Écoutez les concernées ! Vérités sur la GPA

Quatre femmes brisent le silence pour révéler
la réalité de la gestation pour autrui qu’elles ont vécue

 

Quand on parle de gestation pour autrui (GPA), les « parents d’intention » occupent le devant de la scène, reléguant au silence les femmes qui ont donné la vie aux enfants, ou contrôlant les histoires qu’ils leur demandent de raconter. Cependant, certaines mères trouvent la force de témoigner, pour briser le silence autour de la maltraitance qu’elles ont subie. Car, même en France, le risque de traite des femmes à but reproductif (GPA) est réel.

Témoignage de Clara France (*)

Je suis de nationalité argentine. Depuis 2023, je me bats en France, avec l’aide de mon avocate, pour retrouver ma place dans la vie de mon fils. Voici mon histoire.

En 2022, un ami très proche, que j’appellerai « G », rencontré en 2007 pendant mes études d’anglais, m’a appelée. Il travaille en Europe et vit avec son compagnon. Ils ont tous deux de très bonnes situations.

À l’époque, je venais de me séparer, j’avais perdu un enfant quelques années auparavant et je ne me sentais pas très bien. Au téléphone, « G » m’a proposé de devenir la mère de son fils. Il m’a dit que nous allions former une famille de trois personnes. J’étais heureuse de les aider à devenir parents et qu’ils m’aident à devenir mère à nouveau. J’ai accepté ce beau projet. Il m’a parlé de m’épouser pour faciliter l’obtention des papiers en France. Nous formerions une famille à trois en Europe. J’occuperais un étage de leur grande maison, et eux l’autre, et nous élèverions l’enfant ensemble.

Je sais que cela peut sembler bizarre, mais c’était bizarre pour moi aussi au début. Je ne vais pas mentir, mais je ne voulais pas le vexer. Je me disais : « Bon, le monde change tellement que je vais devenir maman de cette façon ». Ils m’ont fait venir en Europe avec un visa touristique. J’étais en préménopause, donc ils ont organisé une fécondation in vitro en Espagne avec le sperme du compagnon de mon ami et les ovules d’une donneuse. Le médecin m’a proposé une donneuse à la peau mate, comme la mienne. Mais « G » insistait pour une donneuse à la peau claire et aux yeux bleus. J’ai refusé.

C’était une grossesse à risque : j’avais 41 ans, de l’hypertension et de l’hypothyroïdie. Pendant la grossesse, j’ai dû me rendre à quatre reprises à l’hôpital. Dès le début de la grossesse, j’ai eu beaucoup de mal à vivre avec eux. Ils se disputaient beaucoup et ont commencé à se comporter de façon très froide avec moi, comme si c’était un travail. Petit à petit, le beau projet de famille a disparu. Ils ont décidé que j’habiterais dans la ville voisine et que, lorsque le bébé serait né, je le verrais le week-end. Mon ami m’a pris mon passeport, heureusement, il me l’a rendu quatre mois plus tard. Je ne reconnaissais plus mon ami, c’est comme s’il était devenu une autre personne.

Je pensais pourtant que je devais continuer, puisqu’ils étaient les pères et que j’étais la mère, et que nous allions de toute façon former une famille. Je me disais que je devais supporter des choses qui, malheureusement, n’ont fait qu’empirer.

L’accouchement a été difficile et une césarienne a dû être pratiquée. Lorsque l’enfant est né, face au personnel de l’hôpital « G » a prétendu qu’il était mon compagnon. Ils m’empêchaient de prendre mon fils dans les bras, prétextant que j’étais fatiguée. Ils ont expliqué au personnel soignant que je ne pouvais pas l’allaiter, car je devais reprendre le travail. Ce qui était faux. Ils m’ont obligée à tirer mon lait. J’ai accepté, car je pensais que si le bébé s’habituait trop à moi, il souffrirait plus tard. Il y avait aussi les 300 euros qu’ils envoyaient tous les mois pour mes filles. Je n’avais ni travail, ni connaissances. Je ne parlais pas encore français. Je n’avais pas d’argent. Ils réglaient toutes mes dépenses et mon visa avait expiré, ce qui m’obligeait à ne pas sortir ou a sortir en me faisant discrète. Je ne pouvais pas demander d’aide et je devais tenir ma parole.

Quand j’ai osé protester, la tension entre nous a augmenté. Ils m’ont fait rédiger un CV et m’ont dit qu’ils ne pouvaient plus me prendre en charge. Je n’avais pas encore récupéré de ma césarienne et je leur demandais un peu plus de temps, je marchais encore avec beaucoup de difficultés. Mais sans m’entendre, ils ont organisé mon départ pour l’Espagne, où je ne connaissais personne, à l’exception d’un vague contact Facebook à Murcia. Il a fallu cinq changements de voiture en covoiturage et un trajet en bus pour arriver jusque là-bas, soit 1500 km.. « G » m’a accompagnée jusqu’au bus pour Murcia à Barcelone et il est reparti aussitôt par avion.

La personne chez qui je suis arrivée m’a aidée et m’a mise en contact avec une avocate qui m’a alertée. En effet, en quittant mon fils de la sorte, je risquais d’être accusée d’abandon d’enfant. J’ai appelé « G », le suppliant de me laisser revenir en France, et je lui ai naïvement dit que je risquais d’être poursuivie pour abandon d’enfant. J’ai ensuite appris qu’ils étaient allés immédiatement déposer une plainte contre moi pour abandon d’enfant.

Depuis l’Espagne, on m’a mise en contact avec deux avocats, qui ont organisé mon rapatriement en France et m’appuient dans toutes mes démarches : les papiers, le travail, l’action en justice pour récupérer la garde de mon fils.

Grâce à leurs efforts, je peux aujourd’hui voir mon fils deux heures tous les quinze jours, sous la surveillance des services sociaux.

Mais pour moi, il ne s’agit que d’une étape, j’espère un jour être réunie à mon enfant, qui a déjà deux ans.

 

Témoignage de Christian (USA)

« J’étais motivée par le désir d’aider les autres, et j’ai découvert plus tard que je souffrais d’une empathie toxique, ce qui signifie que j’aide les autres au détriment de moi-même. J’espérais également gagner de l’argent pour payer les frais juridiques, car mon mari était en conflit pour la garde de ses enfants, et la « compensation » issue de la maternité de substitution devait servir à financer ces frais. »

J’ai signé un contrat avec une agence réputée de Californie pour une grossesse par FIV avec une donneuse d’ovocytes. Bien que je n’aie pas été informée des risques, j’ai accepté d’avoir un bébé pour ce couple. Ils étaient financièrement stables, avaient une carrière bien établie et une maison. Je pensais qu’ils étaient de bonnes personnes qui cherchaient à fonder une famille.

On m’a dit qu’une autre femme serait une « sœur de substitution » qui serait enceinte en même temps que moi, mais ses transferts d’embryons ont échoué et nous avons perdu contact.

Pendant ma grossesse, j’ai ressenti un lien très fort et un sentiment de protection envers le bébé.

Mes enfants lui avaient tous donné un surnom. Ma fille l’appelait « Baby Squishy » (bébé tout mou). Mon neveu l’appelait « Little Bouncy Ball » (petite balle rebondissante).

J’ai donné naissance à mes trois enfants par voie naturelle, mais cette grossesse était à haut risque. Lorsque j’ai été mise en relation avec l’agence, on m’a dit que ce serait comme une grossesse normale, à ceci près que je devrais me faire des injections. Ce n’était pas vrai. J’ai souffert d’hémorragies subchroniques dues aux injections et j’ai dû recevoir des transfusions sanguines hebdomadaires pendant deux mois avant d’accoucher.

Mon accouchement a finalement été provoqué en raison d’une prééclampsie. Le bébé et moi étions en détresse, ils ont donc pratiqué une césarienne d’urgence. Je pense que cela nous a beaucoup affectés, tous les deux. La prééclampsie est une complication fréquente des grossesses par FIV avec mère porteuse, qui conduit à une césarienne immédiate pour sauver la mère.

Mon frère, mon neveu, mon cousin, mes enfants et mon mari sont venus à l’hôpital pour voir ce magnifique bébé et lui dire au revoir.

Tout le monde a pu lui dire au revoir, sauf moi, car j’étais sous morphine et je perdais connaissance régulièrement.

Je ne voulais pas le donner. Mon corps me disait sans cesse que ce bébé m’appartenait, et je ne pouvais l’expliquer à personne. L’agence, ma famille et mes amis me disaient qu’il n’était pas le mien. Je me sentais très isolée.

J’ai tenu le bébé une fois ; c’était un garçon. Nous avons pris des photos avec ma famille. C’était en 2018.

Le père commanditaire est arrivé après la naissance. Il a créé des problèmes à l’hôpital. Il s’est disputé avec le personnel au sujet du nom de famille du bébé. Le nom figurant dans le contrat était différent de celui qu’il souhaitait voir apparaître sur le certificat de naissance. C’est alors que nous avons découvert que le contrat que j’avais signé était frauduleux.

On m’a menti dès le début. La femme censée être la mère commanditaire était en réalité enceinte et a accouché avant moi. Je ne l’ai jamais rencontrée, car ils m’ont caché sa grossesse. Ils ne voulaient pas que je découvre qu’elle n’était pas stérile, contrairement à ce qu’ils avaient prétendu. Plus tard, il est apparu clairement que les « parents d’intention » n’avaient jamais eu l’intention d’élever cet enfant.

Le couple pour lequel j’avais eu un bébé ne l’a jamais voulu. Ils avaient été engagés pour servir d’intermédiaire ou de prête-nom. Vers le premier anniversaire de l’enfant, ils l’ont envoyé au Royaume-Uni avec une nounou et ont déclaré ne plus vouloir de lui.

L’homme qui s’occupe actuellement du bébé au Royaume-Uni est le père biologique, avec lequel ils avaient un contrat.

J’ai découvert tout cela lors du procès. J’ai vu le contrat qu’ils avaient conclu ensemble, le pseudo-père commanditaire et le père génétique. Le contrat était rédigé sur une feuille de papier à en-tête du cabinet d’avocats ; il m’a donc semblé légal.

Le procès a duré quatre ans pour organiser la garde du bébé au Royaume-Uni. J’ai réglé les frais de l’une des audiences et l’homme à qui le bébé a été confié a réglé la seconde.

Dans les documents judiciaires, j’ai déclaré que je voulais élever l’enfant avec mon mari aux États-Unis. J’ai écrit au juge présidant l’affaire pour lui demander de comprendre mon point de vue.

Je ne pense pas que mes avocats m’aient bien représentée ou aient agi dans mon intérêt. Je ne sais même pas si l’enfant sait qu’il est né grâce à une mère porteuse. Le père génétique le considérait comme un « projet », comme s’il s’agissait d’une expérience sociale.

Je n’ai pas été traitée comme un être humain et il était clair qu’ils trouvaient très gênant que j’aie mon propre avis et que je veuille garder l’enfant. Je n’ai pas donné mon consentement pour qu’il soit adopté. Mes avocats britanniques ont essayé de me persuader de renoncer à mes droits parentaux. Personne ne m’a soutenue. L’agence ne s’est guère souciée de moi ; elle m’a fait envoyer un bouquet de fleurs à la naissance. Elle a même tenté de me faire signer une clause de confidentialité, mais j’ai refusé. Cela signifie que je ne peux pas être poursuivie pour avoir parlé de mon expérience, comme je le fais aujourd’hui, mais la plupart des mères porteuses ne peuvent pas parler si elles ont signé une telle clause dans leur contrat.

Le tribunal a décidé que le seul droit dont je pouvais bénéficier était de recevoir des photos et de brèves nouvelles de mon enfant deux fois par an. Cela fait plus d’un an et je n’ai rien reçu.

Je pensais que ce serait merveilleux de réaliser le rêve de quelqu’un d’autre, même si ce n’était pas le mien. Mais cela s’est transformé en cauchemar pour moi et ma famille, au détriment de notre santé mentale. Nous avons tous souffert.

Cela m’a affectée physiquement et mentalement, et ma famille a été affectée émotionnellement pendant la grossesse et les procès.

Mes enfants l’ont très mal vécu. Finalement, j’ai dû faire une pause de deux ans et vivre avec ma mère pour remettre de l’ordre dans ma vie. Elle m’a aidée à m’occuper de ma fille pendant que je me remettais, car les choses allaient vraiment mal.

La maternité de substitution manque de respect aux femmes en les déshumanisant et en monétisant leur corps. Même pendant la phase de négociation du contrat, on m’a demandé si je recommencerais, comme si j’étais une machine à faire des bébés. Peu après mon retour du procès au Royaume-Uni, mes avocats m’ont demandé si je porterais un autre bébé et m’ont demandé de signer un nouveau contrat.

Je regrette profondément d’avoir accepté d’utiliser mon corps de cette manière. J’étais vulnérable et personne ne m’a défendue. Je n’étais pas en mesure de me battre davantage. Bien que je n’aie pas donné mon consentement à l’adoption, mes droits parentaux m’ont tout de même été retirés.

L’enfant ne porte pas mon ADN ; le secret de sa naissance mourra donc avec moi et les autres membres de la famille qui en ont connaissance. Comment saura-t-il que je le voulais vraiment ? Qui le lui dira ?

 

Témoignage de Marianne (UK)

On entend souvent dire à quel point la maternité de substitution est merveilleuse, que c’est un beau cadeau et une expérience positive. Puis, on entend parler de la « terrible » mère porteuse qui ose demander à récupérer son enfant. C’est une représentation trop courante dans notre monde moderne.

J’y ai cru lorsque j’ai accepté d’aider un membre de ma famille en portant son enfant.  À l’époque, j’étais ravie d’accepter et je n’attendais rien en retour. J’avais clairement indiqué que l’enfant serait conçu par FIV et que j’aurais le droit de voir et d’avoir des contacts avec l’enfant que je mettrais au monde.

J’ai accepté de devenir mère porteuse pour ma cousine. Elle était comme une sœur pour moi. Elle avait joué un rôle important dans ma vie. Nous étions indispensables l’une à l’autre.

Je savais qu’elle était atteinte d’un cancer. Il y a quelques années, elle m’avait dit qu’elle avait créé des embryons.

Un jour, elle est venue chez moi avec sa sœur, qui est également ma cousine. Elle m’a demandé : « Peux-tu m’aider ? » Je lui ai répondu que je l’aiderais seulement si elle me laissait par la suite en contact avec l’enfant par la suite. Elle m’a regardée dans les yeux et m’a répondu : « Bien sûr. Il y a de la confiance entre nous, tu sais ? » Nous sommes de la même famille, non ?

Je n’ai pas pensé une seule seconde qu’il me faudrait faire appel à un avocat et rédiger un contrat.

Je pense qu’elle savait que je n’avais pas d’autre choix que d’accepter quand elle m’a demandé. Je pense qu’elle a exploité notre relation. D’après les informations révélées par la suite, il semble qu’ils aient envisagé de faire appel à une mère porteuse à l’étranger. Mais cela leur semblait trop coûteux, alors ils cherchaient une alternative moins onéreuse. Ils me considéraient en quelque sorte comme une solution gratuite.

On m’a dit qu’il y avait de la confiance. « Tu seras la marraine de l’enfant. »  Ces mots allaient plus tard me hanter.  Je ne pense pas qu’elle sache ce que signifie la confiance. Elle m’a fait toutes sortes de promesses pour me laver le cerveau et me contraindre à l’aider.

Le couple a eu recours à la FIV avec leur propre matériel biologique. Je me souviens de nombreuses injections et de visites à la clinique pour des examens physiques très intrusifs. C’était très procédural et assez difficile, tant sur le plan émotionnel que physique, de traverser tout cela. J’avais moi-même eu deux grossesses normales, sans assistance. Cette surmédicalisation visait uniquement à rassurer ces deux personnes.

L’expérience a été suffisamment pénible. C’était horrible que quelqu’un d’autre essaie de dicter les procédures médicales que je devais subir, la façon dont je devais accoucher et ce que je devais manger.  La liste est longue. Cela m’a affectée dès le début de ma grossesse, mais il n’existe toujours pas de soutien spécialisé pour les femmes qui vivent une grossesse de substitution.

En 2014, au moment de l’accouchement, il avait été convenu que le père commanditaire ne serait pas présent ; il n’y aurait que moi, mon partenaire et elle. Tout s’est bien passé et je me sentais en contrôle. L’hôpital me considérait comme la mère. Mes souhaits ont donc été pris en compte ; les choses se sont passées comme je le voulais, et non comme elle le voulait. Cependant, ils voulaient que je subisse une césarienne élective. J’ai refusé, et ma sage-femme a dit que cela n’était pas une bonne pratique. Si quelqu’un n’en a pas besoin, il ne faut pas y avoir recours. Ils ont essayé de me forcer et de me mettre la pression en me disant : « Ce serait mieux pour vous. »

Je me souviens qu’il y avait une certaine confusion à l’hôpital. Même s’ils avaient été informés qu’il s’agissait d’une maternité de substitution, les services sociaux sont intervenus. Je me suis dit : « C’est horrible. J’essaie d’avoir un bébé et maintenant, les services sociaux me posent des questions suspicieuses.

Le père est arrivé pendant qu’ils établissaient le contact, et tout s’est bien passé. Ils ont pris le bébé. Ils m’ont dit que je pouvais rentrer chez moi. Cependant, le personnel de l’hôpital n’était pas d’accord. Ils voulaient que je sorte avec le bébé dans les bras, conformément à leur politique. Je me souviens avoir dû traverser l’hôpital avec le siège auto contenant le bébé, sous le regard du personnel médical. Ensuite, nous avons procédé à cet étrange échange : j’ai remis l’enfant sur le parking de l’hôpital, car, légalement, l’établissement n’était plus responsable de l’enfant une fois qu’il se trouvait à l’extérieur.

Après la naissance, on m’a présenté toutes sortes de documents juridiques que j’ai été contrainte de signer. Le moment était également très mal choisi, je tentais encore de me remettre de l’accouchement. Imaginez devoir entraîner votre corps et votre esprit pendant neuf mois à croire que vous n’êtes pas la mère de l’enfant que vous mettez au monde. Toutes les mères porteuses doivent le faire. Puis, après avoir fait cela, on vous présente un document stipulant que vous êtes la mère et on vous contraint à le signer. On m’a également menacée de conséquences financières et juridiques si je refusais.  C’est le côté sombre de la maternité de substitution au Royaume-Uni dont on ne parle pas, car la plupart des femmes sont soumises à des clauses de confidentialité qui les empêchent d’en parler.

Je n’ai reçu aucun paiement. Je n’ai été indemnisée que pour mon arrêt de travail. Je me souviens qu’ils m’ont offert des vêtements de maternité et m’ont remboursé mes frais de transport pour me rendre à la clinique. Ils voulaient payer ma nourriture, mais j’ai poliment refusé. Je ne voulais pas me sentir contrôlée par quelqu’un qui me dicte ce que je dois manger. Ma chère cousine m’avait dit : « Nous aimerions te payer une nouvelle cuisine », et j’avais répondu : « Non, tu sais, c’est moi qui t’aide. Recevoir des cadeaux me donnerait l’impression d’être payée pour un service. » J’ai simplement refusé.

Le procès a commencé en 2014 et a duré deux ans. Ce n’est pas moi qui l’ai intenté. Il a été intenté par les parents commanditaires, car ils souhaitaient obtenir une ordonnance parentale. Une telle ordonnance transfère légalement la responsabilité parentale de la mère porteuse aux parents d’intention et met fin à ses droits.

Je n’en savais rien. Je ne savais même pas qu’il y aurait un procès. Je pensais simplement remettre l’enfant et en finir. Rien de tout cela ne m’avait été clairement expliqué auparavant. Personne ne m’en avait parlé. J’ai accouché, et soudain, toutes ces formalités juridiques m’ont été imposées. J’ai refusé de signer et tout a dégénéré.

Ils ont tenté d’obtenir mon consentement de force, en exploitant ma santé mentale, affectée irrémédiablement par cette expérience. Grâce à ma détermination et à ma ténacité, notamment grâce à des évaluations psychiatriques prouvant que j’étais capable de donner mon consentement, j’ai pu rester impliquée. Malgré tout, ils ont continué à essayer de m’écarter. Les services de protection de l’enfance ont même tenté d’utiliser le cas d’une mère porteuse décédée. Ils ont déclaré : « Nous pouvons simplement utiliser ce cas où quelqu’un est mort et prétendre que c’est ce qui s’est passé ici. » C’était tout simplement révoltant. Finalement, j’ai dû signer l’ordonnance parentale.

L’enfant, une fille est née en 2014. Je ne l’ai pas revue depuis qu’elle est née.

On m’avait promis à plusieurs reprises, pendant le procès, que je la verrais, mais à chaque fois, le rendez-vous était annulé la veille. Ils se moquaient de moi. Je pense que ces promesses n’étaient faites que pour satisfaire le tribunal.

Ils ont laissé entendre que s’ils n’avaient pas eu à payer les frais juridiques, je ne leur aurais pas couté cher.  lls essaient constamment d’effacer toute trace de moi dans la vie de l’enfant, ce qui est une autre raison pour laquelle ils ont besoin de mon silence. Je pense que leur comportement découle de leur ressentiment à mon égard en tant que mère de l’enfant, et c’est moi qui incarne la générosité.

On m’a diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique complexe, et j’ai suivi une thérapie pour atténuer certains des traumatismes directement liés à la maternité de substitution. J’ai une peur profonde des hôpitaux, des enfants et des bébés, ce qui n’est pas compatible avec ma carrière dans l’enseignement.  Les dommages subis ne pourront jamais être réparés.  Des crises de panique constantes, ainsi qu’une peur et une méfiance permanentes envers les autres, me le rappellent sans cesse.

L’impact ne s’est pas limité à moi, mais s’est également répercuté sur mes enfants. Ils ont endossé le rôle de parents, car je n’étais pas en mesure de m’occuper d’eux. Cela a eu lieu il y a dix ans et, pendant environ cinq ans, mes enfants n’ont pas eu de mère. Ils m’ont été retirés et envoyés vivre avec leur père pour 6 mois, ce qui a été traumatisant pour tout le monde. Puis, le juge a réalisé que cela n’était bénéfique pour personne et les a de nouveau confiés à ma garde. Au cours des cinq dernières années, nous nous sommes rapprochés en tant que famille et avons reconstruit nos relations, mais pendant les cinq premières années, nous étions une famille brisée.

 

En essayant d’aider une autre famille, ils ont détruit la mienne.

Nous parlons des droits des femmes comme s’ils étaient universels, mais la maternité de substitution revient en réalité à choisir quelle femme mérite plus de droits qu’une autre. C’est une inégalité.

Si les dirigeants et les législateurs se soucient tant des droits des femmes, pourquoi continuent-ils d’éroder les droits des mères porteuses ?

 

Témoignage de Julie (*) (France)

Bonjour, merci. Je tiens tout d’abord à remercier les organisatrices de nous avoir donné la parole. C’est très émouvant pour nous de parler ici, au Sénat, un endroit qui représente le pouvoir et l’État. Nous ne sommes pas habituées aux apparitions publiques ou médiatiques, car notre discours n’est ni glamour ni politiquement correct. Nous sommes les déchets de la GPA, qu’elle soit éthique ou commerciale.

Nous sommes celles que l’on jette après usage, nous ne sommes pas recyclées. Notre parole n’est donc pas politiquement correcte. La seule parole audible pour le public, c’est celle des usagers, des commanditaires, des acheteurs d’enfants qui se prétendent parents, parents avant même la naissance de l’enfant.

Je vous remercie donc une nouvelle fois de nous permettre de nous exprimer et je remercie le public de nous écouter.

Mon histoire a commencé en 2018-2019, en France. Je suis française.

Je rêvais depuis longtemps d’avoir un enfant. C’était un désir ancien et profond, mais je n’avais pas les moyens matériels de l’élever seule. Il était naturel et essentiel pour moi que cet enfant connaisse ses origines, qu’il sache que je suis sa mère et qu’il me reconnaisse comme telle.

Militante LGBT, je voulais également, à travers ce projet de GPA, poser un acte cohérent avec mes idéaux politiques et aider des personnes que je considérais comme plus opprimées que les autres, à savoir les couples de même sexe, car à l’époque, en 2018-2019, la PMA étaient interdites en France et la GPA l’est toujours.

On nous présente la GPA comme un acte éthique, altruiste et humanitaire, quelque chose de très désirable. Les discours que l’on entend sont ceux d’un acte de don, de générosité.  On qualifie les mères porteuses de donneuses de vie, de lumière, de personnes extraordinaires. Ce sont des discours qu’on entend tout le temps. J’y ai donc cru.

Je voulais à la fois réaliser mon désir de maternité personnelle et permettre à un couple d’hommes de devenir parent. J’ai fait des recherches sur Internet, sur Facebook, sur des sites, mais surtout sur Facebook, pour trouver des commanditaires, des « parents d’intention ». J’ai été contactée par des personnes de tous les pays et de toutes les orientations sexuelles.

 

J’ai refusé les propositions de rémunération et j’ai réalisé une GPA pour laquelle seuls les frais de grossesse m’ont été remboursés ; je n’ai pas perçu d’argent. J’ai également refusé les demandes émanant de l’étranger, car je voulais continuer à voir l’enfant. J’ai également refusé les demandes émanant de couples hétérosexuels, car je ne voulais pas que l’enfant ait une autre mère que moi.

J’ai rencontré un couple qui correspondait à mes critères de stabilité et de confiance, et qui m’a fait de belles promesses. Nous avons réalisé une GPA traditionnelle, artisanale, sans l’intervention d’une clinique, d’une agence, etc. Je suis donc également la mère génétique de l’enfant.

J’ai insisté pour reconnaître l’enfant à l’état civil et j’ai refusé d’accoucher sous X, car je ne voulais pas infliger à l’enfant un départ dans la vie marqué par l’abandon. L’accord était clair : ce serait eux qui élèveraient l’enfant à leur domicile, mais je resterais toutefois proche du couple et de l’enfant. Mais évidemment, nous ne voulions pas la même chose.

Comme beaucoup de mères porteuses, j’ai pu le constater après coup, je voulais rester dans la vie de l’enfant, faire partie de la famille, même une famille éloignée. Beaucoup de mères porteuses rêvent de rester dans la famille de l’enfant, d’être considérées comme une maman éloignée, une tante, et elles veulent pouvoir garder le contact et le voir grandir, qu’elles aient été payées ou non, qu’il y ait eu un contrat ou non, et où que ce soit dans le monde.

Il avait été explicitement convenu que je pourrais toujours avoir accès à l’enfant, ainsi que ma famille, car une mère porteuse n’est pas seulement un utérus, mais pas seulement une femme non plus. C’est aussi sa famille. La mère porteuse a donc des enfants qui sont les frères et sœurs de l’enfant. Elle a également des parents qui sont les grands-parents de l’enfant. Elle a des frères et sœurs qui sont les oncles et tantes de l’enfant. Elle a des neveux et nièces qui sont les cousins de l’enfant. Vous voyez, la GPA, ça génère un sacré bordel familial.

Et on m’avait promis, je cite, que la porte serait toujours ouverte chez eux. Et ce, à deux reprises, avant la conception et à la naissance de l’enfant. C’est ce que m’a dit l’un des deux commanditaires.

Bien sûr, eux, de leur côté, ils voulaient une mère porteuse qui disparaisse. C’est donc un matériau qu’on utilise et qu’on jette comme un déchet. Contrairement à ce qu’on peut entendre dans les médias, je n’ai pas reçu les fameux remerciements, la gratitude, toutes ces belles paroles. Je n’ai reçu ni parole, ni attention. Le lendemain de l’accouchement, ils ne m’ont même pas demandé comment je me sentais, comment ça s’était passé, rien. Je n’ai pas reçu de cadeau, rien.

J’ai perçu des prestations sociales de la CAF (Caisse d’Allocations Familiales), puisque je suis la mère sur les papiers. J’ai reversé ces prestations au couple, estimant que cet argent était destiné à l’enfant et qu’il leur revenait donc de droit. Nous avons donc réalisé une GPA illégale, clandestine, en marge de la loi, mais que, en tant que militante LGBT, je considérais comme un acte de solidarité.

Nous n’avons pas rédigé de contrat écrit, car cela n’aurait eu aucune valeur juridique. C’était seulement un accord oral. J’ai également toujours refusé d’accepter l’adoption de mon fils, c’est-à-dire de l’abandonner sur le plan juridique.

Et hier encore, j’ai lu un rapport des services sociaux dans lequel l’un des commanditaires demandait l’adoption de mon fils. Aujourd’hui encore, en octobre 2025, je refuse la pression que l’on me met, même de la part des services sociaux, pour que j’abandonne mon enfant.

En ce qui concerne la grossesse, tout s’est bien passé sur le plan physique. Mais elle a été beaucoup plus difficile que je ne l’imaginais sur les plans moral et mental. J’ai traversé cette épreuve seule, sans le soutien de personne : ni des commanditaires, ni de ma famille, ni de mes amis.

Vers la fin de la grossesse et pendant l’accouchement, les belles paroles et les belles promesses se sont envolées. J’ai alors compris que je n’étais plus qu’un corps chargé d’effectuer la livraison du bébé. Même pendant l’accouchement, le père biologique estimait avoir son mot à dire sur la manière dont le bébé sortirait. Par exemple, on a utilisé une ventouse obstétricale pour le sortir, mais lui préférait une césarienne de peur d’abîmer le bébé. Il a également imposé que le bébé soit placé en nurserie pendant la première nuit, alors qu’aujourd’hui, en 2019-2020, on laisse normalement le bébé avec sa mère pendant son séjour à la maternité.

Son comportement était si déplacé dans la salle d’accouchement que l’auxiliaire puéricultrice a dit : « Arrêtez de vouloir séparer la mère et le bébé. » Elle avait compris mieux que moi ce qui se jouait. Quand on accouche, on n’est pas dans son état normal.

Mais elle, elle avait compris ce qui se passait. À la sortie de la maternité, j’avais donné ma parole, donc je leur ai confié l’enfant. Ils sont repartis tout de suite après.Je suis rentrée chez moi, vide, sans mon bébé. J’ai vécu un post-partum sans bébé, avec des montées de lait. Pour mon corps, c’était comme un deuil. C’était comme si le bébé était mort pour mon corps. D’ailleurs, je me suis même inscrite à des groupes de soutien pour les deuils périnataux. À celles et ceux qui m’avaient vue enceinte et à qui je ne pouvais pas dire que c’était une GPA, j’ai prétendu que l’enfant était mort.

Évidemment, très vite après, les belles promesses se sont envolées. Ils ont organisé une fête de naissance dans leur appartement, sans m’en parler ni m’inviter. Ils ont entretenu la fiction d’un bébé qu’ils auraient fait tout seuls, entre deux hommes.

Les visites qu’ils m’avaient promises, il y en a eu quelques-unes la première année. Elles se sont espacées, sont devenues plus rares et plus courtes à chaque fois. Ma famille, qui était censée avoir la porte ouverte, a rencontré beaucoup de difficultés pour voir l’enfant.

Évidemment, eux ne sont jamais venus présenter l’enfant aux différents membres de ma famille, comme ils l’avaient promis. Les photos, c’est toujours une bataille actuellement pour en obtenir de mon fils. Les nouvelles se faisaient attendre, même pendant que j’étais en période post-partum et que je suivais une rééducation périnéale, alors que les sage-femmes me demandaient comment il allait. Normalement, on parle de son enfant et on montre des photos quand on est en post-partum. Moi, évidemment, je devais inventer des choses. Je ne pouvais même pas dire son poids. Je n’ai évidemment pas pu l’allaiter, sinon ils n’auraient pas pu lui donner le biberon.

Je devais inventer comment il allait, je devais bricoler. Ils m’ont caché des informations sur la santé de l’enfant. Par exemple, j’ai appris que mon fils était autiste deux ans après sa naissance, soit six mois plus tard.

Ils racontaient aux professionnels de santé qu’ils n’avaient pas mon adresse et que j’étais sans domicile fixe, alors qu’ils savaient pertinemment où j’habitais. Ils racontaient également que j’étais « perchée » et qu’il était inutile de me contacter. Et à la directrice de l’école maternelle, pour son inscription, ils ont dit que je ne voulais pas entendre parler de l’enfant. Elle a été très étonnée quand, pour sa première rentrée en maternelle, j’ai appelé différentes écoles de la ville pour savoir si mon fils y était inscrit. La directrice de la deuxième école que j’ai contactée m’a dit qu’il était inscrit chez elle. Elle a ajouté : « Je suis contente que vous m’appeliez, parce que le père m’a dit que vous ne vouliez pas en entendre parler. »

Voilà. Ils ont également déménagé plusieurs fois pour éviter la confrontation avec les services sociaux qui soupçonnaient un problème. Ils déménageaient parce que, quand on change de région, le dossier ne suit pas.

Ils se sont enfin installés dans le Gard, près de Nîmes, où les services sociaux sont d’une complaisance coupable. Trois mois après leur installation, le père génétique et légal de mon fils est mort d’un cancer fulgurant. Juridiquement, je me suis retrouvée seule détentrice des droits parentaux pour récupérer sa garde.

Il était malade depuis un an, mais cela m’avait été caché, évidemment, pour que je ne puisse pas commencer à anticiper mon retour dans la vie de l’enfant, alors qu’eux s’étaient préparés, bien sûr, à m’attaquer en justice pour éviter que je récupère l’enfant. J’étais ravie à l’idée de récupérer mon enfant et j’ai immédiatement proposé à l’époux du défunt et donc le beau-père de mon fils, d’élever l’enfant ensemble, de faire une coparentalité, une garde partagée, etc.

Je ne comptais pas le rayer de la vie de mon fils, même si j’étais la seule autorisée à l’élever. Par naïveté, donc. Il m’a répondu : « Oui, bien sûr, je vais revenir en région parisienne, je ne peux plus payer le loyer, je vais revenir, on va élever l’enfant ensemble, je cherche un logement près de chez toi, etc. »

J’ai toutes les preuves par SMS qu’il m’a menée en bateau pendant un mois. Pendant ce temps, il a mis en place des démarches juridiques pour obtenir le placement provisoire de l’enfant à son domicile, avec le statut de tiers de confiance, un placement longue durée, un transfert exclusif et total des droits parentaux, la garde exclusive et une pension alimentaire. Autant que la mère porteuse gratuite paie aussi pour que les commanditaires élèvent l’enfant à sa place. Les juges ont accédé à toutes ces demandes.

J’ai donc perdu tout ce que j’avais. J’ai perdu tous mes droits parentaux, la garde, beaucoup d’argent et mon fils. Je considère que mon fils m’a été volé à ce moment-là.

D’ailleurs, pendant les trois semaines où il n’y avait pas encore de protection juridique, il a même retiré l’enfant de l’école, de façon à ce que, si je me présentais à son domicile, il ne soit pas là. En effet, en me présentant à son domicile, je pouvais légalement récupérer mon fils. Il s’est donc arrangé pour disparaître totalement de la circulation à ce moment-là.

Moi, j’ai été prise par surprise. Comme les autres femmes qui ont parlé avant moi, je n’avais jamais eu affaire à la justice, jamais mis les pieds dans un tribunal, jamais engagé d’avocat. D’ailleurs, je n’ai jamais reçu les convocations au tribunal.C’est l’avocat adverse qui me les a envoyées dix jours avant l’audience.

Le beau père a même refusé de me restituer le livret de famille. Il a déclaré à la police que ce livret de famille ne me concernait pas, alors que lui-même n’y figure pas et que, le père étant mort, ce livret me revient de droit, en tant que mère. La procureure de Nîmes m’a qualifiée de simple génitrice. Or, en droit français, cette notion n’existe pas, il n’y a que des mères, celles qui accouchent.

Les services sociaux se sont montrés plus que complaisants pendant les deux premières années qui ont suivi la mort du père de mon fils. Ils ont refusé de me traiter comme un parent, m’expliquant qu’ils étaient là pour accompagner « monsieur », c’est-à-dire le deuxième commanditaire, et l’accompagner dans sa parentalité. L’ASE (Aide sociale à l’enfance) est même allée jusqu’à demander au juge des enfants de me supprimer mon droit de visite et d’hébergement, alors qu’il m’avait été accordé une fois par période de vacances scolaires.

J’étais don censée le voir. Finalement, je ne l’ai pas vu pendant 10 mois. Une enquête a été ouverte sur mon compte pour vérifier « mes compétences parentales », m’a-t-on dit. Évidemment, à chaque fois que cet homme a pu empêcher une rencontre, un appel vidéo ou un appel téléphonique entre mon fils et moi, il y est parvenu, et les services sociaux l’ont couvert. Ça s’est encore produit à Noël 2024.

Tous les acteurs de la vie de mon fils, que ce soit l’école, les professionnels de santé, le notaire ou les assurances, m’ont tourné le dos et ont cessé de me considérer comme une mère, alors que je suis pourtant la mère figurant sur l’acte de naissance de mon fils. Ils prétendaient que je n’étais qu’une mère porteuse. On voit donc bien que la GPA et les mères porteuses existent en France. C’est validé par tous les acteurs.

Et alors même que l’enfant et la mère porteuse sont victimes des commanditaires, ce sont ces derniers qui sont validés et autorisés par toutes ces instances. Reconnaître un enfant à l’état civil n’a donc aucune valeur. C’était une illusion que j’avais en reconnaissant l’enfant et en refusant l’adoption.

Je me disais que, puisque je suis sa mère, je serai protégée juridiquement. En fait, non, ce n’est pas pertinent. Je ne suis qu’une simple génitrice.

Ainsi, bien que le juge m’ait accordé un droit de visite, je n’ai pas pu voir l’enfant du 31 juillet 2023 au 11 mai 2024. Soit près de dix mois. Ensuite, j’ai pu le voir, comme certaines autres mères porteuses, dans les locaux des services sociaux. Soit une demi-heure par mois pendant six mois. Puis, deux fois une demi-heure par mois pendant trois mois. Puis, 7 heures par mois sur une journée. Toujours sous la surveillance des services sociaux, avec des rapports qui vérifient mes compétences parentales.

Sur le plan pénal, une plainte pour provocation à l’abandon d’enfant a été classée sans suite. Dans la justification du classement sans suite, la procureure reconnaît l’existence d’une gestation pour autrui, mais affirme que nous étions tous consentants au moment de la procédure. Autrement dit, le magistrat reconnaît l’existence de l’infraction tout en refusant de la poursuivre, ce qui constitue une aberration judiciaire. Nous avons fait appel auprès du procureur général, mais cela a également été classé sans suite. Pourtant, tous les acteurs reconnaissent l’existence d’une GPA.

Le commanditaire, le beau-père de mon fils, reconnaît la GPA, car il a compris que c’est grâce à cela qu’il obtient la garde de mon fils et une légitimité comme père. Les services sociaux l’appellent d’ailleurs le père et disent que c’est son fils. Grâce à cela, il obtient les droits parentaux, la garde de l’enfant, etc., en revendiquant un acte illégal. Les services sociaux le reconnaissent, moi, la mère porteuse, je le reconnais.

Tout le monde est donc d’accord. Et même quand on leur apporte un cas flagrant d’infraction à la filiation de l’enfant, la justice refuse de poursuivre. Cela fait donc deux ans que je me bats pour obtenir un statut de mère et un semblant de dignité, tant auprès des services sociaux qu’auprès des juges. Nous repasserons en audience jeudi prochain, le 9 octobre, devant le juge des enfants.

Je me bats pour être reconnue en tant que mère, pour retrouver ma place dans la vie de mon fils et pour qu’il m’appelle maman plutôt que par mon prénom. Évidemment, personne ne lui a jamais parlé de moi en ces termes à son domicile, seulement en m’appelant par mon prénom. Cet été, au mois d’août, mon fils, qui a donc 5 ans, m’a dit : « Papa m’a dit que tu avais un bébé dans le ventre et que tu l’avais donné. Ce bébé, c’était moi. »

J’ai fondu en larmes et je lui ai expliqué. J’étais très en colère contre ce type. Je lui ai répondu : « Si je t’avais donné, est-ce que tu serais là aujourd’hui ? » Est-ce que je me battrais pour que tu aies le droit de venir ici, pour que tu aies le droit de me connaître, de connaître ton petit frère ? » Voilà, c’est ce qu’il racontait à mon fils. Aujourd’hui, je me bats pour récupérer un droit de visite et d’hébergement très fragile, puisque le commanditaire a fait appel de cette décision et tente à chaque fois d’empêcher les appels en visio, et demande à chaque fois la suppression du droit de visite médiatisé ou d’hébergement. Je peux donc voir mon fils un jour et demi par mois, sans surveillance des services sociaux, et la moitié des vacances scolaires.

Mais peut-être que jeudi prochain, je vais perdre ce droit, je ne sais pas, puisque nous repassons devant le juge. Je n’ai pas récupéré mes droits parentaux et je n’ai aucune perspective de récupérer un jour la garde de mon fils. Début septembre, les services sociaux m’ont affirmé qu’ils avaient pour mission de s’assurer que l’enfant ait ce monsieur comme père. Je ne vous donnerai pas son prénom, mais ils sont là pour conforter son rôle de père, comme si c’était lui dont mon enfant était privé, alors que c’est de sa mère et de sa famille maternelle qu’il a été privé. Mon fils habite à 750 km de chez moi, donc à chaque fois, je fais 1 500 km aller-retour. C’est un engagement total pour moi : de mon temps, de mon énergie, de ma personne, mais aussi de mon argent.

Aujourd’hui, je milite contre la gestation pour autrui. Comme vous le voyez, cette histoire était censée être une histoire d’amitié, d’amour, de solidarité et de justice, et elle s’est transformée en drame, en erreur et en honte de ma vie. Je pense que l’État m’a volé mon enfant, ma dignité de femme et de mère.

Je milite pour que mon fils fasse vraiment partie de sa famille maternelle. Je me bats pour qu’il puisse un jour me pardonner, et peut-être même m’aimer. J’espère que la GPA sera un jour abolie dans le monde, qu’aucune femme ne sera plus utilisée comme je l’ai été, et qu’aucun enfant ne sera plus arraché à sa mère et à sa famille maternelle.

(*) les prénoms ont été modifiés

 

________________________________________________

 

Organisé par la CIAMS le 4 octobre 2025(Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution), le CNFF (Conseil National des Femmes Françaises) et Stop Surrogacy Now UK, avec le soutien de Laurence Rossignol, sénatrice du Val-de-Marne, et Hélène Bidard, adjointe à la Ville de Paris, cet événement offre une plateforme unique pour écouter ces femmes ainsi que certains de leurs avocats et comprendre la vérité de la GPA.

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.