Ouverture de conférence
Laurence COHEN[1]
Je suis très heureuse de vous accueillir ici et d’ouvrir ce colloque que j’ai accepté très naturellement de marrainer. Je tiens à remercier et à féliciter le CoRP, CQFD Lesbiennes Féministes, la CADAC et L’Assemblée de Femmes qui ont travaillé au contenu et à l’organisation de ce colloque qui va permettre d’aborder, j’en suis persuadée, des questions de fond.
Permettez-moi tout d’abord de me présenter : Laurence COHEN, sénatrice du Val-de-Marne, j’appartiens au groupe CRCE [Communiste, Citoyen, Européen et Ecologiste]. Et en tant que communiste et féministe, je suis résolument opposée à la maternité de substitution, plus communément appelée GPA.
J’ai à ce titre participé à plusieurs rassemblements, notamment devant les bureaux du Conseil de l’Europe à Paris au moment du rapport DE SUTTER qui proposait une résolution visant à autoriser la GPA.
C’est vrai que cette question touche à l’intime, au désir de chaque couple d’avoir un enfant et pourrait donc, en quelque sorte, ne relever que d’une décision individuelle Ce n’est pas du tout ce que je pense. La GPA pose en réalité une question fondamentale, celle de la marchandisation du corps des femmes pour satisfaire les besoins d’autrui.
Et c’est bien là, la différence absolue avec la PMA pour les femmes seules et pour les couples de femmes, que je soutiens. Avec la PMA, la mère biologique ne fera pas don, ne vendra pas son enfant à des parents d’intention contrairement à la GPA où il s’agit d’acheter ou de louer le ventre d’une femme pendant neuf mois avec toutes les implications que suppose une grossesse. Est-ce que rien ne se passe entre la femme enceinte et son bébé pendant neuf mois ? Des travaux importants ont été réalisés à ce sujet montrant le lien, l’interaction psychologique entre la femme enceinte et le bébé qu’elle porte. Or, pour les pro-GPA, le ventre de la femme est isolé du reste du corps et considéré comme un simple « four à pain », pardonnez-moi l’expression.
Et que dire du désir d’enfant à tout prix au mépris de l’autre ? Avec l’interdiction de la GPA, il n’y a pas de discrimination entre hétérosexuels/les et homosexuels/les puisque la GPA est tout aussi interdite en France pour les couples hétérosexuels.
La généralisation de la PMA a pour objectif de mettre fin à une inégalité entre les citoyens et citoyennes en fonction de leur orientation sexuelle ou de leur situation matrimoniale face à un droit existant.
Donc, certes la GPA est interdite en France et ne fera pas partie des prochaines discussions lors des révisions bioéthiques au parlement, mais près de 500 enfants naissent chaque année par cette pratique puisque, vous le savez, elle est autorisée dans plusieurs autres pays à l’étranger.
Et de ce fait, en janvier 2017 la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la France pour avoir refusé de transcrire des actes de naissance d’enfants nés de GPA à l’étranger. Cela revient donc pour moi en quelque sorte à un contournement de la loi, à une forme déguisée de reconnaissance de la GPA. D’ailleurs je pense que nous sommes toutes et tous témoins de la pression qui existe aujourd’hui en France. Ainsi, vous avez pu prendre connaissance d’un appel, en janvier 2018, de 110 personnalités parmi lesquelles Élisabeth Badinter, Irène Théry et bien d’autres, lancé dans le journal Le Monde pour la reconnaissance des enfants nés par GPA.
Et ces mêmes personnes mettent en avant « une GPA éthique » ! Moi, je mets de nombreux guillemets au mot éthique, consciente des dérives qu’il induit de fait. Cette façon de présenter les choses peut paraître moins culpabilisante, donc assez séduisante pour, j’allais dire, le commun des mortels. Et c’est certainement peut-être une des raisons pour lesquelles il semblerait qu’une majorité de Françaises et de Français se dise aujourd’hui favorable à la GPA. C’est pourquoi il me semble très important que ce colloque puisse avoir lieu et qu’il soit suivi de nombreuses réunions de cet ordre, décentralisées sur le plan local. Je crois qu’il ne faut pas être naïf. Que veut dire un GPA éthique !?! C’est une GPA « encadrée ». Qu’est-ce que ça veut dire dans un système mondialisé d’exploitation tel qu’il existe aujourd’hui ? Ce seront toujours les femmes les plus pauvres, les plus précaires qui en seront les premières victimes et personnellement je ne crois vraiment pas à la GPA par pur altruisme. Et puis quand on fait la loi, on la fait pour la majorité et pas pour quelques cas isolés qui peuvent exister.
Et d’ailleurs, je ferai ici un parallèle avec la prostitution. Certains pensent que c’est un métier, un choix, mais pas moi. Il faut bien réaffirmer que pour la grande majorité des personnes qui sont prostituées, ce n’est pas le cas et qu’il s’agit bien d’une violence extrême faisant d’elles, des victimes.
C’est pour cela que je suis aux côtés des associations, dont beaucoup sont présentes aujourd’hui, pour combattre également la prostitution comme violences faites majoritairement aux femmes. Car là aussi, le corps de la femme est utilisé comme une marchandise en vue de satisfaire les besoins d’autrui.
Je crois que c’est en cela, notamment, que l’on se différencie d’autres organisations qui, si elles dénoncent aussi la GPA, le font pour des raisons profondément opposées.
Ces organisations, que je ne nommerai pas, ne se situent pas dans le camp des progressistes. Elles refusent la GPA mais elles refusent aussi la PMA parce que cela concerne principalement des personnes homosexuelles. Elles appartiennent à la mouvance de ces réactionnaires qui se sont opposés au mariage pour toutes et tous.
Il y a vraiment une bataille d’idées à mener, une bataille idéologique et personnellement je fais partie de celles et de ceux qui contrairement donc au camp des conservateurs, défendent les droits des femmes dans leur ensemble ainsi que les droits des personnes LGBT+.
Je ne veux pas être plus longue, nous aurons l’occasion dans le débat de revenir sur toutes ces questions mais il me semblait vraiment tout naturel de vous accueillir ici, au Palais du Luxembourg, et d’avoir le plaisir d’ouvrir ce colloque parce que je pense que la bataille va être très dure dans les semaines qui viennent.
[1] Sénatrice PCF (Parti Communiste Français) du Val-de-Marne