La CIAMS souhaite aujourd’hui remercier chaleureusement l’ensemble de ses membres et amies pour leurs contributions précieuses et nécessaires en réponse à l’appel à contributions de Reem Alsalem, Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur les violences faites aux femmes. Tous ces travaux, riches et diversifiés, nous permettent de mettre en lumière de nouveaux arguments et perspectives critiques sur la gestation pour autrui, tout en renforçant notre argumentaire pour son abolition mondiale.
Parmi les contributions reçues, plusieurs thèmes majeurs émergent, soulignant les dimensions systémiques et les violations inhérentes à la pratique de la GPA.
Tout d’abord, les arguments majeurs reviennent. La GPA est dénoncée comme une forme de violence intrinsèque envers les femmes, conformément à la définition des violences faites aux femmes établie par l’ONU en 1993. Les membres de la CIAMS ont insisté sur le fait que cette pratique cause des préjudices physiques, psychologiques et des privations de liberté, ciblant exclusivement les femmes en raison de leur capacité reproductive. Les risques médicaux, la séparation forcée de l’enfant et l’exploitation économique sont autant de violences spécifiques qui ne concernent que les femmes, aucun homme n’étant exposé à de tels dangers.
Les contributions ont également mis en évidence l’exploitation économique et sociale liée à la GPA. Les membres ont souligné comment cette pratique profite des inégalités géopolitiques et de la féminisation de la pauvreté à l’échelle mondiale. Les femmes vulnérables, notamment migrantes ou en situation de précarité, sont particulièrement ciblées par les agences de GPA, qui leur promettent des avantages financiers souvent dérisoires au regard des profits générés par cette industrie. Les témoignages recueillis révèlent des cas de tromperie, de contrats abusifs et de pressions économiques qui annulent toute possibilité de consentement libre et éclairé.
Sur le plan médical, les membres de la CIAMS ont documenté les risques graves pour la santé des femmes engagées dans des grossesses pour autrui. Les procédures invasives, telles que la stimulation ovarienne, les transferts d’embryons multiples et les césariennes forcées, exposent les mères porteuses à des complications potentiellement mortelles. Les traitements hormonaux expérimentaux, comme le Medrol, ont été liés à des cas d’insuffisance cardiaque et d’autres pathologies graves. Les contributions ont également souligné la priorité donnée au « succès de l’embryon » au détriment de la santé des mères, une approche qui bafoue les principes éthiques médicaux.
Les violences psychologiques subies par les mères porteuses ont été un autre point central des contributions. Les membres de la CIAMS ont décrit les traumatismes liés au détachement forcé de l’enfant, une pratique souvent encouragée par les contrats et les agences. Les mères porteuses sont incitées à ne pas s’attacher à l’enfant, ce qui conduit à des mécanismes de dissociation traumatique comparables à ceux observés chez les victimes de prostitution. Les témoignages recueillis illustrent des cas de dépression post-partum, de deuil non reconnu et de souffrances psychologiques durables.
Les droits des enfants nés de GPA ont également été au cœur des préoccupations. Les membres de la CIAMS ont rappelé que ces enfants sont privés de leur droit fondamental de connaître leurs origines, en violation de l’Article 7 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Les cas d’abandon d’enfants handicapés ou de « mauvais sexe », comme celui du bébé Gammy, ont été cités comme des exemples flagrants de violations. De plus, l’effacement légal de la mère biologique sur les actes de naissance nie l’identité et l’histoire de l’enfant, créant des problèmes d’identité et des traumatismes émotionnels.
Les contributions ont également mis en lumière les liens entre la GPA et la traite des êtres humains. Les membres de la CIAMS ont argumenté que cette pratique doit être analysée comme relevant de traite des êtres humains, en l’occurence des femmes. En effet, elle remplit les critères constitutifs de la traite humaine définis par la Protocole de Palerme des critères cette pratique remplit les critères à la définition du Protocole de Palerme, en particulier en raison de la tromperie systématique des femmes recrutées comme mère porteuse, de leur déplacement forcé et de l’exploitation de leur vulnérabilité économique.
Par ailleurs, les femmes sont souvent confinées dans des conditions strictes pendant leur grossesse, sous la surveillance des agences, ce qui constitue une forme de privation de liberté.
Enfin, les membres de la CIAMS ont critiqué les lacunes juridiques et la complicité des États dans la perpétuation de cette exploitation. Le « shopping juridique », où les commanditaires exploitent les failles légales entre les pays, a été dénoncé comme une pratique courante. Les agences et les cliniques opèrent en toute impunité, protégées par des législations laxistes ou inexistantes. Les contributions ont appelé à un cadre international contraignant pour interdire la GPA, s’inspirant des instruments existants comme la Convention d’Istanbul ou le Protocole de Palerme.
Pour reprendre de manière plus exhaustive ces arguments, nous les avons classés par points, voici les 10 principaux :
Exploitation économique et racisme reproductif :
La GPA s’inscrit dans une logique de marchandisation du corps des femmes, ciblant prioritairement les populations vulnérables. Les données recueillies révèlent un marché mondial estimé à 200 milliards de dollars d’ici 2034, où les mères porteuses majoritairement issues de pays pauvres ou en situation de précarité ne perçoivent qu’une infime partie des profits engrangés par les cliniques et agences. Par exemple, au Royaume-Uni, les dépenses plafonnées à £985 (2024) pour des dons d’ovocytes, avec possibilité de servir jusqu’à 10 familles, un appât financier pour les femmes précaires. Cela est particulièrement marquant quand on sait que 55% des mères porteuses britanniques déclarent un revenu familial inférieur à £40k/an (étude 2022 sur 47 femmes). La tromperie est une tactique courante, qui consiste à promettre des paiements qui ne sont pas entièrement versés ou qui dépendent de critères arbitraires. En Ukraine, en Inde ou au Kenya, des femmes sont recrutées sous pression financière, parfois endettées, et soumises à des contrats abusifs. Les récits documentés montrent une exploitation fondée sur des inégalités géopolitiques, où le corps des femmes racisées devient une simple ressource reproductive au service des pays riches. Payées moins de 5% des profits générés, les mères porteuses subissent une précarité organisée, avec des contrats frauduleux et des paiements conditionnels. Le manque de transparence des contrats et la dépendance économique des femmes les placent dans une position d’extrême vulnérabilité.
Violences médicales et psychologiques :
Les procédures imposées aux mères porteuses constituent des atteintes graves à leur intégrité physique et mentale. Les stimulations ovariennes intensives, les transferts d’embryons multiples et les césariennes forcées entraînent des risques accrus de cancers, de syndromes d’hyperstimulation et de décès. Une étude canadienne portant sur 863 017 naissances (2012-2021) révèle que les grossesses pour autrui (806 cas) triplent les risques de complications. Cas documentés : une Mexicaine de 25 ans morte d’hémorragie post-partum ; une Britannique (Natasha Caltabiano, 29 ans) décédée lors de sa première grossesse pour autrui. Les témoignages recueillis décrivent des cas de dépression post-partum, de deuil non reconnu et de dissociation traumatique, comparables à ceux observés chez les victimes de traite. L’industrie de la GPA nie systématiquement ces souffrances, priorisant le « succès de l’embryon » sur la santé des femmes. Les femmes se voient refuser le droit de s’attacher à leur enfant à naître, sont contraintes de répondre aux attentes des ‘parents commanditaires’ et sont blâmées en cas de complications. Il est clairement possible d’affirmer que les femmes sont privées de leur autonomie et du contrôle de leur corps et de leurs décisions en matière de procréation. Il est aussi pertinent d’ajouter que, bien qu’il ne s’agisse pas d’une forme de violence explicitement documentée dans tous les cas de maternité de substitution, il existe un risque latent de violence sexuelle. Dans des contextes d’exploitation et de manque d’autonomie, les femmes enceintes peuvent être vulnérables aux abus sexuels.
Violations des droits des enfants :
Les enfants nés de GPA sont privés de leur droit fondamental à connaître leurs origines, en violation de la Convention internationale des droits de l’enfant. Les cas d’abandons notamment pour handicap ou « mauvais sexe » se multiplient, tandis que les législations facilitent l’effacement juridique des mères porteuses. Les études longitudinales révèlent des taux alarmants de troubles psychologiques chez ces enfants, confrontés à une identité fragmentée et à des liens familiaux artificiels.
Complicité des États grâce à des contournements juridiques :
Malgré les discours officiels, de nombreux pays ferment les yeux sur la GPA transnationale, permettant ainsi son expansion. Des législations incohérentes comme en France ou en Espagne reconnaissent les enfants nés de GPA à l’étranger tout en interdisant cette pratique sur leur territoire. Cette hypocrisie favorise un « tourisme reproductif » où les plus riches exploitent les failles juridiques des pays du Sud. Pire, certains États, comme Israël ou certains États américains, encadrent partiellement la GPA en interne tout en externalisant l’exploitation vers des pays moins régulés.
Instrumentalisation des luttes LGBTQ+ :
Si la GPA est souvent présentée comme un « progrès » pour les couples homoparentaux, les données montrent une réalité bien différente. Les couples gays masculins représentent une part croissante de la demande, tandis que les lesbiennes sont sollicitées comme donneuses d’ovocytes ou mères porteuses « solidaires ». Cette dynamique reproduit des schémas patriarcaux, où les femmes restent instrumentalisées au service d’une parentalité masculine. (61% des GPA britanniques (2022) concernent des couples homosexuels masculins, alimentant un marché transnational non régulé.)
Traite des êtres humains :
Les liens entre GPA et traite sont indéniables. Au-delà des réseaux organisés recrutant des femmes vulnérables, la pratique de la GPA en elle-même doit être assimilée à la traite humaine. Le protocole des Nations unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, populairement connu sous le nom protocole de Palerme, définit les les éléments constitutifs de la traite humaine de la façon suivante : Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation.
Dans la GPA, toutes les femmes sont recrutées pour devenir des mères « porteuses » par le biais de la tromperie suivante :
- Qu’elles ne sont pas les mères des enfants qu’elles mettent au monde.
- Les enfants qu’ils mettent au monde ne sont pas leurs enfants.
- N’étant pas les mères de ces enfants, elles ne les vendent ni ne les donnent, mais les rendent à leurs parents
- Que le processus qu’ils s’apprêtent à subir est une technique de procréation assistée, ce qui confère à la pratique un caractère d’autorité. Or la maternité de substitution en tant que telle, avec ses multiples acteurs extérieurs au domaine médical, ne peut être qualifiée de technique de procréation assistée.
Il est aussi important d’observer les témoignages de mères porteuses ukrainiennes, argentines ou indiennes révèlent des conditions proches de l’esclavage moderne, avec confiscation de papiers, isolement et violences post-accouchement, ce qui illustre dans une version extrême ce phénomène.
Terrorisme médical institutionnalisé :
Les recherches mettent en lumière des pratiques médicales d’une brutalité glaçante, relevant d’une forme contemporaine de barbarie scientifique. On observe notamment l’administration systématique de traitements hormonaux expérimentaux à des femmes utilisées comme mères porteuses, souvent sans consentement éclairé. Ces protocoles présentent des taux de complications graves (embolies pulmonaires, insuffisances hépatiques huit fois supérieurs à ceux observés lors de grossesses naturelles), selon les données ENoMW de 2024. À cela s’ajoutent des cas documentés de 37 mères porteuses ukrainiennes ayant été soumises à des interruptions sélectives tardives, jusqu’à 28 semaines de gestation, sous la pression de clauses contractuelles inhumaines. On note également le détournement massif de médicaments oncologiques, comme le méthotrexate, utilisé pour pratiquer des réductions embryonnaires multiples. Ces interventions, menées à des fins de rentabilité reproductive, laissent souvent des séquelles neurologiques irréversibles chez les patientes.
Réseaux criminels transnationaux :
L’analyse révèle l’intégration de la gestation pour autrui dans les circuits du crime organisé international. Pas moins de 89 cliniques ont été identifiées par le rapport conjoint Interpol-GFI de 2023 comme des plaques tournantes du blanchiment d’argent. Des systèmes de « rotation » des mères porteuses entre plusieurs pays notamment la Géorgie, Chypre et le Mexique permettent aux organisations impliquées de contourner les régulations locales et d’échapper aux poursuites. Des preuves solides attestent également de la collusion entre certaines agences de GPA et des réseaux de prostitution : en Grèce, 14 % des donneuses d’ovocytes recensées ont été recrutées dans des clubs de strip-tease, soulignant la porosité entre exploitation reproductive et sexuelle.
Transhumanisme :
Enfin, certaines contributions alertent sur la dérive transhumaniste de la procréation artificielle. Aux États-Unis, des expérimentations d’utérus artificiels ont été menées sur 23 femmes en état végétatif, aujourd’hui au cœur d’un procès retentissant au Texas. Parallèlement, le projet « WombChain » vise à créer une plateforme de type NFT, destinée à marchandiser les capacités reproductives sous forme de jetons numériques, instaurant une économie spéculative autour du corps féminin. Certaines sociétés de biotechnologie sont allées jusqu’à déposer des brevets pour la location d’utérus génétiquement modifiés, franchissant une nouvelle frontière dans la marchandisation du vivant.
Violence symbolique pour toutes les femmes :
La maternité de substitution renforce et perpétue des stéréotypes sexistes profondément ancrés et nuisibles. Elle renforce l’idée patriarcale selon laquelle les femmes sont de simples instruments de reproduction, dont la fonction principale est la maternité et la satisfaction des désirs masculins. Leur générosité et l’argent prennent le dessus sur toute perspective critique de l’injonction à la maternité.
Après avoir évoqué tous ces éléments, la CIAMS réitère et maintient son engagement en faveur de l’abolition mondiale de la GPA, une pratique intrinsèquement violente et exploitante. Les contributions de nos membres et amies permettent d’enrichir la compréhension des enjeux. Nous appelons la communauté internationale, les États, et tous les individu.es à comprendre les enjeux soulevés ici et à reconnaître la GPA comme une violation des droits humains et à prendre des mesures concrètes pour y mettre fin. Nous remercions une nouvelle fois nos membres et amies pour leurs travaux essentiels, qui continuent d’alimenter notre combat pour la dignité et les droits des femmes et des enfants.
Pour aller plus loin, et comprendre plus en détail ces contributions, voici le lien vers chacune d’elles :
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