Le CoRP
Ana-Luana Stoicea-Deram[1]
Le Collectif pour le Respect de la Personne s’est réuni il y a cinq ans afin de combattre la pratique dites des mères porteuse, de maternité de substitution, ou encore, par un travestissement de langage, brutal, déshumanisant, gestation pour autrui.
Depuis plusieurs années on entend que cette pratique serait inéluctable, et que c’est pour cette raison qu’il faut l’accepter, voire la réglementer.
Elle serait inéluctable parce que la technique la rend possible ; parce qu’elle est réalisée dans plusieurs pays ; et parce que les personnes qui souhaitent se procurer un enfant en y ayant recours, le font quel que soit l’état de la législation.
Les demandes de réglementation émanent soit de personnes qui ont obtenu des enfants par une mère porteuse, et qui agissent selon une logique du fait accompli et d’une réglementation a posteriori (ce qui pose la question de la valeur de la loi pour ces personnes) ; soit des différentes parties qui tirent profit de cette pratique (les agences d’intermédiation, les cliniques, les avocats).
Vouloir réglementer parce que la pratique serait inéluctable, c’est refuser de s’interroger sur la nature même de cette pratique, sur ce qu’elle suppose concernant, d’une part, les relations humaines, à savoir le fait que certains êtres humains peuvent être transformés en moyens, au service d’autres ; et d’autre part, concernant les relations entre les femmes et les hommes, puisque les femmes seraient susceptibles de se considérer comme des objets (four, incubateur, cosse etc.) pour la satisfaction d’autres personnes – dans leur très grande majorité, des hommes.
Or, lorsqu’on regarde de manière globale cette pratique, lorsqu’on examine la nature des problèmes qu’elle pose, on fait plusieurs constats qui amènent à la récuser.
Tout d’abord, la maternité de substitution est contraire aux droits humains.
– contraire à la dignité de la personne – de la mère, considérée comme un instrument qui produirait un enfant ; de la dignité de l’enfant, dont on dispose comme d’un objet ;
– contraire à l’intégrité de la personne – en raison de tous les actes médicaux intrusifs et non nécessaires subis par les mères porteuses, ainsi l’injonction de dissociation qui leur est faite ;
– contraire aux droits de l’enfant – dont l’abandon est programmé, contractualisé, avant même sa naissance ;
– contraire au principe de non-discrimination – en instituant la reconnaissance de la fabrication d’êtres humains sur mesure, par contrat.
Ensuite, la maternité de substitution constitue une marchandisation des êtres humains, car elle repose sur un ensemble d’actes de vente-achat : vent-achat d’ovocytes, de sperme, paiement d’une femme pour porter une grossesse et mettre au monde un enfant, vente du lien de filiation, car on paie la mère pour s’assurer qu’elle va abandonner l’enfant.
Enfin, l’eugénisme, qui est systématiquement occulté, traverse l’ensemble des étapes de la maternité de substitution (sélection du matériel génétique, sélection des femmes, sélection embryonnaire, réduction embryonnaire, avortement sélectif, sélection du sexe de l’enfant).
La maternité de substitution est techniquement possible. Mais elle n’est pas inéluctable. En revanche, elle est humainement inadmissible.
Nous ne l’admettons pas. Nous en demandons l’abolition !
[1] Présidente du Collectif pour le Respect de la Personne (CoRP)