Cas de trafic humain en lien avec la GPA dans l’Union Européenne

À l’occasion de la révision de la Directive anti-trafic portée par les rapporteures : RODRÍGUEZ PALOP Eugenia et Björk Malin, nous nous sommes entretenues avec l’assistante parlementaire de RODRÍGUEZ PALOP Eugenia. Nos objectifs sont d’inscrire dans cette révision la maternité de substitution comme une forme d’exploitation et comme relevant du trafic humain européen. Celle-ci nous a sollicité afin de lui fournir des cas de trafic d’êtres humains en lien avec la maternité de substitution au sein de l’UE. Voici donc les cas que nous avons réussi à recenser.

Nous remarquons une tendance de trois courants dans le trafic européen : des cas de trafics transfrontaliers (le plus souvent afin de faire accoucher la mère porteuse dans le pays d’origine des clients), des cas de vente d’enfants et enfin des cas de condamnations des intermédiaires (en l’occurence un site internet).

 

 

 

Trafic dans l’Union Européenne

 

Ce document ne traite que des cas survenus en Europe. Il montre comment des citoyens de l’UE ont été impliqués dans la traite des êtres humains et le trafic de bébés dans le cadre de la maternité de substitution.

La traite à des fins d’exploitation sexuelle et la traite à des fins d’exploitation reproductive utilisent le même mode opératoire, mais avec une différence importante. Dans le cadre de la maternité de substitution, les acteurs sont nombreux : courtiers, agences de fertilité, cliniques, hôpitaux, avocats, etc. Ils sont censés soutenir la population, mais en réalité, ils servent le marché. L’institution elle-même est au service du marché.  En Afrique du Sud, un journaliste a souligné que les citoyennes n’ont pas accès aux soins de santé de base lorsqu’elles sont enceintes, mais qu’un secteur médical hautement spécialisé s’est développé pour la maternité de substitution.

La différence entre la maternité de substitution organisée (réglementée) et la maternité de substitution « non organisée » est très mince : d’une part, les procédures médicales et les dispositions légales sont utilisées pour faire de la maternité de substitution un processus socialement acceptable, même au prix de la santé ou de la vie de la mère porteuse. D’autre part, la grossesse forcée, l’enlèvement et la séquestration peuvent être utilisés dans le cadre de la maternité de substitution non organisée, qui peut avoir lieu dans n’importe quel pays, même lorsque la maternité de substitution est interdite. Dans les deux cas, l’objectif commun est d’avoir un enfant à tout prix.

La recherche menée par la CIAMS et l’ENoMW « Migrant women and reproductive exploitation[1] in the surrogacy industry » (Femmes migrantes et exploitation reproductive[1] dans l’industrie de la maternité de substitution) constitue une source importante de cas de traite. Enquête conjointe de l’ENoMW et de la CIAMS ». http://abolition-ms.org/en/news/migrant-women-and-reproductive-exploitation1-in-the-surrogacy-industry-joint-investigation-by-enomw-icasm/

 

GRÈCE

Enquête d’Europol[1] : Condamnation de 66 personnes soupçonnées d’avoir organisé des adoptions et des maternités de substitution illégales et de trafic d’ovules humains

Traite des femmes à des fins d’exploitation reproductive révélées en 2019 par une enquête de la police grecque soutenue par l’agence Europol.

Groupe criminel organisé qui avait recruté des femmes bulgares enceintes et vulnérables dont certaines avec des contrats de maternité de substitution afin de vendre leurs enfants en Grèce dans le cadre d’adoptions illégales pour 25 000 à 28 000€ chacune.

Paiement pour : mère porteuse, frais d’administration, frais d’hospitalisation et paiement pour le groupe mafieux.

Groupe aussi impliqué dans le trafic déjeune femme bulgare, géorgienne et rom pour l’extraction d’ovocyte, liée directement à la maternité de substitution

Activités du groupe : un avocat, un obstétricien-gynécologique, employés de cliniques d’Athènes et Thessalonique, intermédiaires —> 500 000€ blanchis

Europol reconnaît clairement cette affaire comme une affaire de traite humaine pour activités criminelles.

 

Grèce / Pays de l’Est : Une enquête journalistique[2] reconnait que les femmes prêtent à devenir mère porteuses sont d’origine étrangères (car les femmes grecque refusent de devenir mère porteuses ainsi l’offre est inférieure à la demande en Grèce). Ces femmes proviennent des pays de l’Est : Bulgarie, Moldavie etc

Processus : ces femmes commencent par la vente d’ovocytes puis sont recrutées par les médecins pour la location d’utérus

Certaines femmes peuvent avoir 18 ans et sont privées de liberté pendant la gestation que se soit physique ou le simple fait de pouvoir parlé de la GPA avec d’autres personnes.

En Grèce il y a un lien important entre le gouvernement et les cliniques et médecins qui pratiquent la GPA car c’est un marché lucratif dans une économie en perdition.

 

FRANCE

 

Chypre / Bulgarie / France[3] : Dans la ville de Bordeaux en France, en 2014, un couple d’homosexuels est condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux à 7500€ d’amande avec sursis chacun pour « incitation à l’abandon d’un enfant » né en France d’une mère porteuse par GPA et « atteinte à l’état civil d’un enfant ».

Dans cette affaire, le couple a eu recours à une agence située à Chypre et à une mère porteuse d’origine Bulgare. Le couple a accueilli la mère porteuse les deux derniers mois de la grossesse.

 

France / Ukraine[4] : En 2011 deux français sont arrêtés à la frontière Ukraine-Hongroise pour avoir tenté de sortir illégalement d’Ukraine avec deux jumelles âgées de deux mois, nées d’une mère porteuse en Ukraine. Les deux hommes avaient caché les bébés sous le lit du camping car pour passer la frontière.

Ils ont fait l’objet d’une enquête judiciaire pour « transfert illégal de personnes par la frontière » et sont jugés selon la loi ukrainienne (qui accepte la GPA seulement pour les couples hétérosexuels, mariés dont la femmes est stérile) et risquent jusque’à cinq ans de prison.

 

PORTUGAL

Portugal / Ukraine / Etats-Unis[5] : Naissance d’un bébé par GPA au Portugal à Lisbonne, d’une mère porteuse Ukrainienne et pour le compte d’un américain.

L’homme justifie son action par un coût trop élevé aux Etats-Unis, il est donc passé par l’agence Feskov en Ukraine qui lui garantissait « un prix fixe (avec) des tentatives illimités pour un bébé du sexe qu(‘il a) choisi ». La femme de celui-ci a choisit de divorcer pour cela, il explique donc que l’agence Ukrainienne lui a conseillé de faire accoucher la mère porteuse au Portugal car la loi Ukrainienne ne reconnait que les couples mariés.

Ces cas sont nombreux et font partis d’un « circuit de ponte » dans lequel est rentré le Portugal qui contribue à un marché de l’enfant débouchant sur un trafic international.

 

ESPAGNE

 

Espagne / Vénézuela[6] : En 2018 est recensé le cas d’un couple d’hommes homosexuels arrêtés à Barcelone, accusé d’avoir trompé une femme vénézuélienne pour une GPA.

Un des homme, d’origine Vénézuelienne aurait convaincu la mère porteuse de venir en Espagne contre de l’argent afin d’obtenir un enfant pour lui et son compagnon, tandis que la pratique est illégale en Espagne. Les deux hommes sont accusé de « tentative de trafic d’enfant », c’est la mère porteuse elle-même qui est allée dénoncer son cas à la police Espagnole après avoir appris que cette pratique était illégale.

 

Espagne/Femmes migrantes[7] : Une association espagnole a également entendu parler de femmes immigrées en Espagne qui ont accouché dans le pays dans le cadre d’une maternité de substitution. Cette association a également entendu parler de cas de femmes immigrées en Espagne qui ont été forcées de porter des grossesses pour le compte d’autrui.

Nous sommes en contact avec cette association car nous avons réalisé des études : « Les femmes migrantes et l’exploitation reproductive dans l’industrie de la maternité de substitution – enquête conjointe de ENoMW & ICASM « .

Par respect de l’anonymat, nous ne pouvons pas nommer cette organisation.

 

ITALIE

 

Italie / Russie[8] : En 2011 un couple italien a conclu un accord de GPA en Russie, le bébé est né en Russie (sans lien biologique avec les commanditaires) et les clients ont fait la demande de filiation en Italie. Celle-ci a été refusée par le gouvernement où la pratique est illégale et l’enfant a été placé sous tutelle puis adopté par un autre couple. Le couple de clients a saisi la CEDH en 2015 qui leur avait donné raison en reconnaissant « le droit des parents à fonder une famille », pour autant en 2017 la CEDH reconnait le droit du gouvernement Italien a ne pas reconnaitre cette filiation en l’absence de tous liens biologiques. Ainsi, la CEDH a reconnu qu’il s’agit de « protéger les enfants conter des pratiques illégales, dont certaines peuvent être justement qualifiées de traite humaine ».

Arrêt de la CEDH : https://hudoc.echr.coe.int/eng/#{%22itemid%22:[%22001-170867%22]}

 

Italie/Réfugiées : Nous sommes en contact avec une organisation appelée OMCVI – Associazione delle Donne Capoverdiane in Italia ODV. « Cette association italienne a été informée de cas de femmes immigrées en Italie qui ont accouché dans le pays dans le cadre d’une maternité de substitution. Cette association a également entendu parler de cas de femmes immigrées en Italie qui ont été forcées de porter des grossesses pour le compte d’autres personnes »[9].

L’une des membres a eu l’occasion de voir des cas de maternité de substitution et de traite, et elle nous a dit : « Personnellement, je travaille pour une organisation internationale qui s’occupe des réfugiés et des demandeurs d’asile. Je peux dire que nous avons eu des cas de maternité de substitution, mais pour des raisons de confidentialité, je ne peux pas divulguer cette information confidentielle ».

En effet, les femmes qui ont recours à la maternité de substitution sont souvent dans une situation vulnérable, soit économiquement, soit juridiquement, si elles sont en procès, ce qui signifie qu’elles ne peuvent pas être connues ; elles ont également très peur de parler, contrairement aux clients qui se vantent souvent d’avoir obtenu leur bébé.

 

UKRAINE

 

Agence Feskov (agence de maternité de substitution) qui propose aux clients le déplacement des mères porteuses dans leurs « packaging » de vente.

Images issues du site internet de l’agence[10] : On peut y voir une différenciation de prix selon le pays de naissance du bébé et donc le déplacement forcé de la mère porteuse.

 

 

 

 

 

 

 

VENTE D’ENFANTS

 

Article 2[11] du « Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants » : La vente d’un enfant s’entend de tout acte ou de toute transaction par lequel un enfant est remis par une personne ou un groupe de personnes à une autre personne ou à un autre groupe de personnes, moyennant paiement ou autre contrepartie.

Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants, dans son étude sur la gestation pour autrui dans son rapport d’activité 2018, a déclaré que « la gestation pour autrui implique la vente d’enfants lorsque la mère porteuse ou un tiers reçoit une rémunération ou tout autre avantage en échange du transfert d’un enfant« .

&

Article 4[12] de la « Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale » : Le consentement de la mère, s’il est requis, ne doit être donné qu’après la naissance de l’enfant.

Si, dans le cas de l’adoption, le consentement de la mère est requis après la naissance de l’enfant afin d’empêcher la traite et la vente d’enfants, ce n’est pas le cas dans le contexte de la maternité de substitution. La mère porteuse accepte par contrat de remettre l’enfant aux parents d’intention avant de tomber enceinte. Toutes les personnes impliquées dans la maternité de substitution enfreignent donc l’interdiction de disposer d’un être humain et en sont complices.

FRANCE

En Mars 2023[13], une mère porteuse de l’Aisne sera jugée ainsi que 5 autres personnes pour avoir vendu deux bébés issus de GPA. Un premier couple est accusé par le tribunal de Laon (Aisne) d’avoir vendu deux bébés à un an d’intervalle à deux couples entre 2016 et 2017. Le couple aurait vendu 15 000€ chaque bébés.

 

CONDAMNATION DES PARTICIPANTS AU TRAFIC

FRANCE

 

  • France / Espagne[14] : En Novembre 2022 la Cour des Cassation confirme le caractère « manifestement illicite » d’un site internet Espagnol hébergé par OVH, proposant des « services » de GPA aux français. Cette affaire a été menée par l’association Juriste pour l’enfance qui revendiquait la loi pour la confiance dans l’économie numérique (n°2004-575 du 21 juin 2004).

***

 

[1] https://www.europol.europa.eu/media-press/newsroom/news/66-suspected-of-arranging-illegal-adoptions-and-surrogacies-and-human-egg-trafficking-in-greece

[2] https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/grece-le-commerce-lucratif-de-la-gpa-75298

[3] https://www.capital.fr/economie-politique/un-couple-condamne-pour-avoir-fait-appel-a-une-mere-porteuse-1052117

[4] https://www.leparisien.fr/societe/meres-porteuses-en-ukraine-le-quai-d-orsay-met-en-garde-les-francais-02-04-2011-1390338.php

[5] https://cnnportugal.iol.pt/barrigas-de-aluguer/gestacao-de-substituicao/deu-me-o-bebe-a-entrada-do-hospital-ha-barrigas-de-aluguer-a-ter-filhos-de-estrangeiros-em-portugal-e-cada-caso-custa-60-a-80-mil-euros/20221115/634ec1870cf2ea4f0a61ec3a

[6] https://www.diaridetarragona.com/cat-es-mon/dos-hombres-contratan-a-una-mujer-para-hacer-de-vientre-de-alquiler-20181124-0042-YRDT201811240042

[7] http://abolition-ms.org/en/news/migrant-women-and-reproductive-exploitation1-in-the-surrogacy-industry-joint-investigation-by-enomw-icasm/#_ftn77

[8] https://www.diaridetarragona.com/cat-es-mon/dos-hombres-contratan-a-una-mujer-para-hacer-de-vientre-de-alquiler-20181124-0042-YRDT201811240042

[9] http://abolition-ms.org/en/news/migrant-women-and-reproductive-exploitation1-in-the-surrogacy-industry-joint-investigation-by-enomw-icasm/

[10] https://www.mother-surrogate.com/surrogate-motherhood.html

[11] Article 2 : https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/optional-protocol-convention-rights-child-sale-children-child

[12] Article 4 (2-3) : https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/full-text/?cid=69

[13] https://www.bfmtv.com/police-justice/gpa-une-amienoise-poursuivie-pour-avoir-vendu-ses-bebes-a-15-000-euros_AN-202301040650.html

[14] https://www.juristespourlenfance.com/2019/03/04/victoire-judiciaire-en-faveur-des-enfants-un-hebergeur-condamne-a-rendre-inaccessible-un-site-offrant-des-services-de-gpa/

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