L’origine de la GPA au Royaume-Uni : un encadrement précoce
C’est en 1984 que la britannique Kim Cotton se propose d’être mère porteuse pour un couple d’étrangers, faisant d’elle le premier cas d’une GPA commerciale au Royaume-Uni. En échange de sa maternité et de l’enfant elle accepte un paiement de £6.500. En termes de représentativité, le pouvoir d’achat de £6 500 en 1985 équivaut à £20 058,31 en mai 2024 sur indexation de l’inflation. Elle justifie sa GPA en évoquant une nécessité économique :
« L’argent qu’ils proposaient aidait. J’étais mère au foyer à cette époque et nous avions entrepris le gros projet de rénover notre maison, je pensais que ça pourrait aider avec le coût«
Suite à la médiatisation de son cas, le Parlement britannique se charge de se positionner sur le sujet de la GPA et propose la réglementation de GPA « altruistes ». Face à la légalisation de GPA sous une forme « éthique », de nombreuses agences et associations naissent pour encadrer la pratique. Si les GPA ne sont pas rémunérées pour les mères porteuses en dehors des frais médicaux et de vie estimés nécessaires au processus, les GPA rapportent de l’argent à ces tierces structures. Parmi ces structures, l’organisation bénévole à but non lucratif Childlessness Overcome Through Surrogacy (COTS) est fondée en 1988 par Kim Cotton. Si ces structures sont bien enregistrées comme étant à but non lucratif, l’adhésion est payante tout comme les différents services proposés. Ainsi, la seule personne ne gagnant pas d’argent lors d’une GPA est la personne pourtant considérée comme la « productrice » du « bien » acquis. Nous voyons bien à travers le cas britannique comment les GPA éthiques excluent les mères porteuses, principales concernées, d’une boucle de profits qui tend elle-même vers la commercialisation de la pratique.
Législation
Le Royaume-Uni dispose de la loi la plus ancienne réglementant la maternité de substitution. La Surrogacy Arrangements Acts a été approuvée par avis conforme royal le 16 juillet 1985. Parmi les conditions qu’elle fixe, elle exige que les GPA soient donc « éthiques ».
En 1997 le gouvernement travailliste a commissionné le Rapport Brazier qui devait encadrer davantage la pratique de la GPA. Parmi les mesures proposés il devait : durcir les conditions de paiement et placer les agences et organisations à but non lucratif sous l’égide du Ministère de la Santé. Cependant, ces réglementations ne furent jamais mis en place.
La législation fait l’objet d’une consultation nationale lancée en 2019 en vue de sa révision. Les modifications porteraient sur trois points : la suppression du délai de six mois à six semaines après la naissance de l’enfant pendant lequel la mère porteuse et son partenaire peuvent accepter ou refuser de transférer l’enfant aux clients ; une rétribution plus large de la mère porteuse, actuellement limitée à un dédommagement afin, sans doute, de remédier au manque de candidates face à la demande croissante ; et enfin le recours à la publicité, aujourd’hui interdite. Il s’agit clairement de lever toutes les restrictions prévues par la loi et d’ouvrir la voie aux pratiques commerciales[i]. Il en va de même aux Pays-Bas[ii].
Voici une critique formulée par l’organisation STOP SURROGACY NOW UK des modifications proposées par la commission. Briefing from Surrogacy Concern and Stop Surrogacy Now UK (1)
Données statistiques
Le site https://www.mysurrogacyjourney.com/blog/surrogacy-trends-for-uk-nationals-our-exclusive-findings/ a rassemblé les données des jugements de transfert de filiation (« parental order » organisé après la naissance de l’enfant en cas de GPA).
Les jugements recensés sont passées de 117 en 2011 à 444 en 2019 et 413 en 2020. Dans ces deux dernières années un peu plus d’un tiers, respectivement 36 et 34% sont établis en faveur de couples gays et moins de la moitié correspondent à des GPA domestiques et le solde à des GPA transfrontières. Toutefois l’étude mentionnée souligne que tous les cas de GPA transfrontière ne font peut-être pas l’objet de jugement pot natal de transfert de filiation.
Malgré la réglementation, les cas d’abus ne sont pas rares
L’organisation NORDIC MODEL NOW aux Etats-Unis recueille les témoignages sur son site grâce à une page dédiée Share Your Story https://nordicmodelnow.org/share-your-surrogacy-or-eggsploitation-story/
Elle a ainsi répertorié plusieurs témoignages :
Cas N°1 – Marie-Anne Isabelle
« J’écris ceci parce que je ne veux pas que quelqu’un d’autre vive ce que j’ai vécu pour le bénéfice de quelqu’un d’autre.
J’ai été exploitée, on m’a menti, on m’a manipulée et j’ai été exposée à certains des comportements les plus durs et les plus cruels, non seulement de la part des personnes en qui je pensais pouvoir avoir confiance, mais aussi de la part d’institutions dans lesquelles les gens ordinaires devraient avoir confiance « …
.https://nordicmodelnow.org/2023/07/17/my-surrogacy-story-i-was-lied-to-manipulated-and-exposed-to-cruel-behaviours-by-public-institutions-and-people-i-thought-i-could-trust/
Cas N°2 – témoignage d’une sage-femme
Au cours de mes 13 années de carrière en tant que sage-femme, j’ai été témoin de nombreuses conséquences négatives de la maternité de substitution pour les femmes.
Cas N°3 – MRS. A
J’ai été mère porteuse altruiste pour des amis, j’ai porté et donné naissance à des jumeaux. Cette expérience a été incroyablement traumatisante et, par la suite, j’ai dû suivre un traitement contre le syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Je ne parle jamais de mon expérience à qui que ce soit, car je la trouve toujours aussi dévastatrice.
Nous n’entendons jamais parler que des histoires positives dans les médias, poussés par les organisations qui promeuvent la maternité de substitution. Il est important que les gens entendent parler de la façon dont la maternité de substitution peut gravement mal tourner, et des conséquences à long terme pour les femmes qui offrent leur corps pour qu’il soit utilisé par d’autres.
[i] Jen Willows, 10 juin 2019, « Consultation on UK surrogacy law begins », BioNews 1001.
[ii] Brita van Beers & Laura Bosch, « A Revolution by Stealth: A Legal-Ethical Analysis of the Rise of Pre-Conception Authorization of Surrogacy Agreements », published online, 28/10/2020 [https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/20502877.2020.1836464].