La Constitution nigériane ne traite pas explicitement de la maternité de substitution. Si certains États nigérians disposent de lois relatives aux techniques de procréation assistée, il n’existe aucune réglementation spécifique pour les pratiques de grossesse pour autrui.[1]
Un projet de loi de 2024 prévoit de réglementer la maternité de substitution, en interdisant les formes commerciales de cette pratique et en n’autorisant que la maternité de substitution volontaire.[2] Ce projet de loi ne répond toutefois pas à la situation au Nigeria, qui est particulièrement grave : la demande de gestation pour autrui est en constante augmentation[3], et le pays compte un grand nombre d’institutions illégales spécialisées, appelées « usines à bébés », où des filles et des femmes vulnérables sont utilisées pour répondre à cette demande.[4] Les bébés nés dans ces usines sont vendus à la fois dans le pays et à l’étranger.
Classé comme le quatrième pays le plus dangereux au monde pour accoucher, le Nigeria illustre également la nécessité d’abolir la GPA. Le taux de mortalité maternelle y est 100 fois plus élevé qu’au sein de l’Union européenne.[5]
Usines à bébés – l’exploitation absolue des femmes
Le problème alarmant du trafic de bébés et des adoptions illégales au Nigeria, notamment à travers le fonctionnement des « usines à bébés », soulève de graves préoccupations. Ces installations illégales détiennent des femmes enceintes, les forçant à accoucher, puis vendent illégalement les bébés pour adoption, esclavage ou même pour des crimes rituels. La situation est critique, avec des jeunes filles trompées, piégées dans ces maternités clandestines à travers le pays.
Une enquête menée par la Thomson Reuters Foundation révèle une tendance inquiétante où de jeunes femmes enceintes sont trompées ou contraintes à abandonner leurs nouveau-nés, qui sont ensuite vendus. Les raisons derrière ce commerce illicite sont multiples, impliquant des vulnérabilités économiques, des normes culturelles et un manque d’intervention gouvernementale efficace.[6]
Certaines femmes sont poussées à vendre leurs nouveau-nés en raison de difficultés économiques, recevant des sommes ridicules comme 20 000 nairas (65,79 $).[7] L’existence des « usines à bébés » soulève des préoccupations quant à la sécurité et au bien-être de ces femmes enceintes, susceptibles d’être soumises à des abus physiques et émotionnels.
Le rôle des barrières culturelles dans la perpétuation de ce problème est aussi très important. Dans une société où les grossesses adolescentes sont stigmatisées, les jeunes filles peuvent se sentir obligées de renoncer à leurs enfants pour éviter la honte publique. Ce contexte culturel contribue à la prévalence du commerce illégal de bébés, les attentes sociétales entrant en conflit avec la réalité vécue par ces jeunes mères.
L’implication de gangs criminels et le manque d’intervention gouvernementale efficace exacerbent davantage le problème. Malgré le nombre croissant de raids dans les usines à bébés, le commerce illégal persiste, les bébés étant vendus pour des sommes substantielles, parfois jusqu’à 5 000 $ US. Les défis du gouvernement pour aborder ce problème sont attribués à sa priorisation d’autres questions pressantes, laissant la voie ouverte aux réseaux criminels pour exploiter les personnes vulnérables.[8]
La découverte de plusieurs maternités illégales au Nigeria depuis 2011 et les opérations de sauvetage menées par les autorités soulignent l’ampleur du problème. La GPA a créé un marché propice à ce type de trafic, exploitant les vulnérabilités des femmes en situation de pauvreté et de manque d’éducation.[9]
Les trafiquants exploitent des « usines à bébés » – souvent déguisées en orphelinats, en maternités ou en centres religieux – où ils retiennent des femmes contre leur gré, les violent et les forcent à porter et à mettre au monde un enfant.[10]
Sur le marché du trafic de bébés, le prix varie en fonction du sexe de l’enfant. Les garçons coûtent plus chers que les filles, mettant en évidence une discrimination basée sur le sexe qui aggrave encore davantage les implications éthiques de cette situation.[11]
La question du trafic présumé de nouveau-nés au Nigeria soulève des préoccupations éthiques et morales importantes. L’affaire où des couples aisés, incapables de concevoir naturellement, auraient recours à un processus d’achat d’enfants au Nigeria, mettant en lumière des pratiques de simulation d’accouchement.[12]
Dimensions internationales
Ce trafic est devenu international : des couples européens désespérés et sans enfant se rendent au Nigeria où on leur promet et vend ce qu’on leur dit être des enfants non désirés.
En 2012, un juge britannique a tiré la sonnette d’alarme face à l’ augmentation du nombre de couples britanniques qui se faisaient prendre dans l’arnaque de la vente de bébés au Nigeria, les escrocs profitant de leur désespoir d’avoir des enfants.[13]
Un projet de réglementation inquiétant
En octobre 2024, la Chambre des représentants a adopté en deuxième lecture un projet de loi nigérian sur la maternité de substitution. Ce projet de loi propose la création d’une Commission nigériane de réglementation de la maternité de substitution pour superviser et réglementer les accords de maternité de substitution dans le pays. La Commission comprendra des experts issus de domaines tels que la santé, le droit, les droits des femmes et les organisations religieuses. Ses responsabilités comprendront l’enregistrement des accords de maternité de substitution, le contrôle du respect de la loi, la résolution des litiges et la fourniture de conseils à toutes les parties concernées.
En vertu du projet de loi, les agences de maternité de substitution devront être enregistrées et respecter des directives strictes, notamment en ce qui concerne la tenue des dossiers privés des mères porteuses et des clients. La maternité de substitution à des fins commerciales sera strictement interdite et des sanctions seront prévues pour toute personne qui se livrerait à de telles activités. Seuls les couples mariés ou les célibataires médicalement certifiés qui ne peuvent pas concevoir pourront conclure des accords de maternité de substitution. Les mères porteuses doivent être âgées d’au moins 21 ans et tous les accords doivent être volontaires, écrits et comprendre des dispositions claires sur les responsabilités de toutes les parties concernées. Les évaluations médicales et psychologiques sont obligatoires pour toutes les parties.[14]
Conclusion
Le projet de loi nigérian sur la maternité de substitution ne répond pas aux réalités alarmantes du pays. En réglementant uniquement la GPA commerciale tout en légalisant la GPA dite « volontaire », il ne fait qu’entretenir un système qui exploite les femmes les plus vulnérables. Dans un contexte où les « usines à bébés » prospèrent et où le trafic d’enfants est un fléau, toute tentative de réglementation ne peut qu’alimenter une demande croissante et faciliter ces pratiques illégales.
Au lieu de légitimer la GPA sous quelque forme que ce soit, les autorités nigérianes devraient concentrer leurs efforts sur le démantèlement des réseaux criminels, la protection des femmes et des enfants, ainsi que sur des politiques sociales et économiques qui réduisent la précarité et les vulnérabilités qui alimentent ce marché. L’abolition totale de la GPA est une nécessité pour prévenir l’exploitation et garantir les droits fondamentaux des femmes et des enfants.
[1] https://tribuneonlineng.com/surrogacy-law-and-development-in-nigeria/
[2] https://omaplex.com.ng/analysis-of-the-nigeria-surrogacy-regulatory-commission-bill-2024/
[3] Ezenwa, B. N., Ibrahim, U. O., Moronkola, O. A., Fajolu, I. B., Ndukwu, L., Oleolo-Ayodeji, K. O., Ibe, A. A., & Ezeaka, V. C. (2024). The Growing Trend of Surrogacy in Nigeria : Implications for Quality Newborn Care : A Case Report. PubMed, 65(5), 792‑799. https://doi.org/10.60787/nmj-v65i3.515
[4]https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/nigeria/les-usines-a-bebes-du-nigeria-un-drame-humain-en-afrique-de-l-ouest_3065459.html
[5]https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/27/ces-meres-porteuses-que-le-nigeria-ne-veut-pas-voir_5402631_3212.html
[6]https://www.reuters.com/article/us-nigeria-humantrafficking-babies/baby-traffickers-thriving-in-nigeria-asrecession-bites-idUSKCN12C039/
[7] Ibid.
[8] Ibid.
[9]https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/nigeria/les-usines-a-bebes-du-nigeria-un-drame-humain-en-afrique-de-l-ouest_3065459.html
[10] Okoli, A. C., & Eze, C. (2021). ‘Baby factories’ versus the objectification of surrogacy cum child adoption in Nigeria. Human Affairs, 31(2), 212‑222. https://doi.org/10.1515/humaff-2021-0017
[11]https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/nigeria/les-usines-a-bebes-du-nigeria-un-drame-humain-en-afrique-de-l-ouest_3065459.html
[12]https://www.rfi.fr/fr/mfi/20140711-niger-trafic-presume-bebes-scandale-politique-nigeria-benin-mere-porteuse
[13] https://www.fairplanet.org/story/the-%E2%80%98baby-factories%E2%80%99-of-nigeria/
[14] https://omaplex.com.ng/analysis-of-the-nigeria-surrogacy-regulatory-commission-bill-2024/