage »

Protocole additionnel à la convention des Nations-Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier la traite des femmes et des enfants : la GPA s’apparente à une exploitation sexuelle avec abus d’une situation de vulnérabilité (cf art 3).

Convention du 26 septembre 1926 relative à l’esclavage : ce dernier est défini dans l’article 1 comme « l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux ». Les commanditaires d’une GPA acquièrent un droit réel sur le corps de la femme, puisqu’ils acquièrent un droit d’usage sur sa personne et son corps. Ils acquièrent également le droit d’en retirer les fruits (ou plutôt les « produits »), à savoir un ou plusieurs enfants.

Convention d’Oviedo du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la biomédecine : selon son article 21, « Le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit ». La mère porteuse ne fournit pas un travail, mais met à disposition son corps et les processus biologiques liés à l’état de grossesse pour le plus grand bénéfice des professionnels et intermédiaires.

2. La manipulation et la commercialisation de l’état civil de l’enfant, par des adultes qui disposent de lui, est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit être envisagé à trois niveaux (cf. l’article de Muriel Fabre-Magnan« Les trois niveaux d’appréciation de l’intérêt de l’enfant. A propos de la gestation pour autrui », en annexe)

De nombreux spécialistes ont montré que la légalisation de la transgression et du fait accompli conduisait à priver les enfants de tout droit à la parole, dès lors qu’on les empêche en réalité d’exprimer leur malaise éventuel.

Ainsi l’intérêt supérieur de l’enfant doit-il être apprécié à trois niveaux. Il s’agit :

  • de l’intérêt général des enfants à naître – car « l’intérêt de l’enfant doit, d’abord et avant tout, être apprécié au niveau le plus général : il s’agit de le définir au regard des enfants en général et de façon abstraite ». Situer la réflexion à ce niveau permet de voir tout de suite que le seul intérêt de la GPA est celui des adultes qui commandent l’enfant. Quant à l’enfant, lui n’a aucun intérêt à être commandé, fabriqué, abandonné par la femme qui le met au monde et ensuite livré comme un produit, éventuellement défectueux (comme on l’a vu dans des situations où les enfants ne correspondent pas à ce que les commanditaires attendaient).

  • de l’intérêt général des enfants déjà nés – ce qui conduit à penser les modalités d’élaboration d’un statut juridique les concernant.

  • l’intérêt particulier des enfants déjà nés – qui nécessite « une mise en balance au cas par cas […] C’est le niveau qui apparaîtra si on légalise la gestation pour autrui. Des litiges surviendront à propos d’un enfant en particulier, soit que personne n’en veuille, soit qu’au contraire plusieurs personnes le réclament ».

La prise en considération simultanée de ces trois niveaux d’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant fait apparaître la création d’une inégalité de fait, indélébile, entre les enfants. Les enfants nés par GPA ne peuvent avoir accès aux mêmes droits que les autres enfants dès l’instant où l’on accepte qu’ils naissent par contrat : les conditions de leur conception et de leur venue au monde les rendront otages des adultes qui les ont obtenus, le plus souvent contre de l’argent, et par contrat. Ces enfants seront dans leur très grande majorité, privés de la connaissance de leurs origines et de leurs mères, notamment dans le cadre des GPA transfrontières, qui se développent de plus en plus.

La Rapporteuse spéciale doit bien se rendre compte que les partisans de la réglementation de la GPA, de même que les professionnels de la GPA désireux d’augmenter leurs bénéfices, attendent de la Rapporteuse qu’elle leur facilite la tâche, en proposant des garanties susceptibles de faire croire à l’acceptabilité de cette pratique. La production de garanties censées protéger les enfants nés par contrat, sera entendue comme une légitimation de la pratique.

Aucun contrat ne pourra jamais protéger la vie et la santé des mères porteuses. Est-on prêt à faire naître des enfants par contrat en sachant pertinemment que cela risque de coûter la vie d’une femme ? Qu’est-ce qu’il en sera dit à l’enfant, qui aura le droit de connaître ses origines? Quelles dettes de vie accablantes est-on en train de mettre sur les épaules d’enfants pas encore nés, et qui n’ont aucun intérêt à naître sur commande ? Est-ce véritablement dans leur intérêt, dans l’intérêt de tous les enfants, que d’envisager de quelle façon les liens de filiation peuvent être vendus ?

A une époque où il est essentiel de convaincre encore de nombreux États de la légitimité des droits humains, à une époque où le principal pourvoyeur de services de GPA (les États-Unis) est le seul pays au monde n’ayant pas ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant, la CIAMS est convaincue de la nécessité de faire respecter l’esprit et la lettre des textes internationaux de protection des droits humains. Les règles strictes défendent les plus faibles ; les assouplir fait gagner les plus forts. Devant un marché des enfants qui se nourrit de l’exploitation des plus faibles et des moins fortunées, la CIAMS espère que la Rapporteuse spéciale des nations unies fera rempart, pour défendre, en s’appuyant sur les instruments internationaux, les droits de tous les enfants.

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