Le contexte:
Depuis 2018, nous nous efforçons d’alerter les États sur les graves conséquences du projet de convention initié par la Conférence de La Haye de Droit International Privé (HCCH) sur « la filiation dans le contexte de la gestation pour autrui « . En vain.
Les travaux de la HCCH vont se poursuivre dans un sens favorable au marché de la maternité de substitution et au mépris des droits des femmes et des enfants. Pire encore, nous avons constaté que malgré la complexité de la question, les gouvernements en général s’impliquent très peu, certains, comme la Suède et l’Espagne, envoyant au groupe de travail des professionnels qui expriment des opinions contraires à celles de leur propre gouvernement sur le sujet. Pourtant, ce groupe de travail a été créé pour exprimer la position des Etats membres.
Cette incohérence peut être due soit à l’indifférence des États à l’égard de la maternité de substitution, soit à un manque de sensibilisation aux implications de ce groupe de travail. Il peut également s’agir d’un choix stratégique de la part des gouvernements, car les États sont réticents à traiter de la maternité de substitution au niveau national en raison des controverses et des difficultés à satisfaire tout le monde. En ce sens, la future convention de la HCCH peut servir d’excuse et d’alibi aux gouvernements pour ne rien entreprendre au niveau national et ne pas prendre position. Ce faisant, ils laissent cette organisation internationale agir à leur place pour ouvrir à la maternité de substitution.
Nous croyons fermement qu’il est nécessaire d’impliquer davantage les États. Nous devons exiger d’eux des réponses claires sur leur position en tant qu’État indépendant au sein de la HCCH et sur le rôle qu’ils estiment jouer dans les travaux préparatoires de cette Convention relative à la maternité de substitution. Il est crucial d’exiger des gouvernements qu’ils prennent conscience des conséquences de la Convention au niveau national et qu’ils en assument la responsabilité en connaissance de cause et en répondent devant leurs citoyens.
Notre action:
Pour agir dans ce sens, nous avons coordoné une action parmi les organisations membres de la CIAMS pour engager une procédure similaire à celle accessible en France et en Suède par exemple: demander au gouvernement de rendre compte des travaux de La Haye et d’exprimer la position qu’il entend défendre devant le parlement. Cela peut généralement se faire par l’envoi d’une demande d’audition par l’intermédiaire d’un membre du parlement. Conformément à la procédure disponible en France, nous avons élaboré un modèle de question pour interroger les États sur leur responsabilité en matière de maternité de substitution, leur position et leurs activités au sein de la HCCH.
Nous avons également envoyé une autre lettre directement à chaque État membre de la HCCH, posant les mêmes questions.
Pour la connaissance d’un plus grand nombre d’organisations et de personnes de la société civile, nous partageons les questions qui ont été posées à chaque État-membre de la HCCH:
Respecté représentant du gouvernement du [nom du pays],
Nous [nom de l’organisation] sommes une organisation qui travaille pour la défense des droits et la protection des femmes [principal domaine d’action de l’organisation]. Conformément à nos valeurs, nous luttons depuis cinq ans contre l’avancée de la maternité de substitution en tant qu’organisation membre de la CIAMS (Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution).
Avec une soixantaine d’autres organisations féministes de défense des droits humains, nous sommes hautement critiques des travaux de la Conférence de La Haye de Droit International Privé (HCCH) visant à élaborer une convention internationale traitant de la filiation dans le cadre de la gestation pour autrui (GPA). Cette convention, qui est déjà à un stade avancé, vise à livrer aux Etats membres l’harmonisation de leurs lois conflictuelles et à garantir les effets de la GPA transfrontalière pour ceux qui ont recours à cette pratique.
Une fois promulguée, la Convention aura pour première conséquence de faciliter l’accès à la maternité de substitution dans le monde entier. Une réglementation de cette ampleur signifiera également la légitimation juridique et sociale de la pratique, et donc la normalisation de l’exploitation des femmes pour leurs capacités reproductives et la vente d’enfants.
Au sein de la HCCH, un groupe de travail a été mis en place le novembre dernier. Ses membres, désignés par les Etats membres pour représenter les positions de leurs gouvernements, doivent poursuivre leurs travaux et finaliser le projet de convention qui sera présenté aux Etats membres en 2024. Sa dernière réunion est prévue du 8 au 12 avril 2024.
Bien que nous ayons averti la Conférence de La Haye des conséquences néfastes de ses travaux, la voix de 300 organisations et de 8000 sympathisant.e.s de 85 pays n’a pas été entendue et elle continue à faire avancer la convention pour satisfaire les intérêts d’un marché (dont l’existence est reconnue par la HCCH elle-même) qui exploite les femmes pour leurs capacités reproductives et réifie les enfants en faisant d’eux des objets à commander, à fabriquer, à acheter et à vendre. A ce stade, seule une volonté politique forte, exprimée par les Etats membres, peut arrêter ce projet qui s’est développé jusqu’à présent dans une apparente indifférence des gouvernements quant aux effets de la convention quand elle sera mise en œuvre comme une solution internationale commune.
Le [nom du pays] est représenté dans ces travaux par [nom des représentants / de quel ministère ou institution]. Nous souhaiterions connaître la façon dont vous entendez traiter cette question et plus précisément quelle position sera exprimée par ces personnes désignées par votre gouvernement au sein du groupe de travail de la HCCH. Quel rôle entendez-vous jouer dans cette question complexe et quelle responsabilité [nom du pays] assumera-t-elle face aux conséquences à prévoir des travaux de la HCCH sur ce sujet ?