Retour sur le rassemblement contre le salon DÉSIR D’ENFANT (4 septembre 2021 – Paris)
Les 4 et 5 Septembre 2021, à Paris s’est tenu le salon DESIR D’ENFANT : La CIAMS, appuyée par ses associations membres, était là pour montrer son opposition à cette pratique sur le thème de la dystopie imaginée par Margaret Atwood en 1984 : la servante écarlate. Elle a pu constater sur les stand set dans les ateliers proposés au public que, derrière l’image glamour de la GPA, se cachent les intérêts du marché pour qui tout s’achète et tout se vend.
Ce rassemblement organisé par la CIAMS, appuyée par Osez le Féministes, Libres Mariannes, la Maisons des Femmes de Paris, le Forum Femmes Méditerranée, CQFD Lesbiennes féministes, le CoRP et les Amazones, a été marqué par une évocation poignante de toutes les mères porteuses mortes en GPA, invisibilisées et ignorées. On y a aussi réaffirmé que la parentalité est un choix et n’est pas un droit et que rien ni personne ne peut s’arroger le droit de disposer d’un enfant, que le négoce de la capacité reproductive des femmes n’est pas digne de sociétés progressistes.
Avec la mise en avant des destinations considérées comme avantageuses parce que la rémunération des mères porteuses y est limitée, avec les offres promotionnelles de GPA à partir d’embryons surnuméraires et les garanties de remboursement en cas d’échec, ce salon, prouve une fois de plus que la GPA enfreint les principes de base sur lesquelles reposent l’équilibre et la viabilité de nos sociétés :
- Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, art. 2a :« On entend par vente d’enfants tout acte ou toute transaction en vertu desquels un enfant est remis par toute personne ou tout groupe de personnes à une autre personne ou un autre groupe contre rémunération ou tout autre avantage (…) »
- L’avis du Comité consultatif national d’éthique, Avis no. 126 (2017) :« L’analyse des relations entre les intervenants à une GPA a montré un nombre important de risques et de violences, médicales, psychiques, économiques. Celles-ci sont observables dans toutes les GPA […]. Le CCNE a été particulièrement frappé par l’acceptation du risque, faible mais non nul, de mort ou d’atteinte grave à la santé de la gestatrice. Celui-ci semble ne pas être pris en compte, ni par les parents d’intention, ni par les promoteurs de la GPA ».
La CIAMS est une organisation internationale qui milite pour l’abolition de la maternité de substitution dans le monde entier. Elle regroupe quarante organisations de treize pays et 3 continents, qui luttent pour la défense des droits des femmes et/ou des droits humains. C’est une organisation qui fonde son action sur des valeurs féministes, telles que l’égalité femme/homme, l’autodétermination et l’émancipation des femmes. Dans ses statuts, elle s’exprime clairement pour l’égalité des sexualités homosexuelle et hétérosexuelle.
Contact presse : Marie Josèphe Devillers –
Rassemblement organisé par la CIAMS
Action contre le salon DÉSIR D’ENFANT, inspirée de la Dystopie de Margaret Atwood : La servante écarlate
Le salon “DESIR D’ENFANT ” fait de la publicité en faveur la maternité de substitution, pratique strictement interdite en France.
Relation d’une visite au salon par Carlotta Capelletti
Je rentre dans ce salon, et je suis mal à l’aise. Des stands l’un à côté de l’autre, des espaces très serrés, partout, des photos de familles heureuses et souriantes, de femmes enceintes, de bébés parfaits.
Plusieurs conférences sont à l’ordre du jour. Dans la première, un heureux papa gay décrit son expérience comme “un parcours humainement extraordinaire”. Il nous dit qu’il est le père de deux enfants nés par GPA. La mère porteuse, celle qui a porté ses deux enfants, est à côté de lui (1) . Ils nous décrivent cette aventure comme quelque chose de magique, les deux hommes considèrent depuis le début leur mère porteuse (c’est comme ça qu’il l’appelle), comme “un membre de la famille à part entière”. Bien entendu, pendant son discours, des photos de famille défilent sur un écran. “Si je devais tout refaire depuis le début, je referais tout exactement de la même manière”, poursuit-il.
Pour être honnête, il me semble assister à un spectacle théâtral, et les acteurs ne sont même pas bons. Il y a aussi une avocate française qui prend la parole, elle nous rappelle que cette pratique est interdite en France, mais qu’il n’est absolument pas interdit d’y avoir recours à l’étranger. Elle nous rassure, nous, les futurs parents d’intention, comme elle nous appelle.
Ensuite, c’est au tour des spécialistes. La docteure de la clinique San Diego Fertility, avec ses 17 ans d’expérience, nous explique qu’un ou deux embryons peuvent être implantés dans l’utérus de la mère porteuse, mais qu’il est conseillé d’en implanter seulement un, car moins dangereux. Ce qui est intéressant est que, à la question « combien d’embryons peuvent être implantés ? », elle répond « autant que vous voulez ». Surprenant, elle vient juste de nous dire que l’implantation de deux embryons comporte plus risques pour la mère porteuse, mais si on le voulait on pourrait en utiliser trois, quatre, voire plus ? Comme dans toute pratique commerciale, l’essentiel est que le client soit satisfait. Les phrases le plus répétées sont : « nous sommes là pour vous accompagner tout au long du parcours », « nous vous aidons à réaliser votre désir d’enfant ». Les cliniques sont là pour satisfaire à toute requête de la part des parents d’intention, qui sont les réels protagonistes. Ce sont eux qui payent. Jamais on ne parle de la mère porteuse. En fait, c’est comme quand on cherche à acheter un appartement, si le premier nous ne plaît pas, ils vont nous en montrer un deuxième, un troisième, jusqu’à ce que la demande rencontre l’offre.
Je regarde le public autour de moi, aux conférences sur la GPA il y a principalement des couples gay, et des femmes seules. Il n’y pas beaucoup de monde, ça me rassure d’une certaine manière. Je dirais que l’âge moyen est de 35/36 ans. De manière générale, le public a entre 30 et 45 ans. Moi et l’amie, qui m’a accompagnée dans cette aventure, sommes parmi les plus jeunes.
Quand je pose des questions au stand de la clinique, on me dit sans aucun problème que la procédure, en total, coûte 150 000 dollars, et que 45 000 dollars sont pour la mère porteuse, comme pour dire : “elle est bien payée, ne vous inquiétez pas pour elle”. Bizarre, ma réflexion va dans l’autre sens : et les autres 105 000 dollars c’est pour qui ? On ne peut qu’imaginer le profit des cliniques.
“Mais si vous voulez réduire les coûts”, poursuit cette dame française installée aux États-Unis, vous pouvez faire appel à une mère porteuse canadienne. « Vous savez, là-bas elles ne sont pas censées être rémunérées, elles ne perçoivent qu’un “remboursement des frais”, mais en réalité elles sont payées ». Mais moins qu’aux États-Unis, quand même. Pour tous ceux qui continuent à soutenir que la GPA altruiste est envisageable, la réponse vient directement de quelqu’un qui connaît bien ce business.
En ce qui concerne le matériel génétique, qui doit être repéré et préparé, la pandémie n’a pas arrêté le marché, au contraire, elle a permis aux cliniques de trouver une alternative, qui, très probablement, sera utilisée même une fois l’émergence Covid passée.
Il s’agit de la congélation du sperme. Avant le covid, si l’homme du couple, ou l’un des deux dans le cas d’un couple homosexuel, voulait donner son sperme pour la FIV, il était obligé de se déplacer aux États-Unis. Maintenant, grâce à des partenaires européens, le sperme peut être congelé en Europe et envoyé aux États-Unis. Les cliniques le reçoivent directement dans leur locaux et le donneur, n’a pas à se déplacer : un billet d’avion en moins à payer. Quelle praticité !
Ce que je découvre et qui est « intéressant », c’est qu’une femme célibataire, qui n’a pas de donneur de sperme, peut choisir d’utiliser un embryon déjà prêt. On m’explique que quand on procède à une FIV, on crée plusieurs embryons, mais ils ne sont pas tous implantés dans l’utérus de la mère porteuse. Il est donc possible de choisir le destin de ces embryons : soit ils sont détruits, soit ils sont utilisés pour faire de la recherche, soit ils peuvent être conservés et être réutilisés pour une autre FIV.
Le Monsieur m’explique que, en tant que femme célibataire, si je choisis un embryon déjà prêt, le coût est moindre. Si je fais appel à deux donneurs afin des créer des embryons, je dois payer environ 50 000 dollars, mais si je choisis un embryon déjà prêt, ça me coûtera un tiers. Le désavantage, me dit le Monsieur, « c’est que vous avez moins de choix ». Je le regarde perplexe, je ne suis pas sûre de comprendre. Il m’explique que le nombre d’embryons congelés n’est pas très élevé. Mais si je choisis directement les donneurs, mon choix et beaucoup plus vaste. Encore une fois, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il s’agît d’une pratique commerciale, qui me permet de créer un bébé sur mesure. Bien sûr, si je veux être certaine qu’il aura les yeux marrons comme les miens, je dois dépenser un peu plus d’argent, mais si je me contente de cette offre d’embryons congelés, en prenant le risque d’avoir un bébé aux yeux bleus, j’économise un peu d’argent. J’ai l’impression d’être chez Ikea, où les meubles qui sont déjà prêts sont moins chers, mais si j’en veux un sur mesure, et que j’ai envie de le composer comme je veux, je dois payer davantage. La différence étant, qu’ici, au salon « désir d’enfant », on parle d’enfants, d’êtres humains, dont l’intérêt supérieur, n’est certainement pas celui d’être vendus ou achetés.
Pendant que le Monsieur m’explique cette histoire d’embryons, je fais tomber, involontairement, la carte de visite d’une docteure d’une autre clinique. Le Monsieur en question me dit : « ah ! vous êtes allée voir mes concurrents ! ». C’est de cela qu’il s’agit, d’un marché, avec des vendeurs, des clients, réels et potentiels, et de concurrence. On justifie les prix sur la base de la qualité et des « garanties ». Comment peut-on parler de libre choix ? comment peut-on se refuser d’admettre qu’il s’agit d’une pure et simple exploitation du corps des femmes et de leurs capacités reproductives ?
A la question : « est-ce que la mère porteuse peut changer d’avis et décider de garder l’enfant ? », on me répond : « cela n’arrive jamais, ne vous inquiétez pas, c’est plutôt l’inverse, ce sont les parents d’intention qui parfois changent d’avis et ne viennent pas récupérer leur bébé ». Je n’arrive pas à le croire, encore une fois, c’est comme s’il s’agissait d’un bien de consommation quelconque qui peut être remis sur le marché si l’acheteur décide qu’il ne le veut plus. Et alors cet enfant, que devient-il ? Ce bébé, qui n’a rien demandé, se retrouve alors abandonné, sans parents, sans famille.
Je considère la France complice de l’exploitation des femmes et de la vente d’enfants, car elle permet à ce genre de marché de se développer sur son sol. Pourquoi la GPA est-elle interdite en France ? Parce qu’elle est attentatoire à la dignité humaine. Très bien. Je suis d’accord. Mais alors pourquoi nos gouvernants permettent-ils à des couples français de faire appel à cette pratique à l’étranger ? Et pourquoi autorisent-ils la tenue d’un salon qui promeut la GPA ?
Après tout, cette expérience me laisse avec une question et une certitude. La question est la suivante : l’humanité réussira-t-elle à se poser des limites ou continuera-t-elle à les outrepasser jusqu’à ce que la science et la technologie le permettent ?
La certitude est celle de savoir que ce n’est pas parce que l’on peut faire quelque chose, que l’on doit le faire. « The fact that you can, it doesn’t mean that you should.” Il y a des droits, dans ce cas ceux des femmes et des enfants, qui ne peuvent pas être sacrifiés au nom d’un désir. Parce qu’un désir, même si légitime, ce n’est toujours pas un droit.
(1) Cette femme se nomme Crystal Rosburg, elle a été mère porteuse pour un couple d’hommes français qui ont déjà témoigné dans un documentaire : « Ghosts of the République » http://www.facebook.com/