Par Nora Tenenbaum, coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (Cadac), Jocelyne Fildard, coordination lesbienne en France (CLF), et Ana-Luana Stoicea-Deram, collectif pour le respect de la personne (Corp).
Trois fois en 2016, un rapport favorable à la gestation pour autrui (GPA) a été examiné au Conseil de l’Europe, visant à faire adopter des recommandations pour la promouvoir. En France, la GPA est interdite. Elle est autorisée en Belgique, en Grande-Bretagne, en Grèce et dans d’autres pays. Avec la GPA, un couple ou une personne ont recours à une « mère porteuse », laquelle est rémunérée (ou défrayée) pour mettre au monde après neuf mois un enfant conçu en laboratoire avec des gamètes le plus souvent différents des siens. Que fait-on subir à cette femme ? Des traitements hormonaux pour implanter les embryons (et combien de tentatives d’implantation ?), une grossesse souvent gémellaire, un traitement douloureux pour la consolider, un accouchement et des risques de complications inhérents aux grossesses issues de dons, voire une réduction embryonnaire. À cela s’ajoutent les contraintes imposées à la femme dans sa vie courante, pendant plus de neuf mois, et les conséquences pour ses propres enfants. En cas de complications, quelles seront les répercussions sur la santé et la vie de cette femme ? Quels seront les effets secondaires sur sa santé ? Si l’enfant est malformé, quel sera son avenir ? Qui s’en préoccupe ? Gestation pour le compte d’autrui : qui est autrui ? Des « parents d’intention », des personnes en désir d’enfant, hommes et/ou femmes, en couple ou pas, qui font valoir leur droit à l’enfant. Y a-t-il un droit à l’enfant ? Face au développement du marché mondialisé de la GPA commerciale, avec des cliniques, des avocats, des intermédiaires et des gros profits, des pays mettent en avant une GPA dite « éthique » où la pratique en serait réglementée et les mères porteuses seulement « dédommagées » au prétexte de leur générosité. Au nom de ce vieux cliché sexiste, les femmes qui avaient pour fonction hier d’être mère, aujourd’hui, deviennent de simples gestatrices. Accepter la GPA « encadrée » cautionne en fait le principe de la GPA, et ouvre la voie à la pratique commerciale. Car rien n’empêche aujourd’hui quiconque d’aller pratiquer une GPA commerciale à l’étranger pour contourner la législation nationale. Reconnaître la GPA « éthique » ne fera que l’encourager (Grande-Bretagne, Grèce). Mais, surtout, nous serions dans une ère nouvelle : la GPA ouvrirait à de « nouvelles parentalités », mère porteuse et parents d’intention formeraient de nouvelles familles ! C’est glamour, mais démagogique. Quelques cas de GPA présentés comme idylliques peuvent-ils masquer la réalité sordide de milliers d’autres ? Demain, nous serons dans le post-humanisme de l’humain « augmenté ». La greffe de gènes permettra de développer de nouveaux potentiels. Aujourd’hui, c’est le corps de l’autre, comme une dissociation, l’utérus mis à disposition, qui permet de nouvelles potentialités. Que ne fait-on pas subir aux femmes au nom de concept type de « nouvelles parentalités », pour satisfaire un « droit à l’enfant », et pour les profits engendrés par leur corps ! Comme pour le clonage humain, il y a des techniques qu’il faut savoir refuser.
En tant que féministes, nous sommes opposées à toute directive européenne favorable au principe de la GPA, fut-elle familiale ou amicale, car désastreuse pour les droits des femmes et les droits humains. Nous demandons aux parlementaires du Conseil de l’Europe de refuser le rapport qui leur sera proposé ce mercredi.
https://immanens.eureka.humanite.fr/la-gpa-au-conseil-de-leurope-616072