Brésil

Élément corollaire de la présentation de la GPA dans le marché mondial, l’offre de la pratique comme une solution médicale ou comme un traitement de l’infertilité, trouve au Brésil, un exemple en plus de cette mauvaise interprétation. En effet, bien que la pratique commerciale ne soit pas autorisée, la référence ultime pour sa réglementation ne provient pas de la sphère politico-législative. Depuis 1992, date de la première Résolution, la maternité de substitution est régie par le Conseil Fédéral de Médecine (CFM).

 

La dernière version de la résolution a été publiée en 2022, actualisant la possibilité de demander une « autorisation exceptionnelle » au Conseil lorsque le lien de parenté, jusqu’alors considéré comme la règle, ne peut être respecté pour quelque raison que ce soit. Malgré le maintien de la condition selon laquelle la GPA « ne peut avoir un caractère lucratif ou commercial », ce que l’on peut observer par rapport aux résolutions précédentes, c’est un net progrès dans la facilitation de l’accès à la procédure, dès l’extension du degre de parente jusqu’ à sa relativisation.

 

Le CFM introduit la Résolution 2.230/22 par une série de considérations, dont « l’infertilité humaine en tant que problème de santé », ainsi que par la mention de la reconnaissance des unions de même sexe.

 

On retiendra dans cet article que la gestation pour autrui est instrumentalement présentée comme une pratique médicale résultant d’une avancée scientifique afin de masquer le fait qu’il s’agit d’une pratique sociale et misogyne, ainsi que d’une distorsion en faveur de la promotion de l’égalité et de la reconnaissance des familles homoafetives, qui, bien qu’étant une cause juste, ne peut utiliser l’exploitation de la capacité des femmes pour y parvenir.

 

Aspects juridiques:

 

En résumé, le Brésil n’a pas de législation spécifique au niveau des états ou au niveau fédéral qui prévoit expressément la maternité de substitution, l’autorisant ou l’interdisant. Toutefois, comme nous le verrons plus loin, par le biais de lacunes et de déductions possibles d’autres textes juridiques, alors que la pratique commerciale de la GPA n’est pas autorisée, la forme dite « altruiste » ou solidaire est réglementée uniquement par l’organisme médical susmentionné.

 

Avant d’analyser la résolution 2.320/2022 du CFM, examinons les dispositions légales qui suggèrent une interdiction de la GPA commerciale au Brésil. Du moins pour la mère porteuse.

 

En général, lorsque l’on recherche une législation sur la GPA au Brésil, on trouve mention à la Loi sur la Transplantation d’Organes. Cette loi stipule que « l’achat ou la vente de tissus, d’organes ou de parties du corps humain est passible d’une peine d’emprisonnement de trois à huit ans et d’une amende de 200 à 360 jours ».

 

Au niveau constitutionnel, l’article 1 de la Constitution Fédérale mentionne la dignité de la personne humaine comme l’un des fondements de la République Fédérative du Brésil. En outre, l’article 199 § 4 de la Constitution Fédérale limite l’initiative privée dans le domaine de la santé, en interdisant expressément toute contrepartie pécuniaire à la commercialisation du corps.

 

Article 199. L’assistance à la santé est libre à l’initiative privée.

 

  • La loi fixe les conditions et les exigences qui facilitent le prélèvement d’organes, de tissus et de substances humaines à des fins de transplantation, de recherche et de traitement, ainsi que la collecte, la transformation et la transfusion du sang et de ses dérivés, toute commercialisation étant interdite. [notre traduction]

 

Toujours en relation avec la Constitution Fédérale, le Code Civile Brésilien, à l’article 104, point II, stipule que pour qu’un accord juridique soit reconnu comme valide, l’objet de la transaction doit être « licite, possible, déterminé ou déterminable ». Parallèlement, la Constitution Fédérale prévoit l’inviolabilité du droit à la vie; en d’autres termes, la vie est considérée comme impossible de figurer comme l’objet d’un accord.

 

Sur la maternité de substitution « solidaire ». Même si aucune rémunération n’est prévue, il est impératif qu’il y ait un contrat entre la femme enceinte et les personnes à qui elle s’engage à remettre l’enfant. Ce contrat est une exigence du Conseil Fédéral de Médecine tant pour la réalisation de l’acte médical que pour l’inscription de l’enfant comme enfant des personnes à qui il a été remis en vertu de ce même contrat, ça veut dire la filiation. 

 

Bien que ces contrats dissimulent la grossesse comme son l’objet, la grossesse en elle-même ne les réalise pas. L’objectif des commanditaires de la procédure est de produire et de mettre au monde un enfant. Même si la grossesse est mise en avant, l’objet du contrat est l’enfant et donc un être humain.

 

L’imposition de gratuité par le service à la mère porteuse est l’élément utilisé pour qualifier la maternité de substitution au Brésil d’altruiste/solidaire ou d’éthiquement acceptable, mais ce même service gratuit n’est pas imposé aux médecins, aux cliniques, aux avocats, aux notaires, aux psychologues et aux hôpitaux. En d’autres termes, la maternité de substitution non commerciale n’existe pas. Ce qui existe, c’est l’imposition de la gratuité aux mères porteuses comme subterfuge pour présenter comme éthique, une pratique qui transforme le corps des femmes en marchandise et les enfants en objets pour satisfaire les désirs et les intérêts de tierces parties.

 

Conditions pour la réalisation de la GPA non commerciale au Brésil

 

Analyse de la Résolution nº 2.230/2022 du Conseil Fédéral de Médecine (CMF): 

 

Il est important de rappeler que les règles du CFM, comme on le retrouve dans le titre de la dernière Résolution sur la GPA, ne sont que des règles éthiques – ou supposées telles. Ces règles n’ont pas force de loi pour la société en général, mais s’appliquent uniquement aux professionnels du secteur. Elles visent à protéger les médecins et les cliniques d’une éventuelle pénalisation en raison de leur contribution à la pratique de la gestation pour autrui.

 

Le fait de confier la responsabilité de la réglementation de la GPA à une organisation médicale (qui le fait depuis 13 ans) révèle la façon dont cette pratique est perçue au Brésil: comme une pratique médicale, une solution à l’infertilité ou à l’incapacité des couples ou des personnes seules à générer une vie par leurs propres moyens.

 

Cette approche est adoptée par le CFM  lui-même dans le texte de la Résolution sur la GPA lorsqu’il traite les personnes cherchant à obtenir un enfant comme des « patients ». Le paragraphe suivant est tiré de l’article 3, qui énumère les documents exigés pour la réalisation de la procédure: 

 

  1. a) une déclaration de consentement libre et éclairé signé par les patientes et la cédante temporaire de l’utérus, couvrant les aspects biopsychosociaux et les risques liés au cycle grossesse-puerpéralité, ainsi que les aspects juridiques de la parentalité ;

 

L’utilisation du terme  » cédente temporaire de l’uterus » est le reflet de tout un vocabulaire utilisé par le marché de la GPA, qui cherche à tout prix à éclipser l’existence de la femme qui subit la procédure et à éradiquer toute possibilité de la reconnaître comme la mère de l’enfant qu’elle a conçu et mis au monde.

 

En ce qui concerne les « patients », la question qui se pose est la suivante : à quel moment un traitement est-il effectué sur le corps de personnes qui sont effectivement stériles ou incapables de porter un enfant? La réponse est: jamais. En effet, la maternité de substitution est une pratique sociale (inacceptable à tous égards) qui fait appel à des techniques médicales. Elle ne traite pas l’infertilité des couples, elle recrute une femme pour qu‘ELLE offre son corps afin de réaliser le projet parental des tiers. 

 

En termes de traitement, cette femme passe par une sélection préalable (le CFM exige qu’elle soit déjà mère d’un enfant vivant) et subit des tests pour certifier sa capacité de gestation. Pour que son utérus soit prêt à accueillir un embryon, de fortes doses d’hormones sont manipulées. Ensuite, la décision est prise d’insérer un ou plusieurs embryons pour augmenter les chances de réussite de la procédure (les taux de réussite sont généralement faibles) ; avant l’implantation de l’embryon, des antibiotiques peuvent être prescrits. Lorsque plusieurs embryons se développent, il est décidé combien d’entre eux seront conservés et, pour ceux qui sont rejetés, de l’eau salée est injectée dans leur cœur à l’aide d’un cathéter, laissant le corps de l’embryon dans l’utérus de la mère pendant des mois jusqu’à ce qu’il soit expulsé lors de l’accouchement. Au cours de ce processus, la mère porteuse est souvent soumise à des examens médicaux inutiles afin d’informer les futurs parents de l’état de sa grossesse.

 

Selon la résolution 2.230/2022, la mère porteuse, appelée par le Conseil « cédante temporaire de l’utérus », doit:

 

  1. a) avoir au moins un enfant vivant; b) appartenir à la famille de l’un des partenaires par le sang jusqu’au quatrième degré (premier degré: parents et enfants; deuxième degré: grands-parents et frères et sœurs; troisième degré: oncles et neveux; quatrième degré: cousins; OU c) si le point b) ne peut être rempli, une autorisation doit être demandée au Conseil Médical Régional (CRM).

 

La condition de parenté combinée à la gratuité unilatérale de la mère porteuse est souvent utilisée pour aseptiser la nature dégradante de la GPA. Elle simule l’annulation de la commercialisation et valorise l’idée d’altruisme. De plus, cette structure est radicalement patriarcale, puisqu’elle reproduit l’idée que les femmes doivent être au service de leur famille/lignée. Bien que de l’idée patriarcale de perpétuation de la lignée.

 

La résolution 2.230/2022 énumère également les documents qui doivent être inclus dans le « fiche médicale » de la « patiente » (dossier de la candidate sans aucune condition a être traiter). Parmi ces documents, on peut citer les suivants: 

 

  1. a) une déclaration de consentement libre et éclairé signé par la/les patient(s) et la cédante temporaire de l’’utérus, couvrant les aspects biopsychosociaux et les risques liés au cycle grossesse-puerpéralité, ainsi que les aspects juridiques de la parentalité; 
  2. c) un engagement entre le(s) patient(s) et la cédante temporaire de l’utérus  qui accueillera l’embryon dans son utérus, établissant clairement la question de la filiation de l’enfant ; 
  3. e) l’engagement de la (des) patiente(s) de faire enregistrer l’enfant en tant qu’enfant, cette documentation devant être fournie pendant la grossesse;

 

Ces dispositions sont la conséquence de l’omission de législation brésilienne en matière de GPA, dans la mesure où un organisme médical est le médiateur habilité à permettre expressément la filiation en faveur des commanditaires de la grossesse. En outre, comme pour la modalité commerciale reconnue, l’accent mis sur le « libre consentement » de la future mère porteuse afin de la responsabiliser au maximum pour  des éventuels problèmes et des atteintes à sa santé ou le regret de devoir donner l’enfant.

 

  1. f) l’accord écrit du conjoint ou du partenaire, si la personne qui transfère temporairement l’utérus est mariée ou vit dans une union stable.

 

Il faut être attentif à cette disposition pour ne pas réduire notre analyse à la grossièreté de son existence et de son maintien délibéré par le CFM en 2022. Outre la misogynie qui la caractérise, il ne s’agit pas de savoir si le conjoint consent ou non à cette pratique qui lui donne des pouvoirs de proxénétisme sur sa compagne. La seule solution pour empêcher l’exploitation des femmes dans le cadre de la GPA est d’interdire cette pratique sous toutes ses formes.

 

  1. b) un rapport médical attestant de l’adéquation de l’état de santé physique et psychique de toutes les personnes concernées ;
  2. d) l’engagement du ou des patient(s) contractant(s) des services de procréation assistée, publics ou privés, à un traitement et à un suivi médical, y compris par des équipes pluridisciplinaires, si nécessaire, de la femme qui cède temporairement son utérus, jusqu’à la puerpéralité ;

 

Les deux dispositions soulignent la présence de divers agents dans le processus de maternité de substitution, ainsi que le rôle prépondérant – non reconnu – des femmes dans ce processus. L’existence de tant d’agents nous permet de réaliser à quel point la maternité de substitution est, en réalité, une pratique sociale.

 

Sur la délégation de la dégradation aux femmes étrangères

 

La promotion de la maternité de substitution « altruiste » sur le territoire national n’empêche pas les nationaux de financer l’exploitation et la dégradation d’autres femmes dans les territoires étrangers qui autorisent la pratique commerciale (États-Unis, Colombie, Ukraine). 

 

Comme on l’a observé au Portugal et en Grèce, l’interdiction (même tacite) de la maternité de substitution à des fins commerciales a conduit les ressortissants à rechercher des femmes étrangères pour effectuer les procédures.

 

De même, le Brésil ne cherche pas à empêcher les brésiliens d’utiliser la légalité des pays où la GPA commerciale est autorisée et de revenir au Brésil avec des bébés et la reconnaissance de leur appartenance, la filiation.

 

CONCLUSION

 

L’exemple du Brésil montre clairement jusqu’où peut aller l’absence de réglementation par des lois spécifiques. Il s’agit de tout une décennie d’omission de la part des pouvoirs juridique et législatif, qui ont délégué la pratique aux mains de la plus haute instance médicale du pays. 

Bien que la pratique ne soit pas extrêmement populaire ou répandue (certainement en raison des coûts, ce qui témoigne également de la fausseté de l’idée de non-commercialisation), il y a un manque de politisation et de débat public pour comprendre la maternité de substitution en tant que pratique sociale. Il y a une acceptation généralisée et non critique, due à l’absence de contrôle et de protection de la part des sphères compétentes et de la société civile. Cette situation est conforme à celle qui prévaut dans plusieurs autres pays du monde.

La gestation pour autrui est une pratique sociale fondée sur la violence aux femmes. Même si la violence n’est pas l’objectif de la pratique, elle est connue et reconnue lorsque, dans les contrats ou les « termes du libre consentement » eux-mêmes, la femme prend responsabilité de ce qui lui arrive. Ça veut dire, des changements psychologiques, l’inconfort, la douleur, la souffrance émotionnelle, les risques inhérents à la grossesse, etc. 

En tant que pratique sociale, la maternité de substitution repose sur des inégalités entre riches et pauvres, entre femmes et hommes, entre pays riches et pays pauvres. Cela fait de cette pratique un reproductrice de ces inégalités et constitue la vente d’enfants et surtout la traite des femmes et des enfants.

L’interprétation de la question comme étant médicale ou progressiste en faveur des couples homosexuels est trompeuse et révélée lorsqu’elle est interrogée à travers un prisme féministe et en défense des droits humains des femmes et des enfants. 

 

Le seul courage politique consiste aujourd’hui à abolir le recours à la GPA (grossesse pour autrui)

 

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.