Appel à la CEDAW pour qu’elle reconnaisse la maternité de substitution comme une violence à l’égard des femmes

Dans le cadre d’une prise de contact avec les membres de la CEDAW (Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes), organe de l’ONU, nous avons envoyé ce concept note.

Après un rappel du contexte d’exploitation sexuelle, économique et de reproduction des violences de l’industrie de la GPA ; ce concept note fait état d’une demande de politique internationale visant à abolir la maternité de substitution de part son exploitation des femmes et sa participation au trafic humain. Aussi, nous demandons la mise en place de plusieurs évaluations des risques liés à la maternité de substitution puisqu’il existe un réel manque de données, statistiques et chiffres sur la pratique. Ces évaluations nous permettraient dès lors de prouver les dangers de l’industrie de la gestation pour autrui et seraient utilisées afin de justifier une action internationale.

 

La Maternité de Substitution

 

Mise en œuvre effective d’une politique internationale visant à abolir la maternité de substitution afin de lutter contre la traite des êtres humains et la violence à l’encontre des femmes et des enfants.

&

Nécessité d’une évaluation des risques liés à la maternité de substitution

 

L’objectif de cette note est d’attirer l’attention du comité Cedaw sur le lien entre la migration et la maternité de substitution, sur la base de l’étude que nous avons menée avec ENoMW. « Les femmes migrantes et l’exploitation reproductive dans l’industrie de la maternité de substitution »[1].

Nous souhaitons également souligner la nécessité d’études sur l’impact de la maternité de substitution dans tous les domaines touchant aux droits des femmes et des enfants.

L’ICASM est une coalition féministe internationale de quarante organisations membres, actives dans quatorze pays, qui est également soutenue par trois cents organisations dans soixante-cinq pays..

 

Contexte

Migration et exploitation sexuelle des femmes dans l’industrie de la maternité de substitution

Les formes de voyage imposées aux mères porteuses ouvrent un nouveau chapitre de la traite des êtres humains.  L’analyse de l’ICASM identifie trois formes distinctes et nouvelles de trafic:

  • Les femmes migrantes exploitées pour leurs capacités procréatives (cas de la Grèce mentionné dans l’étude ci-dessus) ;
  • Les femmes déplacées de leur pays d’origine vers un autre pays pour devenir mères porteuses (comme dans le cas des Pays-Bas, des Etats-Unis et de la Chine).

Par exemple : les femmes migrantes qui viennent à Athènes pour travailler comme domestiques sont recrutées comme mères porteuses. Des migrantes bulgares sont également amenées en Grèce, lorsqu’elles sont jeunes, pour que leurs ovules soient prélevés et, lorsqu’elles sont plus âgées, pour qu’elles deviennent mères porteuses.

3) Les mères porteuses se déplacent d’une région ou d’un pays à l’autre au cours du processus de maternité de substitution:

– En raison du manque de technologies disponibles, comme l’accès à la FIV (comme au Népal et en Inde).

– Pour contourner les lois locales et/ou faciliter la filiation (comme en Ukraine et à Chypre)

– Pour la commodité du client (comme en Ukraine et en Belgique)

– Pour faciliter le contrôle et le suivi de la grossesse (presque tous les pays ouverts à la maternité de substitution, la Russie, l’Ukraine…)

– Pour vendre leurs bébés dans un autre pays (par exemple, adoptions illégales et trafic d’enfants : comme dans le cas du trafic de nouveau-nés en Russie pour des citoyens chinois).

Par exemple : en Amérique du Nord, des mères porteuses mexicaines font l’objet d’un trafic pour accoucher aux États-Unis. En Asie, des femmes vietnamiennes sont emmenées en Chine pour pratiquer illégalement la gestation pour autrui, le transfert d’embryons est effectué en Chine, les femmes sont ensuite renvoyées au Viêt Nam pour la grossesse et sont à nouveau transportées en Chine pour l’accouchement.

Exploitation économique

La maternité de substitution prospère grâce à l’exploitation économique des pays en développement et des femmes des classes inférieures :

Dans la plupart des cas, les « parents commanditaires » proviennent de pays occidentaux riches ou d’élites fortunées de pays pauvres et/ou en développement. Par conséquent, les femmes exploitées dans le cadre de la maternité de substitution sont des femmes originaires de pays considérés comme pauvres ou appartenant aux couches les moins privilégiées des sociétés occidentales. Il est donc facile pour les courtiers de les recruter en leur versant une rétribution financière ou même en leur promettant une rétribution, qui n’est pas toujours respectée.

L’insécurité économique et sociale comme source de vulnérabilité :

Tous les acteurs de la maternité de substitution : courtiers, cliniques, laboratoires, avocats, banquiers, psychologues et clients, exploitent sans vergogne la vulnérabilité de ces femmes pour parvenir à leurs fins respectives, à savoir le gain financier et, pour les clients, un enfant acheté comme une marchandise. Le consentement de la mère porteuse exigé dans le contrat n’est pas un argument valable pour justifier la maternité de substitution, car il ne peut y avoir de consentement valable pour renoncer à ses propres droits humains, comme c’est le cas dans la maternité de substitution.

Reproduction de la violence à l’égard des femmes

Le processus de gestation pour autrui implique de multiples exploitations des femmes.

– La maternité de substitution transfrontalière, tout comme la maternité de substitution domestique, s’apparente à la traite des femmes telle que définie par le protocole de Palerme.

– De la conception à la naissance, le processus est semé d’embûches, enfermant les femmes victimes et les enfants nés de ces pratiques dans un cycle de violence. La maternité de substitution par FIV est reconnue comme une procédure particulièrement dangereuse, car le matériel génétique est étranger à la mère porteuse (risque de pré-éclampsie, par exemple). Pour augmenter les chances de réussite de la grossesse, plusieurs embryons sont implantés en même temps dans l’utérus de la mère porteuse, ce qui n’est pas recommandé d’un point de vue médical. Les grossesses multiples sont connues pour être plus dangereuses que les grossesses uniques, mais les jumeaux sont souvent demandés par les parents commanditaires car cela revient moins cher que deux grossesses.  De plus, la remise du nouveau-né aux parents commanditaires entraîne souvent des dommages psychologiques dus à la dépression post-partum, qui n’ont pas encore été étudiés.

 

Outre la violence inhérente à la maternité de substitution, la précarité des femmes recrutées pour être mères porteuses conduit à des situations où elles sont maintenues ensemble comme des « prisonnières ». Elles peuvent également être victimes de la traite des êtres humains, abusées physiquement et psychologiquement et, dans tous les cas, considérées comme de simples machines à fabriquer des bébés.

Perpétuer l’inégalité entre les femmes et les hommes et normaliser la violence à l’égard des femmes, c’est s’assurer que le marché de la reproduction dispose des « corps » féminins nécessaires pour consentir à leur exploitation. La maternité de substitution fait donc partie intégrante de la violence faite aux femmes qui consiste à exploiter leur capacité reproductive et à commercialiser leurs ovocytes. En effet, dès lors qu’une femme « produit » un enfant pour un tiers, en dehors de son propre projet parental, cela doit être considéré comme de l’exploitation.

Nous Demandons

 

La mise en œuvre effective d’une politique internationale d’abolition de la maternité de substitution afin de lutter contre la traite des êtres humains et les violences faites aux femmes et aux enfants :

La simple réglementation de la maternité de substitution n’empêchera pas l’industrie de fonctionner et ne réduira pas le trafic. La pratique de la maternité de substitution illégale dans les pays qui l’interdisent en est la preuve.

Les pays qui interdisent la maternité de substitution n’empêchent pas leurs citoyens de recourir au tourisme reproductif et au marché noir. La réglementation rend la maternité de substitution socialement acceptable et fait croire à l’opinion publique qu’il est juste d’accéder au corps des femmes comme s’il s’agissait d’une marchandise.

Nous appelons à une action urgente pour mettre fin à cette pratique au niveau international.

Pour le bien-être de toutes les femmes, l’abolition mondiale de cette pratique doit prévaloir.

 

La nécessité d’une initiative sur l’évaluation des risques liés à la maternité de substitution:

Nous demandons au CEDEF de soutenir l’idée de lancer des études sur les dangers et les abus de la maternité de substitution. Trop peu d’études ont été réalisées jusqu’à présent. Il est urgent de lancer une campagne sur les conséquences sanitaires de la maternité de substitution, le nombre de femmes qui en sont mortes, le nombre d’enfants abandonnés …., etc. Ces chiffres permettront de sensibiliser et de clarifier les dangers de cette pratique.

Marie Josèphe Devillers                        Ana-Luana Stoicea-Deram                    Berta O. Garcia

Co-presidents of the Coalition for the Abolition of Surrogate Motherhood

[1] http://abolition-ms.org/en/news/migrant-women-and-reproductive-exploitation1-in-the-surrogacy-industry-joint-investigation-by-enomw-icasm/

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