Analyse critique du questionnaire supposé faire le point sur le féminisme et la GPA

Ce questionnaire a été établi dans le cadre d’un master 2 dde l’Université Aix- Marseille. Selon sa présentation, il vise à  « sonder la position de personnes formées aux questions féministes et/ou du genre face à plusieurs arguments que le féminisme et les études de genre ont apportés au débat« .

Malheureusement ce questionnaire, supposé faire le point sur le féminisme et la GPA, conduit dirctement, par l’enchainement des questions, par l’édulcoration des concepts utilisés, à valider la gestion faussement dite  » altruiste ».

Accès au questionnaire : https://feminismegpa.limesurvey.net/628647

Synthèse de l’analyse du questionnaire

1° Ce questionnaire conduit doucement à suggérer que la GPA réglementée, dite « altruiste », est possible pour les féministes. Par exemple, en dernière page, nous serions abolitionnistes par crainte des dérives. Il suffirait donc d’encadrer (éviter les dérives !!) pour lever la position abolitionniste. Quels mépris  ou méconnaissance de la position abolitionniste.

2°) Les principes y sont édulcorés :
La dignité humaine est réduite à la volonté de protéger le personnes contre elles-mêmes (de grands enfants quoi !!).

3°) des concepts y sont détournés, voire dévoyés

  • La liberté reproductive et l’autonomie reproductive intégreraient la GPA : c’est-à-dire procréer pour des tiers ! et non pour son propre projet parental serait une manifestation d’autonomie reproductive. Dans ce concept sont associés avortement, contraception et GPA.
  • La GPA est positionnée sur le même plan que le don d’organe

4°) Des concepts propres au néolibéralisme y sont utilisés.

  • Droit à disposer de son corps
  • Travail reproducteur dans lequel sont agrégées, (procréation, gestation, éducation des enfants, etc.). Ces notions ne sont pas utilisées pour en faciliter la dénonciation ou pour les questionner mais comme données, comme évidences.

5°) La problématique de la GPA est réduite à une « question d’image des femmes », elle interroge « le sens symbolique de la maternité » et au mieux, se pose au niveau psychique et une seule fois au niveau économique.

Mais la question sociale et sociétal, les questions d’exploitation, la question de l’impact sur les droits humains des femmes et des enfants n’y sont pas abordées. => Une problématique rase motte.

La GPA n’est jamais abordée comme une violence faite aux femmes, ni comme un système d’exploitation en direction des pays en développement et en direction femmes des classes les moins favorisées. La GPA n’est jamais considérée comme un marché et une industrie de la reproduction.

La GPA n’est jamais vue comme un système qui ouvre l’accès au corps des femmes, de toutes les femmes et crée une classe de femmes gestatrices. Elle n’est pas non plus vue comme un système qui rend tout enfant potentiellement achetable ou vendable.

6°) les réponses abolitionnistes que nous apporterions, sauf à les nuancer et expliciter dans les zones de commentaires, seront considérées comme le fait de méchantes femmes bornées qui s’opposent à tout

Analyse détaillée du questionnaire

Dans l’analyse détaillée ci-dessous, ce qui est issu du questionnaire est en noir et nos commentaires en bleu foncé.

Introduction

« Il semble intéressant de sonder le terrain militant féministe et d’analyser les représentations qu’il y existe sur la valeur morale du consentement à la GPA comme expression d’une autonomie de volonté vers une voie d’émancipation féminine. »

Dès l’introduction, l’usage de l’expression valeur morale, est étrange. La question de la GPA est à aborder sous l’angle des violences contre les femmes, des droits humain, des droits des femmes et des enfants et non sous l’angle moral.

Questions initiales :

✓ J’ai remis en question une position plutôt défavorable au départ
✓ J’ai remis en question une position plutôt favorable au départ
✓ Mon opinion n’a pas évolué, j’ai toujours été pour
✓ Mon opinion n’a pas évolué, j’ai toujours été contre
✓ Mon opinion est toujours mitigée

Il manque une option : ✓Mon opinion s’est confirmée et approfondie

Page : « Autour de l’opposition entre libre disposition de soi et le respect de la dignité humaine. »

Présentation de la page : « Le débat autour de la GPA oppose souvent la défense de la libre disposition de soi (qui justifie qu’une femme puisse utiliser son corps pour conduire une GPA) et le respect de la dignité humaine (qui justifie que certaines actions ne soient pas permises pour protéger l’individu contre lui-même par exemple). Pour certains, la prohibition de cette pratique est une atteinte à la liberté reproductive, pour d’autres elle est une protection contre la marchandisation du corps humain. Ce groupe de questions vise à sonder votre position face à cette opposition. »

Liberté reproductive. Parler de liberté reproductive pour une mère porteuse est aberrant, le terme liberté individuelle serait approprié. La liberté reproductive ne peut s’’appliquer qu’au projet de parentalité personnel d’une femme qui la conduit mettre au monde un enfant et à l’élever.

Liberté de disposer de son corps : suppose la dichotomie entre l’esprit et le corps, cette notion est absurde. Il est fallacieux d présenter le fait de s’engager dans la GPA comme l’exercice d’une liberté individuelle (pour utiliser une notion correcte), puisque la GPA revient pour la mère porteuse à abandonner ses droits propres au profit des clients pour toute la durée du processus (durée qui va bien au-delà des 9 mois de grossesse). La GPA suspens les droits humains de la mère porteuse au profit des clients. Parallèlement, elle organise en faveur des clients une entorse de taille aux principes des droits humains fondamentaux qui sont irréfragables et incessibles le droits.

Dignité humaine : il est réducteur de présenter, « le respect de la dignité humaine (qui justifie que certaines actions ne soient pas permises pour protéger l’individu contre lui-même par exemple). Le respect de la dignité humaine vise à protéger tous les membres d’une société. La dignité humaine suppose qu’aucun enfant ne puisse être acheté ni vendu, dans le cadre de la GPA ou dans tout autre cadre, et qu’il ne peut pas y a voir de catégories de femmes considérées comme vouée à produire des enfants pour autrui.

Question « Pensez-vous que l’on puisse limiter la liberté à disposer de soi (et notamment sa liberté reproductive) au nom du respect de la dignité humaine »

Voir plus haut la critique de la notion de liberté à disposer de soi et de liberté reproductive

Question : « Le principe d’indisponibilité du corps humain admet comme exception le don d’organe d’une personne vivante. Pensez-vous que la GPA puisse, elle aussi, être une dérogation à ce principe? »

La question pose implicitement la GPA sur le même plan que le don d’organe, mais nous savons que la gestation est un processus biologique qui ne peut faire l’objet de don. La digestion, la respiration, par exemple, ne peuvent être données, pas plus donc que la gestation. D’autre part, le don d’organe implique le transfert définitif d’un corps à un autre de cellules sous une forme organisée (cœur, foie, etc.). Dans la GPA, ce qui est « donné », c’est l’embryon qui est transféré dans le corps de la mère porteuse. Et s’il y a don d’organe, il ne peut y avoir reprise d’organe ( rendez-moi mon foie !)., mais dans la GPA les clients exigent en retour de leur « don », un enfant vivant et viable.

Question : Pensez-vous que la légalisation de la GPA au nom de la libre disposition de son corps est assimilable à la légalisation de la prostitution ?

Pas de commentaire

Question : »Pensez-vous que la liberté reproductive (comprenant le droit à la contraception et à l’IVG) puisse inclure la GPA (altruiste et/ou commerciale) ? »

Là où les droits des femmes sont faiblement respectés, on interdit l’avortement t on promeut la GPA.
Poser la question sous cette forme conduit à une impasse mentale. Le rapprochement entre ces deux notions sous le boisseau de la liberté individuelle (je corrige) est en soi un non-sens. Répondre non, suggère que nous, en tant qu’abolitionnistes, sommes incohérentes, liberté d’un côté, interdiction de l‘autre.

N.B. Répondre aux questions précédentes nous oblige à un éventail de réponse qui nous classera d’emblée dans le clan des méchantes et des obtuses, jamais dans celui des progressistes.

Question : « pensez-vous que la GPA soit une forme d’exploitation du corps des femmes ? »

Le mot exploitation arrive enfin, mais de façon restrictive, car ce n’est pas seulement le corps des femmes qui est utilisé, c’est aussi  leur psychisme. Plus clairement, la GPA est l’exploitation de la capacité reproductive des femmes.

Question : »Etes-vous d’accord avec l’affirmation suivante : « l’autonomie reproductive, en tant que modalité privilégiée de l’expression de soi ou de notre identité la plus intime, est une composante essentielle de l’autonomie personnelle » »

Voilà un tour de passe passe incroyable. L’autonomie reproductive, dans ce questionnaire, est associée à la GPA (voir ci-dessus). Répondre favorablement à la question équivaut donc à s’exprimer en faveur de la GPA.

Page « Autour de l’image des femmes dans la GPA »

Question : « Pensez-vous que la GPA porte atteinte à l’image des femmes ? »

On ne peut pas placer le débat au niveau de l’image. ça n’est pas une question de communication, de réputation, d’image de marque.

Question : « Pensez-vous qu’il y ait, dans la GPA, une perte du sens symbolique de la maternité ? »

On passe encore à côté de la question du droit et des violences

Question : « Pensez-vous que la GPA risque de faire apparaître deux classes de femmes : celles à qui revient la tâche moins valorisée de la grossesse et celle à qui revient la tâche valorisée qui élève l’enfant ? »

La formulation est intéressante mais l’impasse est faite ici sur la question des classes sociales et du néo-colonialisme.

Question : « Pensez-vous qu’une femme puisse porter un enfant pour autrui et le remettre sans conséquences psychoaffectives ? »

L’impact sur l’enfant n’est évoqué nulle part

Question : « Pensez-vous que la GPA soit assimilable à une location d’utérus ? »

Sans commentaire

Page 3 Autour du corps et de la maternité

Question : « Pensez-vous que dans la GPA, il existe un lien maternel inévitable avec l’enfant ?

On nous entraine, vers cette question, certes importantes, mais périphériques. De plus il faut se référer aux recherches actuelles faites, par exemple,sur le micro-chimérisme.

Question : « Pensez-vous que la GPA demande à une femme de se dissocier de son corps ? »

Sans commentaire. La dissociation est inhérente à tous les système d’exploitation des capacités sexuelles et ou reproductives des femmes : prostitution et GPA.

Question : « Pensez-vous que la GPA renvoie à « l’injonction à la maternité », à un stéréotype de « dette de vie » ? »

Confusion : la GPA renvoie à l’injonction à la reproduction

Quand on parle ici d’injonction à la maternité, que veut-on dire ? Est-ce une injonction qui porte sur la mère porteuse ou sur la cliente ? La cliente n’est pas mère et sera parente de l’enfant mais pas mère au sens de « la mère est celle qui accouche ».

Question : « Pensez-vous que la GPA est une innovation dans les questions de l’enfantement (qui sortirait de la sphère privée pour devenir une affaire publique) ? »

Sous le prisme de la natalité/ dénatalité/ guerre des berceaux. Il nous semble que l’enfantement (qu’entend-on par-là ?) est depuis de longue date dans la sphère publique.

Question : « Pensez-vous qu’il puisse y avoir un désir de sororité, de solidarité entre femmes gestatrices et mères d’intention ? »

Possible, mais quel intérêt pour le sujet traité ? Mais plutôt que sororité c’est sur la fibre de la générosité que joue le marché, une manipulation mentale pour les mères porteuses, un narratif imposé, et une garantie de bonne conscience pour les clients .

Page : Autour des inégalités socio-économiques des gestatrices et leur impact sur leur autonomie à consentir

Question : « Pensez-vous que du fait de leur position socio-économique défavorisée, les gestatrices ne sont pas autonomes dans leur consentement ? »

Question très biaisée, pourquoi nous entraîner sur la pente glissante du consentement. La question du consentement est exclue dès lors qu’il y a délit ou crime. On ne peut consentir à quelque chose de répréhensible.

Question : « Pensez-vous que cette inégalité puisse être compensée (non seulement financièrement, mais par un engagement de la responsabilité des parents envers la gestatrice, par une valorisation au travers de la relation, etc.) ? »

Seule la justice peut compenser socialement un crime et un délit

Question : « Pensez-vous que la GPA puisse être envisagée comme un travail pour bénéficier de la reconnaissance et de la protection du droit des travailleurs ? »

Sans commentaire.

Question : « Pensez-vous que le travail reproducteur (procréation, gestation, éducation des enfants, etc.) doit rester dans la sphère privée ? »

Voici un biais flagrant  : utilisation du mot travail et inclusion de la question de l’éducation dans ce lot.

Page : Autour de la GPA altruiste

Question : « Pensez-vous que la seule motivation altruiste soit possible pour devenir gestatrice ? »

Ce chapitre suppose que le pas est franchi vers la GPA altruiste, comme pratique reconnue.
Dés lors le questionnement prend la GPA altruiste comme possible et nous invite juste à l’aménager.
On ne demande pas : existe-t-il une GPA qui serait altruiste?

Or in sait que toutes les GPA sont commerciale, car le processus en lui-même est commercial par l’implication de tiers, tels que agence, brokers, cliniques. Le terme « altruiste » est une invention marketing

Question : « Diriez-vous qu’il s’agit d’un stéréotype féminin qui veut que la femme soit toujours disposée à s’effacer pour les autres qui pousse des femmes à pratiquer la GPA altruiste ? »

Le mot « effacé » est bien faible, « participer à sa propre exploitation » serait plus juste.

Question : « Pensez-vous, dans l’hypothèse d’une GPA altruiste, que dissocier grossesse et maternité puisse être à faveur d’une émancipation des femmes ? »

Thèse de Badinter, le retour. C’est une thèse pro-client et très misogyne.

Question : « Pensez-vous, dans l’hypothèse d’une GPA altruiste, que bien que volontaire, cette pratique réduit les femmes à leurs fonctions biologiques ? »

Elle les réduit à la catégorie de gestatrice exploitées pour le compte d’autrui. Et elle réduit potentiellement toutes les femmes à cet état.

Page Prise de position

Question : « Pensez-vous, compte tenu des dérives auxquelles expose la GPA, que seule la position abolitionniste est à défendre ? »

« Compte tenu des dérives », ce qui veut dire que « sans dérive » notre position abolitionniste tombe. Autrement dit, on caricature la position abolitionniste en la réduisant à une position frileuse.

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