Le gouvernement italien, en collaboration avec la Mission permanente d’Italie auprès des États-Unis et la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence à l’égard des femmes et des filles, a organisé un événement parallèle de haut niveau en marge de la 80^e session de l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU 80) sur le thème « La maternité de substitution comme forme de violence à l’égard des femmes et des filles : la nécessité d’une action mondiale ».
La représentante de la Coalition internationale pour l’abolition de la maternité de substitution (CIAMS) a été invitée à s’y exprimer.
https://webtv.un.org/en/asset/k11/k11e6p5hdz
Remarques de Taina Bien-Aimé, au nom de la Coalition internationale pour l’abolition de la maternité de substitution (CIAMS).
Excellences, chers invités et collègues, bonjour. Nous remercions le gouvernement italien d’avoir organisé cet événement important. Nous tenons également à exprimer notre profonde gratitude à Mme Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence à l’égard des femmes, pour son rapport novateur qui caractérise la maternité de substitution comme une forme de violence et de discrimination à l’égard des femmes, avec une clarté méticuleuse et en s’appuyant sur les instruments internationaux relatifs aux droits humains.
Je m’appelle Taina Bien-Aimé. Bien que je sois directrice exécutive de la Coalition contre la traite des femmes, je suis ici aujourd’hui en tant que membre de la Coalition internationale pour l’abolition de la maternité de substitution (ICASM), un réseau féministe regroupant plus de 50 organisations à travers le monde. C’est un honneur pour moi de me joindre à vous et de représenter la CIAMS
Comme nous l’avons entendu, la maternité de substitution à des fins reproductives constitue une grave violation des droits humains perpétrée à l’encontre des femmes et des enfants. Cette pratique est en passe de devenir une norme culturelle néfaste, voire célébrée, dans de nombreux pays et dans la société.
De nombreux pays dans le monde ont interdit la maternité de substitution, car elle porte atteinte à la dignité des femmes et des enfants, contribue à la mortalité maternelle, favorise la traite et l’exploitation, nie le principe de consentement et entrave les efforts visant à atteindre l’égalité pour les femmes. Certaines lois nationales interdisant la maternité de substitution dépassent leurs frontières et permettent de poursuivre les personnes ayant recours à la maternité de substitution transnationale, comme c’est le cas en Australie et en Espagne, même si l’application de ces lois reste rare.
Cependant, sous la pression de l’industrie mondiale des technologies de reproduction, qui pèse plusieurs milliards de dollars, de nombreux gouvernements sont sous pression pour normaliser, réglementer et légaliser la maternité de substitution, notamment dans des pays européens comme le Portugal et l’Irlande, ainsi que dans de nombreux États américains. Il ne suffit donc plus de lutter contre ce fléau au niveau national, car la maternité de substitution transfrontalière peut contourner la législation en vigueur.
Les défis qui nous attendent sont immenses, non seulement en raison de l’industrie lucrative de la maternité de substitution, mais aussi en raison des institutions chargées d’élaborer les politiques. Par exemple, depuis plus de dix ans, la Conférence de La Haye sur le droit international privé travaille à l’élaboration d’une convention visant à promouvoir un système supranational de reconnaissance parentale dans le contexte de la maternité de substitution.
Ce faisant, elle élude les conséquences néfastes de ce marché mondialisé et contribue à rendre cette pratique socialement et culturellement acceptable. Ses efforts et ses analyses se concentrent uniquement sur les acteurs commerciaux et les profiteurs, jamais sur les femmes dont la vie est mise en danger par cette industrie. Ironie du sort, la Conférence de La Haye, dont le mandat inclut la gouvernance de l’adoption internationale, définit la vente d’enfants comme tout cas dans lequel un enfant est attribué à un tiers avant sa naissance. C’est précisément la définition même de la maternité de substitution.
Nous tirons également la sonnette d’alarme concernant les agences des Nations unies, telles que le FNUAP, l’OMS et le HCDH, qui soutiennent la réglementation ou la légalisation de la maternité de substitution, ce qui constitue une violation des pactes internationaux que les États membres leur ont chargé de faire respecter.
L’évolution des modèles familiaux à l’époque moderne et les progrès de la science médicale ne doivent pas servir de prétexte aux gouvernements pour violer les droits fondamentaux des femmes et des enfants. La maternité de substitution, qui contrevient au droit international, notamment à la Convention relative aux droits de l’enfant et, en particulier, aux articles 1, 5 et 6 de la CEDAW, obligeant les États membres à interdire la discrimination fondée sur le sexe, à lutter contre les stéréotypes sexistes dégradant les femmes et à lutter contre la traite des femmes et des filles, doit être abolie et non encouragée.
Comme dans de nombreux cas de violations des droits humains, il est difficile d’identifier et de collecter des données sur les mères porteuses. Les clauses de confidentialité des contrats et les accords de non-divulgation les réduisent au silence. Dans de nombreuses juridictions, les lois sur la maternité de substitution définissent les femmes comme des « porteuses gestationnelles » ou des « vaisseaux reproductifs », et non comme des êtres humains à part entière méritant d’être étudiés, soignés ou traités avec compassion.
Aux États-Unis, par exemple, les seuls cas de décès d’une mère porteuse des suites d’une septicémie ou d’une éclampsie lors de l’accouchement d’un bébé contractuel dont nous avons eu connaissance sont ceux où son mari a organisé une collecte de fonds en ligne pour financer ses frais d’enterrement. Dans les cas où le transfert des droits parentaux est refusé, les juges de tous les pays estiment que l’enfant doit être placé dans la famille la plus stable sur les plans social et financier. L’asymétrie sociale et économique aiguë entre les parents commanditaires et les mères porteuses disqualifie systématiquement ces dernières si elles souhaitent continuer à faire partie de la vie de leurs enfants.
L’invisibilité des mères porteuses dans la loi, dans la recherche, dans la vie des enfants qu’elles portent et dans leur souffrance définit la déshumanisation.Aucun mouvement digne de sa mission de promotion et de protection des droits fondamentaux des femmes et des filles n’a jamais appelé à soumettre des femmes à des grossesses à haut risque, sous contrat, dans le but final d’être séparées de leur nouveau-né à la naissance pour le remettre à des tiers.
Nous soutenons donc pleinement l’appel du Rapporteur spécial en faveur de la création d’un instrument international interdisant la vente du corps et des organes des femmes ainsi que celle des enfants. L’abolition de la maternité de substitution est inscrite dans les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme.